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Pourquoi la Biélorussie masse-t-elle des troupes à sa frontière ?

Pourquoi la Biélorussie masse-t-elle des troupes à sa frontière ?

Après avoir été un tremplin, la Biélorussie pourrait-elle enfin faire le grand saut ? En février 2022, les troupes russes ont traversé ce territoire pour lancer leur assaut sur l’Ukraine, faisant instantanément de Minsk un complice de cette invasion. Mais, deux ans plus tard, les troupes d’Alexandre Loukachenko sont massées à la frontière avec l’Ukraine. Kiev s’en est indigné dimanche, mettant en garde son voisin contre d’éventuels « actes inamicaux ». « Depuis le début de la guerre, les Ukrainiens surveillent activement cette frontière », souligne Valentyna Dymytrova, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Lyon 3, qui relève qu’« en permettant l’agression (de 2022), Minsk a de facto « Le pays est positionné comme un pays hostile à l’Ukraine. »

La politique du président biélorusse reste toutefois « très ambiguë », relève Carole Grimaud. Alexandre Loukachenko « joue sur les deux tableaux. D’un côté, il veut satisfaire la Russie, ce grand frère dont il dépend étroitement économiquement, financièrement et politiquement. De l’autre, il lance des appels à la paix », relève l’experte à l’Observatoire géostratégique de Genève et spécialiste de la Russie. Samedi 24 août, jour de l’indépendance de l’Ukraine vis-à-vis de l’Union soviétique, le dirigeant biélorusse a félicité ses voisins, évoquant l’amitié des deux peuples et son désir de paix dans la région.

Un régime proche du « mat »

Car si l’ombre de Vladimir Poutine plane sur son épaule, Alexandre Loukachenko doit aussi satisfaire son peuple. Et sa position politique est fragile. Prendre une part active au conflit serait donc « la porte ouverte à des troubles internes que Loukachenko ne saurait gérer », estime Léo Péria-Peigné. « Le régime a frôlé l’échec et le mat (en 2020 lors d’une crise politique interne intense). Il y a probablement une pression de Vladimir Poutine pour qu’Alexandre Loukachenko s’implique davantage, mais ce dernier doit savoir que cela impliquerait la fin de son régime », analyse le chercheur en industrie d’armement et de défense à l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Alors que l’élection présidentielle est attendue en 2025 et que « même s’il s’agit d’un pays autoritaire, Loukachenko tente d’écouter sa population qui ne veut pas du tout prendre part au conflit », estime Valentyna Dymytrova. Minsk tente donc de ménager son allié sans mettre en péril sa politique intérieure. Une ligne de crête difficile à manœuvrer pour Loukachenko qui a été critiqué pour avoir « retiré trop de troupes de la frontière ukrainienne » et, donc, pour avoir créé les conditions de l’incursion ukrainienne en Russie, dans la région de Koursk, explique Carole Grimaud.

Une armée faible et mal équipée

En massant des troupes à la frontière, Minsk pourrait donc vouloir « envoyer un message de soutien (voire de repentir) à son allié », note Carole Grimaud. « C’est plus une opération rhétorique qu’une opération militaire », analyse Valentyna Dymytrova. « Cela permet à Minsk de montrer qu’ils existent, qu’ils ont une armée et qu’ils sont présents en soutien à la Russie et à Vladimir Poutine. » Une présence plus symbolique qu’autre chose car l’armée biélorusse n’est « pas l’armée la mieux équipée de la zone, malgré l’étendue de son territoire », estime Léo Péria-Peigné.

Avec environ 60 000 hommes, « l’armée biélorusse est une armée prétorienne, là pour protéger le pouvoir plus qu’autre chose. Pour être utile sur le front ukrainien, Minsk devrait se mobiliser », analyse le chercheur de l’Ifri qui ajoute que le pays a, en outre, « donné une énorme quantité de munitions, d’armes de rechange et même de chars » à la Russie, pour soutenir son invasion. Difficile donc d’imaginer Minsk basculer dans un conflit ouvert.

Le désir de « faire peur »

En revanche, en massant ses troupes à la frontière, Alexandre Loukachenko pourrait vouloir participer à une « opération psychologique de la Russie pour effrayer la population et le gouvernement ukrainiens » et ainsi stopper l’incursion ukrainienne en territoire russe, où Kiev affirme contrôler un territoire de près de 1.300 km², estime Carole Grimaud. Ce mardi, le gouverneur de la région russe de Belgorod, située à l’est de celle de Koursk, a annoncé qu’une incursion ukrainienne était en cours.

Kiev semble donc poursuivre sa ligne de déstabilisation du Kremlin en déplaçant une partie de la guerre directement sur le territoire de son adversaire, malgré les manœuvres de Minsk. Pour Léo Péria-Peigné, c’est parce que les Ukrainiens « ne croient tout simplement pas à la possibilité d’un nouveau front au nord, avec la Biélorussie ». L’inaction de la Biélorussie semble donc convaincre Kiev même si, comme le souligne Carole Grimaud, Minsk affiche « une neutralité armée jusqu’aux dents ».

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