Pour une école de la République et non du tri !
Par Bertrand Gaufryau, directeur de l’école.
Publié le 24 juin 2024
Mis à jour le 24 juin 2024 à 19h03
Publié le 24 juin 2024
Mis à jour le 24 juin 2024 à 19h03
Si les résultats des élections européennes du 9 juin ont constitué un premier séisme de notre pacte républicain, les propositions du Rassemblement national rejointes par la fraction la plus conservatrice des Républicains et l’extrême droite la plus extrême de la Reconquête constituent pour l’École, une réponse de des violences rares. Un « big bang » dit Jordan Bardella !
C’est bien l’école de la République qui s’est construite petit à petit depuis Jules Ferry, Jean Zay, René Haby et tant d’autres ministres qui est dans le viseur de l’extrême droite. Le « monsieur l’éducation » Roger Chudeau qui s’est répandu ces derniers jours dans la presse pour préciser les contours de cette école si un matin sombre se lève sur notre pays est sans ambiguïté.
Briser plutôt que réformer, faire tomber l’école émancipatrice, c’est-à-dire celle qui outre la transmission des savoirs, accompagne chaque jeune sur le chemin de la citoyenneté en l’aidant à acquérir cet esprit critique, le sel de la République et le bien commun. Sélectionner, trier, diriger, tôt, très tôt, stigmatiser et reléguer : tels sont les objectifs décrits par le projet de cette extrême droite aux portes de Matignon. Pédagogiquement, orienter les enfants dès la fin du primaire vers « 6ème adaptation » les enfants qui ne passeraient pas un nouvel examen d’entrée en 6ème alors dit normal ? Triez d’abord alors ! Deuxième tri : celui des élèves perturbateurs dont les comportements peuvent parfois nécessiter un accompagnement et des sanctions pédagogiques, mais sous le coup de la peur de se retrouver demain dans des « centres spécialisés » avant peut-être de se revoir, dans une gare de triage envoyée vers des centres éducatifs fermés. Et cela avec un aller simple, sans retour possible à ce que serait le « collège classique »… Un mélange d’éducation et de justice qui n’est autre qu’un parfum de populisme outrancier. Ce pont est dangereux tant pour l’école que pour la justice, et placerait les hauts fonctionnaires comme les recteurs dans la peau de petits télégraphistes de juges ou de procureurs pour enfants !
Enfin, plusieurs gares de triage pour arriver à un collège de têtes blondes d’un âge d’or de l’école qui n’a jamais existé. Il n’y a rien d’autre dans ces propositions qu’une forme de manipulation idéologique remettant en cause la massification et la démocratisation de cette école républicaine qui, malgré ses difficultés, ses travers et ses orientations parfois discutables, est un melting-pot unique ! Avec tout ce tri, plus besoin de regroupements de niveaux ou de besoins ! Ils se créeraient ainsi eux-mêmes ! Quelle hypocrisie indécente ! Pire que le « choc des savoirs » de Gabriel Attal, l’école du tri ! A terme, ce serait l’école de la stigmatisation, des étiquettes collées en permanence sur le front de chaque élève. Des réseaux d’éducation prioritaire ? L’inclusion des étudiants qui constitue un ciment pour construire la société de demain depuis la loi de 2005 votée par Jacques Chirac ?
Supprimer l’éducation prioritaire – infirmières scolaires, assistantes sociales, psychologues – pour n’habiller que l’éducation très prioritaire qui, si on y réfléchissait ne serait-ce que deux secondes, deviendrait alors très vite très prioritaire… Radiée ! La fresque d’un roman national exposée dans chaque classe, un roman écrit par des idéologues dessinant aussi une carte de la France seule, hors Europe, hors de tout ce monde qui nous entoure et qui fait la richesse et l’honneur de celui que nous sommes ? Un projet désastreux pour une France isolée, hors du temps et hors du monde ? C’est ce qui se cache derrière ces premières propositions. Interdiction du téléphone au collège et au lycée, appel aux professeurs par les élèves ? Comme si la familiarité était une pratique générale alors qu’elle n’existe guère sauf peut-être dans les écoles maternelles ou primaires… Tout comme l’interdiction des associations qui interviennent historiquement dans les collèges et lycées sur les questions de santé et de sexualité, d’égalité entre filles et garçons, de questions de genre. . Faites comme si ces questions n’étaient pas abordées de front dans ce qu’est l’école d’aujourd’hui et de demain ! A bas les universités dans la formation des enseignants : au cas où la recherche en sciences de l’éducation par exemple, en pédagogie, viendrait à contredire ce que serait ce modèle national ?
L’extrême droite ne veut pas « corporaliser » les enseignants mais leur imposer des programmes et des procédures et enfin leur imposer de manière autoritaire pour remplacer leurs collègues absents. « Nous n’aurons aucune faiblesse sur ce sujet », confie Roger Chudeau, qui promet également une réduction du champ d’action de l’éducation nationale et l’installation de recteurs prêts à appliquer injustement une politique qui contredirait les valeurs de la République. Cette dernière ne peut être le paillasson du projet politique d’un clan, celui qui deviendrait celui d’une école finalement élitiste et non plus pour tous, mais une école de tri où seule la transmission des savoirs de manière verticale aurait sa place. Nous ne l’acceptons pas !
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