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Pourquoi certaines nations sont-elles riches et d’autres pauvres ?

Le 14 octobre, le prix Nobel d’économie, décerné par la Banque de Suède, a été décerné à Daron Acemoglu, Simon Johnson et James A. Robinson, pour « leurs travaux sur la manière dont les institutions forment et affectent la prospérité ». Leurs apports, tant théoriques qu’empiriques, permettent de comprendre pourquoi certaines nations connaissent aujourd’hui de grandes difficultés économiques, compte tenu de l’histoire de la colonisation.


En 2022, selon la Banque mondiale, le revenu par habitant du Danemark est de 74 000 dollars (réduit au pouvoir d’achat) tandis que celui de la Sierra Leone s’élève à 1 900 dollars. Comment expliquer de telles différences de revenus entre les nations ? Comment expliquer également que même lorsque les pays les plus pauvres tendent à s’enrichir, ils ne rattrapent pas les plus prospères ? C’est sur ces questions que se concentrent les travaux des lauréats du prix Nobel d’économie de cette année (plus précisément du prix de la Banque de Suède en sciences économiques à la mémoire d’Alfred Nobel), Daron Acemoglu, Simon Johnson et James A Robinson. Leurs contributions soulignent empiriquement et théoriquement qu’une explication importante de ces questions est liée à la relation centrale entre les institutions (droits de propriété, système juridique, systèmes politiques, gouvernance publique) et la prospérité.

Le rôle de la colonisation, un facteur clé

L’une des principales contributions des lauréats a été de considérer l’expérience historique de la colonisation, et plus précisément la nature des systèmes politiques et économiques que les colonisateurs européens ont introduits, ou ont choisi de maintenir, à partir du XVIe siècle.e siècle dans le monde colonisé. Ils observent que ce type d’institutions dépend du nombre de colons européens établis dans la colonie.

Lorsque l’environnement était plus hostile, soit en raison d’une population indigène plus dense et résistante à l’envahisseur, soit en raison de la prévalence de maladies mortelles et dangereuses, les colonisateurs étaient en fait moins nombreux. Ils ont ensuite mis en place des institutions extractives pour exploiter les masses au profit d’une élite locale, établissant ainsi des droits politiques extrêmement limités. Cela a été préjudiciable à la croissance à long terme.

En revanche, les colonies comptant de nombreux colonisateurs – appelées colonies de peuplement – ​​ont développé des institutions économiques inclusives qui incitaient les colons à travailler et à investir dans leur nouvelle patrie. Cela a conduit à des revendications de droits politiques qui leur ont donné une part des bénéfices. Ces institutions établissant les libertés économiques fondamentales et l’État de droit ont été bénéfiques au développement économique.

Utilisant entre autres les chiffres de mortalité des colonisateurs, les prix Nobel ont ainsi mis en évidence le fait statistique suivant corroborant cet argument : plus la mortalité chez les colonisateurs est élevée, plus le revenu par personne est aujourd’hui faible. habitant, et plus la pauvreté, la corruption et l’absence d’état de droit sont grandes.

Comment changer de système lorsque les intérêts diffèrent

Les lauréats du prix Nobel ont également développé un cadre théorique innovant qui explique pourquoi certaines sociétés se retrouvent piégées dans des institutions extractives et comment il est parfois possible de s’affranchir des institutions héritées pour établir la démocratie et l’État de droit.

L’explication des vainqueurs se concentre sur les conflits autour du pouvoir politique et sur le problème de crédibilité entre l’élite dirigeante et la population. Tant que le système politique profitera aux élites, les gens ne pourront pas croire que les promesses d’un système économique réformé seront tenues. A l’inverse, un nouveau système politique, donnant la possibilité à la population de remplacer les dirigeants qui ne tiennent pas leurs promesses, permettrait de réformer le système économique.

Cependant, les élites dirigeantes ne croient pas que la population les compensera pour la perte des avantages économiques une fois le nouveau système en place. Ce problème dit d’« engagement » est difficile à surmonter et explique pourquoi certaines nations restent piégées dans des structures institutionnelles extractives, avec une pauvreté de masse et de grandes inégalités entre les élites dirigeantes et les autres membres de la société.

La démocratie par manque de confiance ?

Il est intéressant de noter que cette même incapacité à faire des promesses crédibles peut également expliquer pourquoi des transitions vers la démocratie se produisent parfois. En effet, même si la population d’une nation non démocratique manque de pouvoir politique formel, elle dispose d’une arme redoutée par les élites dirigeantes : son nombre. Une mobilisation des masses peut en effet se matérialiser en une menace révolutionnaire pour les élites.

Ces élites sont alors confrontées au dilemme suivant : elles préféreraient rester au pouvoir et tenter simplement d’apaiser les masses en promettant des réformes économiques. Mais une telle promesse n’est pas crédible car les masses savent que les élites pourront rapidement revenir à l’ancien système une fois la situation calmée. Dans ce cas, la seule option pour l’élite pourrait alors être de céder le pouvoir et d’introduire la démocratie. Cela permettrait la mise en œuvre de politiques économiques plus favorables à la croissance et à la redistribution vers les masses, tout en évitant les conséquences plus coûteuses de la violence et de la révolution.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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