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pourquoi Emmanuel Macron durcit ses arguments et sa rhétorique contre « les extrêmes »

Le président s’est illustré lundi par une sortie sur le risque de « guerre civile », dénoncée par plusieurs de ses adversaires politiques.

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Le chef de l'Etat Emmanuel Macron dans la cour de l'Elysée à Paris, le 24 juin 2024. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Un président qui alerte sur un risque de « guerre civile ». Le long entretien avec Emmanuel Macron accordé au podcast « Génération Do It yourself », et diffusé lundi 24 juin, a fait réagir ses adversaires. A six jours du premier tour des élections législatives, le chef de l’Etat durcit le ton et déclare que « L’extrême droite, parce qu’elle renvoie à une religion ou à une origine, (…) divise et pousse à la guerre civile ». Dans le même temps, il accuse La France insoumise de prôner «une forme de communautarisme quelque peu électoral »qui renvoie « des personnes exclusivement à leur appartenance religieuse ou communautaire »Et « C’est aussi la guerre civile qui se cache derrière ».

La stratégie présidentielle n’est pas nouvelle. Lors de sa conférence de presse organisée deux jours après la dissolution, le chef de l’Etat avait déjà posé les bases d’une la stratégie de campagne de son camp : se pose comme un bouclier rassurant contre le « deux extrêmes ».

Largement devancé dans les sondages par le RN, et désormais aussi par les partis de gauche alliés au sein du Nouveau Front populaire (NFP), le camp présidentiel tente de retrouver des couleurs en dramatisant son discours, comme lors de la campagne européenne. La stratégie est largement partagée et assumée par son parti pour cette campagne législative. Jeudi, Gabriel Attal a également utilisé l’expression de « guerre civile » lors d’une réunion, a déclaré un conseiller exécutif à franceinfo. Mardi, c’est le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui a alerté sur un risque de « La violence dans le pays » et de « troubles »sur Europe 1, accusant le RN et LFI de pouvoir « être dangereux ».

« Pour nous, les deux extrêmes sont dangereux si l’on regarde leur programme. Nous devons les combattre avec la même vigueur”dit un conseiller exécutif. « Je ne l’attaquerai pas sur l’emploi du terme de guerre civile, le risque est grand que ceux qui sont mécontents de l’arrivée d’un des deux blocs ne l’acceptent pas. Il y a deux Frances qui seront en confrontation directe, notre le côté ne provoque pas ça »» ajoute un cadre de Renaissance.

En évoquant l’hypothèse d’une « guerre civile » Alimenté par une victoire du RN ou de LFI aux législatives, Emmanuel Macron cherche à se poser en représentant d’un « troisième voie », rassurant parce que «soutenu par un Premier ministre et des dirigeants politiques que vous connaissez»a-t-il écrit aux Français dans une lettre publiée dimanche. C’est « le meilleur pour notre pays », « Parce qu’elle est la seule qui peut certainement bloquer l’extrême droite comme l’extrême gauche au second tour. » Or, au vu des sondages, le camp présidentiel semble incapable de se qualifier pour ce second tour dans un grand nombre de circonscriptions, ce qui explique peut-être la nouvelle mise en garde d’Emmanuel Macron, critiquée par tous les partis d’opposition.

« C’est une stratégie de peur »a accusé Eric Ciotti, s’exprimant mardi sur RMC – BFMTV. « Évitons d’effrayer les Français »a ajouté le président des Républicains, contesté depuis son soutien au RN, tandis que l’insoumis Jean-Luc Mélenchon accusait le chef de l’Etat de « enflammer »sur France 2, lundi.

Ce sentiment est déjà présent chez une partie de l’électorat. Les enquêtes mettent en évidence un « match de peur », constate Bernard Sananès, président de l’institut de sondage Elabe. Dans une étude publiée samedi (PDF)53% des personnes interrogées déclarent l’être « inquiet » quant à une victoire du NFP aux législatives, et 50% en cas de victoire du RN, alors que la victoire du camp présidentiel n’inquiète que 39% des personnes interrogées. « L’inquiétude des sondés est quasiment du même ordre en cas de victoire du RN ou du NFP. C’est une adéquation entre l’envie de changement et la peur du changement »souligne Bernard Sananès à franceinfo.

Près d’un tiers des Français déclarent avoir « peur » d’une majorité absolue pour le RN ou le NFP à l’issue du scrutin, selon une enquête de l’Institut Vérian pour la Fondation Jean-Jaurès et Avispublié mardi (PDF). Mais le score de la dramatisation jouée par Emmanuel Macron semble surtout affecter son électorat : 76% et 81% des partisans de la Renaissance se disent « inquiet » de la perspective d’une victoire du NFP ou du RN. En jouant sur la peur d’éventuelles tensions, Emmanuel Macron peut « avoir un impact sur certaines catégories d’électeurs, notamment les retraités, qui ont traditionnellement peur de l’instabilité », observe Bernard Sananès. S’il peut espérer mobiliser sa base, le chef de l’Etat peine à faire remonter les intentions de vote de son parti. « Pour l’instant, cela ne se voit pas dans les enquêtes d’opinion ; au contraire, une grande partie des électeurs souhaite le changement. »poursuit l’enquêteur.

Cette dramatisation du discours de campagne est également liée aux récentes déclarations d’Emmanuel Macron sur l’immigration ou «changement de sexe à la mairie», analyse Benjamin Morel, politologue et maître de conférences à l’université Paris II. A travers ces postes, le chef de l’Etat peut incarner « un alignement de l’électorat centriste sur celui de droite, qui ne voudra peut-être pas voter RN ».

Ses sorties renforcent l’image d’un président en perte d’influence, y compris auprès de ses partisans. L’ancien Premier ministre Edouard Philippe estimait ainsi que le président avait « tuer » la majorité à la dissolution. « Il faut quand même dire que, jusqu’à récemment, tout tournait autour d’Emmanuel Macron, il était au centre du pouvoir », souligne Benjamin Morel. Loin de le remettre au centre du jeu, la dissolution l’a laissé tranquille. Le Président est devenu un repoussoir et de nombreux candidats macronistes sortants préfèrent éviter d’ajouter le portrait du chef de l’Etat sur leurs affiches de campagne.

Résultat, « Même si la coalition majoritaire remporte les élections, la majorité sera celle de Gabriel Attal, pas celle du président »renchérit Benjamin Morel, qui juge que le chef de l’Etat « politiquement, il n’existe presque plus ». Une impression de « fin de règne »trois ans à compter de la fin du mandat deEmmanuel Macron. Il reste donc, selon le politologue, « seulement une tentative de continuer à exister » dans les médias, ce qui pourrait avoir des conséquences sur les élections législatives et après le 7 juillet. La sortie présidentielle sur le « guerre civile » ressemble pour Benjamin Morel à un « dernière carte » présidentielle, à la mode « C’est moi, ou le chaos. »

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