Pour sa réouverture, le Musée Jacquemart-André accueille les plus grands chefs-d’œuvre de la Galerie Borghèse à Rome
Après 14 mois de travaux, ce bel hôtel particulier situé Boulevard Haussman à Paris rouvre ses portes et nous emmène en Italie.
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Les habitués du musée Jacquemart-André trépignent d’impatience. Cette belle demeure construite en 1869, propriété de l’Institut de France, est restée fermée pendant plus d’un an. Pour sa réouverture, il propose un voyage en Italie du 6 septembre au 5 janvier 2025, avec la présentation de 40 chefs-d’œuvre de l’art de la Renaissance et du baroque provenant de la célèbre galerie Borghèse de Rome. Nous avons pu découvrir le « nouveau » musée et cette exposition en avant-première.
Avec l’accord des Monuments Historiques, la cour, autrefois recouverte de graviers, a été pavée et végétalisée pour ressembler à son aspect du début du XXe siècle. Pierre Curie, conservateur du patrimoine en charge du site depuis 2016, nous apprend que les graviers ont provoqué de nombreuses chutes et que, transportés sous les semelles des 400 000 visiteurs annuels du musée, il a endommagé les sols. Il révèle également le coût des travaux : 6 millions et demi d’euros.
La salle à manger a été entièrement restaurée. Au plafond, la décoration peinte par Giambattista Tiepolo a retrouvé sa splendeur perdue. Même métamorphose pour le fumoir, rénové du sol au plafond. Pierre Curie nous dit que c’est la chute d’un « morceau du plafond » dans cette pièce qui a déclenché tout le projet. Boiseries, décors, mobilier, cheminée, tentures… tout a été refait, ce qui rend la pièce beaucoup plus lumineuse que par le passé. Tout aussi spectaculaire, la restauration du grand escalier à double volée. La verrière qui le surplombe a été nettoyée ainsi que le marbre. L’ancien jardin d’hiver de la maison d’Edouard André et de son épouse, Nélie Jacquemart, a retrouvé son lustre d’antan.
Recouvert d’un épais tapis aux tons verts et dorés, l’escalier monumental mène au premier étage. Les visiteurs l’emprunteront pour découvrir l’exposition célébrant la réouverture du musée au public. Un bel écrin pour une collection unique au monde : celle de la Galerie Borghèse à Rome.
En entrant dans la première salle, trois portraits se présentent à vous. Celui d’un jeune homme à l’air langoureux attire immédiatement votre regard. Il a l’épaule nue et porte un panier rempli de fruits et de feuilles. Pierre Conti, commissaire et commissaire de l’exposition, nous explique qu’il s’agit d’une œuvre de jeunesse du célèbre Caravage, « probablement un autoportrait rétrospectif du peintre adolescent« .
Lorsqu’il la réalise, Caravage a presque 25 ans et travaille dans l’atelier du chevalier d’Arpin, qui est alors le plus célèbre peintre romain. Deux de ses toiles sont également présentées dans l’exposition. Dans ce tableau peint vers 1596, Caravage démontre déjà l’étendue de son talent et sa modernité. Il représente les fruits et les feuilles tels qu’ils sont, avec leurs imperfections, une nouveauté pour l’époque. Il réhabilite l’environnement naturel, sa beauté simple dans cette nature morte.réalisme fascinant » selon Pierre Conti. Le conservateur parle d’un « poétisation de la réalité, une façon d’aborder la réalité jamais vue auparavant« .
Quarante toiles, dont beaucoup de grand format, et quelques sculptures du Bernin sont réunies dans un petit espace de 220 mètres carrés. Francesca Cappelletti, directrice de la Galerie Borghèse à Rome et commissaire de l’exposition, nous explique dans un français parfait comment s’est opérée la sélection.Nous avons prêté les plus emblématiques, dit–Elle. Nous avons donné la priorité aux chefs-d’œuvre et avons voulu donner une idée de la collection originale constituée par le puissant cardinal Scipione Borghese, neveu du pape Paul V au début du XVIIe siècle. Tous les grands maîtres et tous les thèmes de la collection sont représentés. »
Construite entre 1607 et 1616, la somptueuse villa romaine du « nipote », le cardinal-neveu, est située sur la petite colline du Pincio au cœur de la ville éternelle. À la fin du XVIIe siècle, sa collection réunissait environ 800 tableaux. Enrichie au fil du temps et acquise par l’État italien en 1902, elle compte aujourd’hui près de 2 000 pièces.Ce sont des tableaux qui sont rarement prêtés, expliquer Marie-Claude Cappelletti. Nous profitons de la rénovation de certaines salles prévue à l’automne 2024, notamment de la Pinacothèque, pour les faire voyager. »
Parmi ces trésors se trouve La Dame à la Licorne de Raphaël, un joyau de la Renaissance peint vers 1506.Une beauté intemporelle » selon Pierre Curie. « La perle sur son collier et la licorne sont des symboles de virginité.Il pourrait s’agir d’une peinture de mariage ou de fiançailles, explique le conservateur. Raphaël reprend la composition de La Joconde « peint par Léonard de Vinci quelques années plus tôt. Une jeune fille dans une loggia encadrée par deux colonnes avec un paysage en arrière-plan. »
Difficile à croire mais cette toile était recouverte de repeints. D’autres motifs avaient été ajoutés à la fin du XVIIe siècle, masquant l’œuvre de Raphaël. C’est une restauration en 1935 qui permit de « nettoyer » la toile et de retrouver le sujet d’origine. Dans la petite salle du musée Jacquemart-André, ce tableau rayonne de sa lumière subtile.
La dernière salle de cette exposition s’inspire d’une des salles de la Villa Borghèse qui abritait 44 représentations de Vénus. Des peintures plus ou moins érotiques, selon Pierre Conti, dans la tradition de la Renaissance. On remarquera en particulier la très ancienne (avant 1517) et très célèbre copie d’un tableau perdu de Léonard de Vinci : Léda et le cygne.
Thème mythologique célébré par les artistes depuis l’Antiquité. Le dieu Zeus prend la forme d’un bel oiseau pour séduire l’épouse du roi de Sparte. De leur union naîtront plusieurs enfants. Dans ce tableau, Léda apparaît entièrement nue, la peau diaphane. Le cygne l’entoure de son aile soulignant la volupté de ses formes.
L’exposition ouvre un dialogue transalpin entre deux collections et deux institutions muséales. Il faut prendre le temps d’apprécier chaque tableau, chaque sculpture puis s’attarder dans les salles du bel hôtel particulier parisien également tapissées d’œuvres d’art.
Voici l’épigraphe qui figurait à l’entrée de la Villa Borghese au début du XVIIe siècle : «Allez où vous voulez, demandez, cherchez ce qui vous plaît et partez quand vous voulez. » A Paris comme à Rome, on ne saurait mieux dire.
« Les chefs-d’œuvre de la Galerie Borghèse » – Musée Jacquemart-André – Du 6 septembre 2024 au 5 janvier 2025 – Plein tarif : 18 € – Tarif réduit : 15€ – Tarif jeunesse : 9,50 €
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