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pour Succès Masra, des lendemains désillusionnants

Les cartons d’invitation à la cérémonie d’annonce des résultats finaux ont déjà été mis en ligne. A N’Djamena, personne ne doute que le Conseil constitutionnel validera, jeudi 16 mai, la victoire de Mahamat Idriss Déby au premier tour de la présidentielle, trois ans après avoir été hissé par un groupe de généraux sur le fauteuil de son défunt père, en dehors de tout cadre légal.

Cette légitimation du pouvoir héréditaire par les urnes sera particulièrement difficile à avaler pour son principal rival, Succès Masra. L’opposant, devenu Premier ministre en janvier, conteste les résultats et revendique 73% des voix lors du scrutin du 6 mai, selon son propre décompte. « Ne laissez pas votre destin vous être volé ! » »a-t-il déclaré le 9 mai, appelant ses partisans à « mobilisation pacifique » dans une vidéo diffusée en direct sur les réseaux sociaux quelques instants avant l’annonce des résultats provisoires, qui ont donné Mahamat Idriss Déby vainqueur avec un peu plus de 61% des voix.

Mais la grande soirée n’a pas eu lieu, car une force militaire impressionnante était déployée au même moment dans les principales villes du pays. « Des chars et des pick-up équipés de mitrailleuses de 12,7 mm ont envahi les rues, on aurait dit une ambiance de coup d’État », s’étonne un observateur étranger habitué du Tchad. Le ministre de la Sécurité a expliqué qu’il s’agissait d’un dispositif « préventif ».

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Dès l’annonce des résultats, le vacarme des armes de guerre a déchiré la nuit et s’est poursuivi jusqu’au petit matin, malgré l’interdiction émise par le chef d’état-major général des forces armées. De la « coups de joie » certainement « excessif », concède le ministre de la Communication, Abderaman Koulamallah, « mais il faut comprendre car les militaires sont très attachés à leur président, qui est aussi général. » L’ONG Human Rights Watch et l’Union européenne (UE) n’ont pas hésité à qualifier cela de violence post-électorale.

Porte de sortie

Tirant pour la joie ou pour l’intimidation, Hassan Baba Abazen s’en fiche. Car pour lui, le résultat est le même. Le 9 mai vers 21h40, un projectile explosif a traversé le toit de sa maison, tuant sa femme et blessant grièvement ses trois enfants. «Je suis sorti et je leur ai dit de rester en sécurité à l’intérieur. Quand je suis revenu, leurs corps étaient troués partout. » raconte-t-il, le regard vide, seul au milieu de son salon dévasté aux murs criblés d’impacts, tenant dans ses mains un éclat de métal.

Plusieurs sources ont confirmé Monde au moins dix morts et plusieurs dizaines de blessés rien que dans la capitale. Il y a aussi des victimes dans la ville camerounaise de Kousseri, de l’autre côté de la frontière, en face de N’Djamena. Par une circulaire, le ministère tchadien de la Santé a d’abord interdit aux hôpitaux de fournir des informations aux journalistes sur les résultats de cette soirée électorale au nom de la protection de la population. « Informations médicales confidentielles », avant de faire marche arrière en promettant des rapports quotidiens… toujours en attente.

Dans les quartiers sud de la capitale, réputés favorables à l’opposition et qui abritent le domicile de Succès Masra, ces fusillades ont été perçues comme une forme d’intimidation. « Le message était clair : au moindre mouvement, ils étaient prêts à provoquer un nouveau « Jeudi Noir » », relate un membre des Transformateurs, le parti du Premier ministre, en référence à la répression du 20 octobre 2022 ; entre 73 et 300 manifestants venus réclamer le départ des militaires au pouvoir ont été tués. « Nous n’avons pas appelé à manifester pour éviter de nouvelles effusions de sang. » » déclare Sitack Yombatina Béni, vice-président du parti.

Lire aussi | Présidentielle au Tchad : Succès Masra réclame l’annulation du scrutin

Mais à défaut de pouvoir jouer sa dernière carte, celle de la mobilisation dans la rue, Succès Masra se retrouve hors jeu et acculé. Il ne reste aux Transformers que des voies légales de protestation, sans grand espoir certes, mais qui leur laissent au moins le temps de réfléchir à une issue honorable. Dimanche, Succès Masra est venu lui-même déposer son dossier de recours devant le Conseil constitutionnel, présidé par Jean-Bernard Padaré, ancien porte-parole du parti de Déby père.

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Dans la requête, ses avocats documentent, pêle-mêle, des refus d’accès aux bureaux de vote ou des opérations de dépouillement, l’absence de listes électorales dans certains bureaux, des urnes emportées par des militaires ou encore l’arrestation de 79 militants de Transformers en marge du scrutin. vote. « Face à toutes ces irrégularités, nous exigeons l’annulation pure et simple du vote » lance Sitack Yombatina Bienheureux. En vain semble-t-il, car ce jeudi les journalistes sont invités par le Conseil constitutionnel au « proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle ». La seule surprise ne pourrait donc venir que des notes finales de chaque candidat.

« Coup de massue »

Arrivé troisième avec près de 17%, Albert Pahimi Padacké ne talonne Succès Masra que par cent mille voix. L’ancien premier ministre a également déposé un recours devant le Conseil constitutionnel pour demander l’annulation partielle du scrutin, notamment dans les trois provinces où l’actuel chef du gouvernement a recueilli le plus de voix, au motif qu’il aurait utilisé les couleurs de l’élection nationale. drapeau dans sa campagne, ce qui est interdit par le code électoral. Si le Conseil accède à sa demande, il pourrait passer à la deuxième place.

« Une telle situation serait un véritable coup dur politique pour Masraobserve Remadji Hoinathy, chercheur senior à l’Institut d’études de sécurité (ISS). Il a certes été impressionné par sa propre campagne, mais une fois la déception passée, il lui faudra trouver une autre façon d’exister politiquement. D’autant qu’en tentant de faire cavalier seul, il s’est créé de puissants ennemis dans les rangs de l’opposition traditionnelle. »

Lire aussi | Au Tchad, l’arrivée d’un influenceur russe le jour du scrutin alimente les spéculations

Les cadres de son parti ont eu le temps de réfléchir à l’avenir, retranchés pendant trois jours dans le QG des Transformers, encerclés par les forces de défense et de sécurité. « Il faut maintenant travailler au développement de l’assise territoriale du parti en vue des prochaines élections législatives, explique l’un d’eux. C’était notre première participation aux élections et nous avons commencé très fort, maintenant il faut voir comment transformer l’épreuve. »

La réflexion s’annonce plus compliquée pour la personne de Succès Masra, qui, en s’engageant dans un bras de fer au sommet de l’Etat, a annihilé ses chances de conserver son poste de premier ministre, obtenu grâce à un accord politique qu’il est désormais n’est plus en mesure de renégocier. « Sa marge de manœuvre est très étroite mais elle existe» met Remadji Hoinathy en perspective. Car le pouvoir, qui risque de prendre une tournure clairement autoritaire, aura forcément besoin d’un adversaire, ne serait-ce que pour conserver une unité dans ses rangs et un semblant d’apparence démocratique. »

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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