Pourquoi la Belgique prend position pour Kinshasa face au Rwanda | TV5MONDE
« Il y a clairement un agresseur et un agressé » entre le Rwanda et la RDC. Cette sentence aurait été prononcée par la ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, devant plusieurs journalistes à Kinshasa, selon La Libre Belgique. Le ministre a clairement décidé de se joindre aux voix demandant au Rwanda de cesser de soutenir le M23 dans l’est du pays. Un soutien que dément Kigali. Quelles sont les raisons de cette position de plus en plus affirmée de Bruxelles en faveur de Kinshasa ? Analyse de Bob Kabamba, professeur de politologie africaine à l’Université de Liège.
« Il faut nommer les choses », a déclaré Hadja Lahbib devant plusieurs journalistes belges. Selon nos confrères de La Libre Belgique, le chef de la diplomatie belge estime que le Rwanda est à l’origine d’une partie des violences perpétrées dans l’est de la République démocratique du Congo. Kigali nie de son côté toute forme de soutien aux rebelles du M23 et toute présence militaire dans l’est du pays. Le ministre parle également d’un « violation de l’intégrité territoriale » de la RDC.
Hadja Lahbib a également demandé à Kinshasa de cesser de soutenir les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe composé majoritairement de Hutus créé par d’anciens hauts responsables du génocide des Tutsis au Rwanda et qui ont fui vers la RDC.
Il y a clairement un attaquant et un attaqué.
Hadja Lahbib, ministre des Affaires étrangères de Belgique aux journalistes belges
Lors de sa visite de deux jours en RDC, la chef de la diplomatie belge a rencontré le Premier ministre démissionnaire, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, la cheffe du gouvernement désignée, Judith Suminwa Tuluka, et son homologue Christophe Lutundula Apala Pen’Apala. Elle s’est également entretenue avec la chef de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), Bintou Keita.
Les relations entre la Belgique et le Rwanda sont actuellement très froides.
Bob Kabamba, professeur de politologie africaine à l’Université de Liège
Son langage diplomatique est en tout cas direct dans une prise de position pour Kinshasa selon Bob Kabamba, professeur de politologie africaine à l’Université de Liège au détriment du Rwanda. Quelles sont les raisons ?
« Les relations entre la Belgique et le Rwanda sont actuellement très froides. L’ambassadeur de Belgique à Kigali n’a pas encore remis ces lettres de créance à Kigali au président Paul Kagame. En juillet 2023, leLa Belgique a décidé de refuser l’accréditation de Vincent Karega, désigné par le Rwanda pour être son nouvel ambassadeur à Bruxelles. Au Rwanda, le gouvernement fédéral a voulu récupérer les terrains de l’ancien camp des Casques bleus à Kigali pour y faire un mémorial. Dix casques bleus belges y furent assassinés en 1994. Ce terrain allait fuir la Belgique dans le cadre d’un projet immobilier à Kigali. Nous nous dirigeons vers une solution, après plusieurs semaines de tensions entre les deux pays, sur cette question. explique Bob Kabamba, professeur de politologie africaine à l’Université de Liège.
« Les relations étaient au point mort avec les Kabila au pouvoir, que ce soit le père Laurent-Désiré Kabila (président de 1997 à 2001) et Joseph Kabila (président de la RDC de 2001 à 2019). Ils sont mieux avec le président Félix Tshisekedi.
Bob Kabamba, professeur de politologie africaine à l’Université de Liège
La Belgique, selon l’universitaire, tente depuis plusieurs années de relancer ses relations avec la République démocratique du Congo. « Les relations étaient au point mort avec les Kabila au pouvoir, que ce soit le père Laurent-Désiré Kabila (président de 1997 à 2001) et Joseph Kabila (président de la RDC de 2001 à 2019). Ils sont mieux avec le président Félix Tshisekedi. En prenant clairement position pour la RDC face au Rwanda, le gouvernement belge entend clairement gagner les faveurs de Kinshasa. estime Bob Kabamba.
La diplomatie belge cherche à changer l’image de la Belgique dans le pays. « Ces dernières années, la Belgique a été assez impopulaire car accusée d’avoir fermé les yeux sur de nombreuses violations des droits de l’homme perpétrées en RDC pour ne pas offenser le pouvoir. En s’attaquant au Rwanda et à la violence dans la « diplomatie belge, il s’agit également de convaincre l’opinion publique en RDC », explique le chercheur. Les gains économiques d’une relation apaisée entre les deux pays restent marginaux pour Bruxelles selon le chercheur.
La communauté congolaise de Bruxelles reste très politisée. Et cela constitue un marché électoral pour tous les partis en Belgique.
Bob Kabamba, professeur de politologie africaine à l’Université de Liège
Les entreprises belges étaient autrefois présentes dans le secteur minier congolais. « Désormais, ce sont les entreprises chinoises qui contrôlent le secteur. Les entreprises belges peuvent obtenir un contrat sur la certification des matières premières (assurer des garanties économiques ou environnementales sur l’origine des matériaux) mais cela reste négligeable », estime le chercheur.
Le gouvernement fédéral belge doit faire face à une importante diaspora congolaise en Belgique et particulièrement à Bruxelles. « La communauté congolaise de Bruxelles reste très politisée. Et cela constitue un marché électoral pour tous les partis en Belgique. A Bruxelles, cette diaspora vote pour le parti socialiste. Le Mouvement réformateur (parti de centre-droit présent au gouvernement fédéral) cherche également à conquérir un nouvel électorat en prenant clairement le parti de la RDC contre le Rwanda. décrit Bob Kabamba, professeur de politologie africaine à l’Université de Liège.
Du côté de Kinshasa, cette position est appréciée. « La Belgique reste un pays au cœur de l’Union européenne et de ses institutions et qui peut avoir une influence en Europe », explique Bob Kabamba.