Pourquoi ce printemps est-il si pluvieux ?
23 mai 2024 à 9h18
Mis à jour le 23 mai 2024 à 9h38
Temps de lecture : 4 minutes
« J’en ai marre, je veux partir d’ici. » Mardi 21 mai, une habitante des Deux-Sèvres sinistrée a fait part de son désarroi au micro de franceinfo, eau boueuse à hauteur des genoux. Pars juste pour aller où ? La veille, 94 des 96 départements de France étaient sous alerte pluie-inondation jaune ou orange émise par Météo-France. Dans la Somme, l’Oise, la Sarthe, le Bas-Rhin ou encore l’Ille-et-Vilaine, la pluie ne cesse de tomber.
Jeudi 23 mai au matin, 71 départements sont toujours placés en alerte jaune aux orages. Alors pourquoi ce printemps est-il marqué par de telles précipitations ? ? Cette tendance n’est-elle pas contradictoire avec le changement climatique ? ? « Au contraire, c’est même un symptôme », assure le climatologue Robert Vautard. Une loi physique, la formule de Clausius-Clapeyron, est à l’origine de ce phénomène.
Des événements de plus en plus extrêmes
Qu’est ce qu’elle dit ? « Une augmentation de température de 1°C correspond à une augmentation de l’humidité atmosphérique de 7 %poursuit le directeur de l’Institut Pierre-Simon-Laplace. Autrement dit, à mesure que le climat se réchauffe, la vapeur d’eau stockée au-dessus de nos têtes se multiplie. » Or, l’air a une certaine capacité à le contenir, une fois le seuil dépassé, il finit par se condenser, former des nuages et se transformer en pluie. « Résultat : le cycle de l’eau est accéléré par le changement climatique et les précipitations sont plus fréquentes. »
Et contrairement aux apparences, le printemps 2024 a été l’un des plus chauds jamais enregistrés en France. Températures observées sur la période 1euh Les températures de mars à mai 20 sont les septièmes plus élevées depuis le début des relevés dans les années 1930, offrant des conditions propices à l’humidification de l’atmosphère.
« Sécheresses décuplées au Sud et pluies intenses au Nord »
Le 22 mai, le réseau international de scientifiques World Weather Attribution a établi que le changement climatique anthropique a augmenté de 20 %. % de précipitations automnales et hivernales au Royaume-Uni et en Irlande cette année. « Les jours de tempête, ceux-ci sont également devenus 30 % plus intense, par rapport à un climat préindustriel 1,2°C plus froid », précisez les auteurs. Des chiffres similaires à ceux observés autour de la Méditerranée, selon Robert Vautard.
Mais dans les années à venir, tous les pays ne seront pas logés à la même enseigne. Au Maroc, comme dans le sud de l’Europe, et particulièrement en Grèce, en Espagne et au Portugal, les précipitations diminueront sensiblement. A l’inverse, en Scandinavie et dans les pays baltes, ils augmenteront sensiblement. « Ce seront les deux faces du changement climatique en Europe : des sécheresses accrues au Sud et des pluies intenses au Nord. »analyse le coprésident du groupe 1 du GIEC.
Que va-t-il se passer en France, située entre ? Le volume annuel de pluie ne devrait pas y évoluer beaucoup, mais pourrait tout de même augmenter quelque peu, selon les données des laboratoires français de modélisation climatique. Comme en Allemagne, cette stabilité cache cependant un changement de répartition saisonnière : il pleuvra davantage d’octobre à avril, moins pendant la saison estivale.
Des inondations plus fréquentes au printemps
Plus de pluie signifie des nappes phréatiques plus saines. Malgré quelques déficits localisés dans l’extrême sud de la France, ils ont globalement réussi à se recharger grâce aux pluies abondantes d’octobre à mars. Mais attention à ne pas se réjouir trop vite : « Dès que le printemps arrive, ces précipitations ne sont plus du tout efficacesprévient Robert Vautard. Soit l’eau est immédiatement captée par la végétation, puis s’évapore dans l’atmosphère, soit les pluies sont violentes, se transforment en ruissellement et provoquent des inondations. »
Le climatologue en est convaincu : l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des épisodes pluvieux au printemps va entraîner une augmentation des inondations dans les villes, y compris celles qui n’étaient pas exposées jusqu’à présent à ce risque. « Pour quoi ? Car elle ne dépend plus de la proximité d’une rivière en crue, mais de l’urbanisation et de l’imperméabilisation des sols. »
La bonne nouvelle est que nous pouvons agir : « Empêcher le débordement d’une rivière n’est pas facileil continue. A l’inverse, l’application de mesures locales d’assèchement des sols est plus simple. Commençons par exclure le bitume et le béton des parkings. Cela coûtera certainement cher, mais de grandes quantités d’eau pourront ainsi être absorbées. »