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pourquoi la censure gouvernementale inquiète les agriculteurs

Abasourdis par la chute du gouvernement Barnier et la conclusion de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, les syndicats agricoles appellent à de nouvelles mobilisations lundi et mardi.

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Un tracteur lors d'une action des agriculteurs d'Auch (Gers) contre l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, le 2 décembre 2024. (JEAN-MARC BARRERE / HANS LUCAS / AFP)

« La mobilisation est totale, notre détermination intacte ! Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, premier syndicat agricole de France, a annoncé mercredi la couleur sur le réseau social X, peu après le renversement du gouvernement de Michel Barnier. Jeudi et vendredi, plusieurs bureaux de députés ayant voté la motion de censure ont été visés par des agriculteurs de Nouvelle-Aquitaine, qui voient dans cette vacance de l’exécutif un report de la concrétisation des promesses faites. Lundi 9 décembre et mardi 10 décembre, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs appellent à nouveau à manifester.

Coincé entre l’aboutissement des négociations sur l’accord commercial liant l’Union européenne et les pays du Mercosur et les promesses de début 2024 toujours repoussées, le monde agricole s’inquiète. Franceinfo vous explique pourquoi.

Parce que les mesures présentes dans le budget 2025 finissent à la poubelle

Suite à leur mobilisation débutée fin 2023, des promesses ont été faites aux agriculteurs. Très scrutés, ils devaient voir le jour avec les votes des budgets 2025, c’est-à-dire celui de l’État et celui de la Sécurité sociale. Parmi ces mesures, notamment des changements pour les retraités agricoles et les saisonniers. Mais tout cela a été brisé par la chute du gouvernement.

« Les agriculteurs ont clairement indiqué qu’ils avaient besoin de stabilité. La censure du gouvernement entraîne bon nombre des mesures qu’ils attendaient. »a regretté Annie Genevard, la ministre de l’Agriculture démissionnaire, dans un entretien à L’Est républicain. « Nous dénonçons l’attitude de tous les députés. Depuis un an, nous sommes mobilisés pour obtenir des avancées, pour faire bouger les lignes. Alors que nous arrivons au vote du PLFSS (Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale) et on allait avoir quelque chose de concret, on se retrouve à zéro, c’est une déception »a regretté auprès de France 3 Bourgogne Franche-Comté Christophe Chambon, secrétaire général adjoint de la FNSEA.

« Au début de l’année »le nouveau gouvernement «préparera un nouveau budget»a assuré Emmanuel Macron lors de son allocution, jeudi 5 décembre, en évoquant plusieurs secteurs et catégories de personnes en attente, dont «nos agriculteurs en difficulté». « Dès la première heure de sa nomination, nous attendons du nouveau Premier ministre qu’il garantisse le respect des promesses faites au monde agricole »a prévenu Arnaud Rousseau. « Ces mesures en faveur du monde agricole doivent être reprises très rapidement »a commenté à franceinfo Cécile Cukierman, sénatrice communiste de la Loire, vice-présidente du Groupe d’étude sur l’agriculture, l’élevage et l’alimentation au Sénat.

Parce que les agriculteurs n’ont plus d’interlocuteur

« Dans cette période de grande instabilité politique, c’est très compliqué d’avoir des interlocuteurs solides »se désole auprès de franceinfo Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne (classée à gauche). « Ne pas en avoir alors qu’une grande partie du monde agricole est en grande difficulté et que nous avons besoin de réponses structurelles est dramatique »continue-t-elle. C’est pourquoi la Coordination rurale (classée à droite) souhaite désormais discuter directement avec le Président de la République.

« Emmanuel Macron doit assumer la responsabilité de toute la question agricole. Il doit désormais être notre principal interlocuteur.

Coordination rurale, deuxième syndicat agricole français

dans un communiqué de presse

Alors que les travaux parlementaires ont été suspendus cet été suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, « nous avons constaté des progrès et un programme qui se déroulait » malgré tout « sur les politiques publiques, sur la vision de l’agriculture »ajoute Laurence Marandola. Annie Genevard n’a fait qu’un bref passage au ministère de l’Agriculture mais sa façon de faire a été remarquée. « Elle a appliqué une nouvelle méthode que Michel Barnier a demandé à tous ses ministres, qui est de partir de la réalité et des besoins des territoires »salue Cécile Cukierman, soulignant l’impossibilité de juger de son efficacité en seulement trois mois. « Dans un délai très court »le ministre avait le « courage » prendre des décisions par décret, notamment sur les contrôles de l’Office National de la Biodiversité, marquant un « Inversion de tendance » par rapport à son prédécesseur Marc Fesneau, estime auprès de franceinfo le sénateur LR de la Haute-Loire, Laurent Duplomb, président du Groupe d’étude sur l’agriculture, l’élevage et l’alimentation au Sénat.

Afin d’assurer la continuité du dialogue, Annie Genevard envisage-t-elle de rester au gouvernement si on lui le demande ? «Je continuerai à travailler jusqu’au dernier moment»a-t-elle répondu à France Bleu Besançon. Avant d’entrer en touche : « Compte tenu de l’état dans lequel se trouve le pays, nous avons d’abord besoin de stabilité pour l’État ainsi que pour nos agriculteurs, quel que soit mon sort personnel. Où que je sois, je continuerai à travailler pour notre pays.

Parce que les dossiers urgents n’avancent plus

Reprise des discussions sur la loi d’orientation agricole, récoltes au plus bas, épidémie de fièvre catarrhale, revenus toujours faibles… Les urgences ne manquent pas dans le secteur agricole. Celui de finaliser les négociations sur le traité de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur s’ajoute ainsi à un dossier déjà lourd, et à un contexte déjà tendu.

« C’est plus qu’une provocation, c’est une trahison »a réagi sur franceinfo Patrick Bénézit, vice-président de la FNSEA. « Aujourd’hui, ce n’est clairement pas la fin de l’histoire »a déclaré la ministre du Commerce extérieur démissionnaire, Sophie Primas. La conclusion de la négociation « n’engage que la Commission, pas les États membres »dit-elle.

En effet, plusieurs chapitres restent à écrire. La Commission européenne négocie les accords commerciaux au nom des Vingt-Sept. Mais pour entrer en vigueur, ils doivent être ratifiés par au moins 15 Etats membres représentant 65% de la population de l’UE, puis par le Parlement européen. La France, la Pologne et l’Italie ont exprimé leur opposition au projet d’accord tel qu’il est. L’Autriche et les Pays-Bas ont exprimé leurs réticences. « La France n’est pas isolée. Il faut continuer le combat »avait estimé Sophie Primas quelques heures plus tôt sur le plateau de franceinfo.

Pour toutes ces raisons, « on ne peut pas attendre encore trois mois avant d’avoir un nouveau gouvernement » plein exercice, prévient Cécile Cukierman. Pour Laurent Duplomb, « les agriculteurs doivent rester mobilisés et peut-être plus encore ».

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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