pourquoi la célèbre Coupe de l’America met en place un système d’espionnage officiel
Le concours, dont la prochaine édition se déroulera à Barcelone à partir du mois d’août, aime cultiver le goût du secret, basé sur l’espionnage entre équipes et quelques sales coups. Pour éviter les excès, les organisateurs ont dévoilé le système RECON.
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Entraînement de l’équipe française de l’Orient-Express Racing sous le soleil printanier de Barcelone : le bateau français barré par Quentin Delapierre est suivi de près par un petit bateau, celui de Sebastian Peri Brusa, l’un des deux membres de l’unité RECON. « On regarde tout ce que les Français testent et développentdétaille l’Argentin, lunettes de soleil sur le nez. Nous sommes autorisés à prendre des photos dès la sortie du bateau du hangar et pendant tout l’entraînement sur l’eau. »
Toutes ces photos et vidéos sont ensuite transférées sur un serveur en ligne auquel les six équipes de ce 37e édition de l’America’s Cup y ont accès. Et c’est là toute la nouveauté de ce programme RECON, à l’instar de « Reconnaissance », inauguré par les organisateurs néo-zélandais de la plus ancienne compétition sportive au monde. « Tout le monde regarde ce que nous faisons : la façon dont nous naviguons, la façon dont les autres naviguent, nous regardons aussi »s’amuse Bruno Dubois, le patron sportif du challenge français.
« Ça évite d’avoir des gens en haut du pont qui nous filment, ça nous embêterait. »
Bruno Dubois, directeur d’Orient Express Racing Teamsur franceinfo
« On peut même demander aux équipes RECON d’aller voir des choses précises chez d’autresnous raconte un marin français. Pour voir par exemple s’ils sont plus intéressés par le développement des foils, des plans de pont, des boutons qu’on manipule sur les bateaux », explique Bruno Dubois. Une belle avancée pour cet événement qui a nourri de nombreux fantasmes et histoires cocasses par le passé. L’espionnage sauvage qui était autrefois monnaie courante, se souvient Yves Detrey, l’un des piliers de l’équipe suisse Alinghi : « A une certaine heure, nous déplacions les bateaux la nuit, le matériel aussi, pour être le moins vu possible et être le plus discret possible. »
Il faut dire que les bateaux de l’America’s Cup, souvent en avance sur leur temps, suscitent beaucoup d’envies et de jalousies. Encore plus avec l’AC 75 (genre 75 pieds, sa longueur – 23 mètres), le monocoque sans quille et à foils qui est devenu la référence depuis la précédente édition en Nouvelle-Zélande. Le bateau français a été baptisé mercredi 29 mai à Barcelone : un voilier futuriste capable d’aller à 100 km/h et de voler au-dessus de l’eau.
D’où la nécessité de mettre en place des règles pour éviter les dérapages. « L’espionnage a peut-être fait le charme de la Coupe par le passé mais il n’était pas forcément très apprécié par les équipes, assure Timothé Lapauw, équipier du bateau français et référent du programme RECON. C’est une bonne chose pour développer tous les bateaux et notre sport en général.
Plus de transparence mais avec des limites néanmoins : les membres de RECON ne peuvent s’approcher à moins de 25 mètres du bateau lorsqu’il est à quai et à moins de 200 mètres en mer. Et il reste encore une part de secret. « Il y a encore de la place pour cacher des chosesse réjouit Timothé Lapauw. La période la plus critique est celle où tous les bateaux seront à l’eau avec les premiers dessins de coque, de foils et de voiles. Mais même si on découvre des choses intéressantes chez les autres, il sera trop tard pour tout changer. » Mais ce système a un coût : chaque équipe doit mettre la main à la poche. Le prix de la transparence !