Pour son gouvernement, Michel Barnier veut débaucher de la gauche, mais cela ressemble à une mission impossible
LUDOVIC MARIN / AFP
Michel Barnier lors de son passage au SAMU de l’hôpital Necker à Paris le 7 septembre 2024.
POLITIQUE – Vouloir, ce n’est pas pouvoir. A peine nommé, le Premier ministre Michel Barnier a joué la carte de l’ouverture, affirmant vouloir que son gouvernement soit accessible à la droite, aux macronistes et aux « les gens de gauche »Mais cette déclaration a toutes les caractéristiques d’un vœu pieux, tant de la part de Michel Barnier que de sa gauche.
Inquiet « ouvrir sa table » Face aux sensibilités politiques représentées à l’Assemblée nationale (à l’exception du Rassemblement national), Michel Barnier, homme de droite, a tenté d’engager le dialogue avec la gauche. Il a ainsi évoqué la « dette écologique »sa volonté pour un « une plus grande justice fiscale »UN » débat « Pour » améliorer « Réforme des retraites… Insuffisante pour les élus du Nouveau Front Populaire.
Des Verts aux communistes, tous les groupes ont promis de soutenir une motion de censure, que la France Insoumise compte déposer dès l’ouverture de la session parlementaire début octobre. Et même en dehors de l’alliance NFP, l’aile gauche de Renaissance se méfie de ce Premier ministre qui briguait l’investiture LR pour l’Élysée en 2021.
Fumée blanche à droite, pas d’étincelles à gauche
« M. Barnier a cinquante ans de vie politique. » Et « Il n’a jamais rien fait pour les travailleurs, le service public, les questions sociales »résume Fabien Roussel sur LCI ce 10 septembre. Le chef du PCF dit « sans illusion » sur la politique de droite qui sera mise en œuvre. Et les premiers éléments vont dans son sens.
Il y a d’abord les priorités fixées par le Premier ministre : « contrôler les flux migratoires par des mesures concrètes »améliorer l’accès aux services publics, à la santé et au logement… Le nouveau locataire de Matignon a repris une grande partie du « pacte législatif » proposé par sa famille politique à Emmanuel Macron cet été. Gérard Larcher, président LR du Sénat, s’en réjouit ouvertement Le Figaro ce mardi 10 septembre. Pas idéal pour appâter la gauche, même si sur le papier, certains thèmes, comme l’accès au logement ou à la santé, peuvent lui parler.
Autre mauvais signal pour la gauche : l’hypothèse d’un ministère régalien confié au chef des sénateurs LR Bruno Retailleau. L’élu vendéen incarne l’aile la plus conservatrice des Républicains, tenant d’une politique migratoire dure et opposé à la constitutionnalisation de l’avortement… Sa présence au Conseil des ministres d’un gouvernement Barnier, qui plus est en position de poids, sera inévitablement perçue comme un basculement en direction de la droite.
Pire encore : lundi 9 septembre, la rumeur d’un futur ministère de l’Immigration est apparue. La gauche s’est indignée et Matignon a temporisé, assurant sur HuffPost que « rien n’est décidé » à ce stade. Néanmoins, l’image est dévastatrice : le dernier ministère de l’immigration a été confié à Brice Hortefeux sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Difficile de faire plus emblématique d’un gouvernement (très) de droite. Sans oublier que le Rassemblement national, qui revendique la place « sous surveillance » Le Premier ministre menace de censurer tout futur gouvernement qui ne répondrait pas à ses attentes.
Aucun acteur au casting
Dans ces conditions, il va sans dire que la présence d’une figure du Nouveau Front populaire dans un gouvernement Barnier est peu probable. D’ailleurs, la liste des candidats reste cruellement vide. Un écologiste entré au gouvernement serait-il exclu du parti ? Inutile de débattre de quelque chose qui n’arrivera pas, a balayé Marine Tondelier sur BFMTV samedi. La question ne se pose pas non plus à la France Insoumise, qui n’a toujours pas été invitée aux négociations à Matignon selon son coordinateur national Manuel Bompard mardi 10. « Aucune personnalité du PS ne sera dans son gouvernement, je n’en doute pas »assure également Olivier Faure le 6 septembre sur France Inter.
Même les divisions internes ne jouent pas en faveur de Michel Barnier. Au PS, malgré une querelle interne autour de l’échec de l’option Cazeneuve à Matignon, les principaux adversaires d’Olivier Faure, Nicolas Mayer Rossignol et Hélène Geoffroy, ont décliné l’offre. Le député Jérôme Guedj, qui s’est présenté sans la bannière du NFP et dont le nom pourrait être cité, a lui aussi refusé : « Ce n’est pas parce que j’ai des désaccords majeurs avec la direction de LFI que je suis Macron-compatible »il s’en est pris ce mardi sur LCI. Même son de cloche chez Raphaël Glucksmann, lui aussi en rupture avec LFI et malgré certaines positions (européennes) partagées avec le camp macroniste : « Je ne rejoindrai pas ce gouvernement une seule seconde »il affirme dans L’opinion.
Même dans l’aile gauche du parti de Macron, on ne se précipite pas vers la porte. Par exemple, Roland Lescure, le ministre sortant de l’Industrie, qui se méfie de l’idée de revenir dans un ministère et qui prévient en Libérer qu’il n’accordera pas » automatiquement » sa confiance à Michel Barnier. Le micro-parti En Commun, dont les députés siègent au groupe Renaissance, a également exprimé ses réserves quant à la nomination d’un Premier ministre « très droitier ».
Si l’on compte les « + » et les « – » à l’adhésion à un gouvernement Barnier, les « contre » l’emportent largement. D’une part, parce que la durée de vie de ce gouvernement est incertaine et dépend en partie de l’humeur des députés RN. D’autre part, parce qu’avec autant de signaux à droite, le poids réel des ministres de gauche (s’il y en avait) s’annonce infime. Cela pose une question : rompre avec sa famille politique pour (ne pas) peser dans un gouvernement fragile qui fait fi de ses valeurs vaut-il vraiment le coup ? La gauche va vite faire le calcul.
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