LLes gouvernements ont-ils peur d’Elon Musk ? La question semble légitime, au vu des réactions mitigées alors que le patron de X, Telsa et SpaceX multiplie les insultes contre les dirigeants politiques de plusieurs pays depuis un an – allant jusqu’à comparer le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, à Hitler, en février 2022, lors du « convoi de la liberté », le mouvement routier anti-vaccin, et que son réseau social est accusé d’avoir joué un rôle non négligeable dans les émeutes racistes qui ont touché le Royaume-Uni du 30 juillet à début août, sans réelles conséquences pour lui. Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, même directement attaqué par M. Musk tout au long de la semaine du 5 août, est resté très mesuré dans ses réponses.
Il ne fait cependant guère de doute que X et Elon Musk lui-même sont en partie responsables de la flambée de violences outre-Manche, selon les spécialistes de la lutte contre la haine en ligne et la presse britannique. En réactivant en 2022 les comptes de figures de l’extrême droite la plus dure, comme l’influent fondateur de l’English Defense League, Tommy Robinson, « Elon Musk a ouvert les portes de l’asile d’Arkham (où des criminels dangereux sont enfermés dans l’univers de Batman) et libéré des terroristes, des pédophiles et des extrémistes de droitedéclare Imran Ahmed, directeur de l’ONG Centre pour la lutte contre la haine numérique (CCDH). Depuis lors, il s’est également révélé être le Joker en chef, le grand propagateur de désinformation. Le patron de X lui-même a en effet partagé, avec ses près de 200 millions d’abonnés, des images sorties de leur contexte ou des informations totalement fausses sur la situation du pays.
Mais sanctionner X ou son patron n’est pas si simple pour les autorités britanniques. Ayant quitté l’Union européenne (UE), le Royaume-Uni ne bénéficie pas du Digital Services Act (DSA), principal règlement européen qui encadre les réseaux sociaux. Le texte prévoit notamment une procédure d’urgence qui permet « mettre les plateformes face à leurs responsabilités »rappelle l’entourage de Thierry Breton, le commissaire européen au Marché intérieur. « Le DSA commence à faire des envieux, y compris aux États-Unisexplique son bureau. Les Britanniques voient également les avantages d’une réglementation claire.
La Commission européenne en première ligne
Conséquence indirecte : de nombreux responsables européens considèrent désormais que la régulation de X se joue à l’échelle de l’UE. Et préfèrent renvoyer les questions sur ce point à Bruxelles, où le commissaire Thierry Breton, chargé de l’application du DSA, est l’un des rares responsables politiques qui n’hésite pas à répondre frontalement – et sur X – à Elon Musk. Dans le rapport de force avec les grandes plateformes, « Le discours politique joue aussi un rôle, évidemment, et il est logique que Thierry Breton le porte »juge son bureau.
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