Pour vivre les Jeux Olympiques de Paris 2024, le Club France est devenu un lieu de fête incontournable
L’espace de 55 000 mètres carrés du Parc de la Villette, dans le 19e arrondissement de Paris, est devenu en quelques jours le repaire des supporters français qui viennent vibrer aux rythmes des événements, célébrer les médaillés tricolores, et même faire la fête jusqu’à tard dans la nuit.
« Nous avons une surprise pour vous. » Le fleurettiste Enzo Lefort, médaillé de bronze par équipes aux Jeux Olympiques de Paris, vient de franchir le podium qui coupe en deux la Grande Halle de la Villette avec ses compagnons d’armes. « Je vous présente le cinquième mousquetaire »crie-t-il devant une foule en délire. A l’autre bout de la scène, Florent Manaudou apparaît, avec ses deux médailles de bronze sur son torse nu, pour prendre une nouvelle dose de plaisir. Le nageur avait déjà communié avec le public un peu plus tôt. Les spectateurs, déjà chauffés à blanc, entrent en transe, tandis que la sono crache le titre MARAIS par le rappeur américain Travis Scott. Et une nouvelle soirée de folie démarre au Club France, lundi 5 août.
Le site géant installé dans le parc de la Villette, dans le 19e arrondissement de Paris, est devenu le lieu de fête des supporters des athlètes français. Cet espace de 55 000 mètres carrés est ouvert de 10 heures à 2 heures du matin tous les jours. Depuis son ouverture, au lendemain de la cérémonie de lancement des Jeux, le lieu ne désemplit pas. David Lappartient, le président du Comité olympique français (CNOSF), a assuré dimanche que « 290 000 personnes » était déjà là depuis le début des Jeux Olympiques. « On était persuadé qu’il y aurait beaucoup de monde, car ce sont les Jeux, mais on ne s’attendait pas à cette effervescence, les gens sont simplement contents »savoure son directeur, Arnaud Courtier, auprès de franceinfo.
Parmi eux, Jérémy, Arnaud, Noémie et Nathalie. Ils patientent dans la file d’attente déjà bien remplie depuis le matin. Le petit groupe est arrivé tôt pour avoir une chance d’entrer. « Je regarde l’émission ‘Quels jeux!’et ça m’a donné envie de venir »explique Jérémy. Céline, qui profite du soleil et de l’écran géant sur la pelouse, confirme : « Avec les vidéos qu’on voit sur les réseaux sociaux, c’est devenu ‘the place to be’. Quand j’ai vu cette effervescence, je me suis dit : ‘Il se passe quelque chose’. » La première soirée, le samedi 27 juillet, avec Bob Sinclar aux commandes et les joueurs de rugby à 7 célébrant leur titre olympique, a été « un déclencheur »rembobine Arnaud Courtier. « Cela a donné des images folles et a fait exploser les ventes de billets, et nous avons été saturés les jours suivants. »
Sur internet, les billets, à 5 euros, sont partis comme des petits pains. Sur les groupes Facebook de revente de billets olympiques, certains n’hésitent pas à les réclamer. L’espace ne peut contenir plus de 25 000 personnes à la fois, et le directeur dénombre au total 40 000 visiteurs uniques par jour, entre le public payant, les personnes accréditées et les invités. Plusieurs clientèles se succèdent : des familles avec enfants, désireuses de découvrir les 130 sports dont on peut suivre les démonstrations, ou des supporters sans billets pour les épreuves, qui viennent suivre les compétitions. « Les gens veulent partager, soutient Marie qui vient ici pour la quatrième fois. Cela n’a pas la même valeur d’être devant sa télévision que de vibrer avec 15 000 personnes devant un écran géant. »
Lundi, les supporters présents en ont eu pour leur argent : la médaille d’argent d’Angèle Hug en kayak cross, la finale de basket 3×3 et ce tir hollandais à la dernière seconde qui a privé les Bleus d’un titre, ou encore la qualification des footballeurs de Thierry Henry pour la finale, sans oublier le nouveau record du monde de saut à la perche du Suédois Armand Duplantis. A chaque fois, la même ferveur partagée. On ne compte plus les Marseillaises ou les « Allez les Bleus » criés à tue-tête. « Il y a une atmosphère malsaine. On se sent bien, apprécie Emmanuel. Notre pays a vécu deux mois compliqués. Il y a une sorte d’amnésie. La trêve olympique prend tout son sens et nous en profitons pleinement.
La réussite du Club France passe aussi par la présence des médaillés. Le public vient voir, et parfois serrer la main, de ceux qui l’ont fait rêver. Quand les spectateurs arrivent, une question est sur toutes les lèvres : « Qui viendra fêter sa médaille ? » Lundi, Florian, comme les autres, ne s’intéressait qu’à Léon Marchand, la nouvelle star de la natation française. « J’ai déjà changé deux fois de train pour rentrer à Bordeaux, je dois partir d’ici à 18 heures, mais si vous m’assurez que je peux passer la soirée en coulisses avec Léon, je m’arrangerai avec mon travail. »plaisante-t-il. L’un des héros de ces Jeux, accompagné de ses compagnons de l’équipe de France de natation, a enflammé la foule en fin d’après-midi. Le quadruple champion olympique à Paris, trop rapide dans le bassin pour ses adversaires, était submergé par l’émotion.
« Jouer devant des milliers de personnes n’est pas ma zone de confort. Mais (…) c’était énorme de partager ça avec eux. »
Léon Marchand, quadruple champion olympique de natationà la presse
D’autres sont plus à l’aise. Son partenaire de piscine, Florent Manaudou, n’a pas hésité à montrer ses muscles et à multiplier les applaudissements. Joris Daudet, Sylvain André et Romain Mahieu, les héros du podium du BMX, avaient annoncé qu’ils voulaient « rendre le Club France ». Ce qu’ont fait les judokas, emmenés par Teddy Riner, et le fleurettiste Enzo Lefort, Maxime Pauty, Maximilien Chastanet et Julien Mertine.
Pour voir ces médaillés, le public est prêt à rester jusqu’à tard dans la soirée. Il est minuit passé lorsque le quatuor d’escrimeurs fait son apparition, et la salle est encore pleine à craquer.« On a beaucoup de chance d’avoir eu des billets, on pensait qu’il n’y aurait rien à voir et on se retrouve à célébrer les escrimeurs »notez Marion et Stéphanie, deux jumelles venues fêter leur anniversaire, car « l’endroit était convenable ».
Cette célébration tardive retarde l’arrivée des artistes qui viennent se produire durant les soirées. « Le Club France a une histoire et une réputation de lieu de vie nocturne, qui a débuté à Londres en 2012, et qui s’est renforcée à Rio »sourit Arnaud Courtier. S’il y avait eu les Jeux sous Covid-19 à Tokyo en 2021, Paris 2024 « Je voulais être à la hauteur de ma réputation »assure le réalisateur. Les spectateurs viennent aussi pour ce spectacle, comme Quentin, Maeva et Charline, venus voir le groupe pop L’impératrice, qui s’y produisait samedi. « Nous avions pris nos places, mais sans avoir conscience de l’ampleur de la chosedit Maeva. L’idée c’est de rester jusqu’au bout de la nuit. »
DJ Cut Killer, Bob Sinclar, la chanteuse Inna Modja étaient également présents. « Il n’y a pas de timbreprécise Arnaud Courtier. Nous prenons en charge uniquement les frais techniques, ils acceptent de venir car ils aiment ce sport. » La DJ Claire Marie s’y produira à quatre reprises durant la quinzaine. Lorsqu’elle a découvert la scène, elle a été impressionnée.
« Je ne savais pas qu’il y aurait 5 000 personnes à La Villette. Quand on passe derrière les platines, il y a une demi-seconde de « waouh ».
Claire Marie, DJà franceinfo
« C’est assez fou, en termes de goûts musicaux, de jouer pour des profils aussi différents, elle s’enthousiasme. Un bon DJ doit plaire aux gens. Ce genre d’événement est comme un mariage : il faut plaire aux ados, aux grands-parents, aux parents. » Durant son set, elle a varié entre Beyoncé, Queen et son légendaire Nous sommes les champions, « pour le clin d’œil », ou même le tube électro Poussez le sentiment des Nightcrawlers. Mais pas Libéré du désir de Gala, une valeur sûre néanmoins. « Je ne supporte plus ce bruit »elle plaisante.
Tout serait donc parfait dans le meilleur des mondes au Club France ? La présence d’alcool dans les bars du lieu n’a pour l’instant pas causé de désagrément. « Les gens sont disciplinés, ça se passe bien. Il y a beaucoup de policiers en civil dans la salle, il y a un bon contrôle à l’entrée et pour nous, c’est calme. »confie un membre des services de sécurité. Les médias, dont certains ont leur studio au cœur de la salle, sont aux premières loges pour constater l’ambiance folle qui peut y régner le soir.
Au début, le public n’était séparé des présentateurs et des stars du sport français que par quelques fenêtres, et certains spectateurs, voulant attirer l’attention, n’hésitaient pas à taper bruyamment dessus. « Pour éviter les problèmes, nous avons re-sécurisé certaines zones »rapporte Arnaud Courtier, notamment devant les studios de RMC et de franceinfo, où des barrières ont été installées pour éloigner les spectateurs et éviter les perturbations.
« Paris est clairement en fête en ce moment, les gens veulent en faire partie »conclut DJ Claire Marie. Les lumières se rallument à 2 heures du matin et la centaine d’irréductibles restés jusqu’au bout quittent la salle. La fête est finie, mais recommencera dès le lendemain. Elle devrait se poursuivre jusqu’au 11 août et reprendre pour les Jeux paralympiques, du 28 août au 8 septembre, durant lesquels l’accès au Club France sera gratuit.