Pourquoi Elon Musk s’en prend à l’Europe

En quelques jours, les dirigeants de trois grands pays européens ont réagi aux déclarations provocatrices d’Elon Musk : Emmanuel Macron, hier, dans un discours ; le Premier ministre britannique Keir Starmer au même moment face à la presse ; et le chancelier allemand Olaf Scholz, en pleine campagne électorale.

Quel autre citoyen privé au monde a ce pouvoir de provoquer autant de réactions ? Mais évidemment, Musk n’est pas un citoyen comme les autres : il est à la fois l’homme le plus riche du monde, à la tête de sociétés emblématiques comme Tesla ou Space X ; devenu proche de Donald Trump qui lui a confié la tâche de couper les dépenses fédérales. Et, par-dessus tout, il est le propriétaire du réseau social X, l’ex-Twitter, dont il a fait sa caisse de résonance personnelle et des causes qu’il défend.

Emmanuel Macron a fustigé sans le nommer le milliardaire américain, accusé de soutenir « une nouvelle internationale réactionnaire ». L’expression a fait mouche, elle provient d’une analyse publiée par la revue en ligne Le Grand Continent, et décrit ce courant qui mêle le « trumpisme » et la puissance du techno-nationalisme de Musk.

Ingérences sans précédent

Pourquoi Elon Musk s’en prend-il à l’Europe ? Rappelons d’abord les faits, Elon Musk a apporté son soutien à l’AFD, le parti d’extrême droite radicale allemand, à quelques semaines des élections en Allemagne. Il l’a fait sur son réseau social, dans une tribune dans la presse allemande, et ce jeudi, il organise un dialogue avec la dirigeante de l’AFD sur X/Twitter, lui donnant une visibilité extraordinaire.

Puis il a tourné sa force de frappe vers le Royaume Uni, faisant ressurgir une vieille affaire de viols en série il y a dix ans, une manière d’attaquer Keir Starmer qui était à l’époque procureur, et de prendre la défense d’un extrémiste en détention, Tommy Robinson. Lorsque Nigel Farage, le leader du parti d’extrême droite Reform, a pris ses distances avec Tommy Robinson, Elon Musk a demandé son remplacement à la tête du parti ! Rien que ça ! Seule Giorgia Meloni, la dirigeante italienne issue de l’extrême droite, trouve grâce à ses yeux : il faut dire qu’elle s’apprête à signer un important contrat avec Space X.

Pourquoi ces ingérences sans précédent d’un grand patron américain à ce niveau-là de la politique intérieure européenne ? Pour Elon Musk, l’Europe incarne le vieux monde trop « socialiste », et surtout trop régulé pour les entreprises de technologie comme la sienne. C’est un système à abattre.

Alliance de choc

Elon Musk ne parle pas au nom de Donald Trump, mais il est, pour le moment, en phase avec lui. Il a adopté ses codes de communication, et use et abuse de la puissance de sa plateforme X.

Le ralliement d’Elon Musk et d’autres géants de la tech à Donald Trump annonce le mariage entre les nouveaux maîtres du capitalisme américain et l’homme du Make America Great Again. Ça provoque des grincements de dents du côté des ultra-nationalistes américains purs et durs, comme Steve Bannon, qui ne suit pas. Mais cette alliance de choc se fera sentir chez les alliés de l’Amérique, à commencer par les Européens.

Emmanuel Macron hier, devant les ambassadeurs de France réunis à l’Élysée, a décrit le « désordre du monde », d’où qu’il vienne. Il a ajouté : « Ceux qui appliquent les règles du monde d’avant seront dévorés ». Mais l’Europe a-t-elle ce qu’il faut pour résister à ces nouveaux prédateurs ? À voir le vent de panique suscité par les rafales de tweets d’Elon Musk, le combat semble inégal.