Pour réduire la dette, l’État pourrait s’attaquer aux niches fiscales polluantes
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Pour réduire la dette, l’État pourrait s’attaquer aux niches fiscales polluantes

Pour réduire la dette, l’État pourrait s’attaquer aux niches fiscales polluantes

A quelques jours de la présentation du projet de loi de finances pour 2025, le gouvernement n’a qu’un seul objectif : renflouer les caisses de l’Etat. Face à un déficit public plus élevé que prévu qui devrait atteindre 6,1 % du produit intérieur brut (PIB) en fin d’année et une dette publique de 3,228 milliards d’euros, Michel Barnier cherche à faire des économies. Pour «  alléger le fardeau » de la dette et réduire le déficit à 5 % de PIB en 2025, il veut trouver 60 milliards d’euros d’économies ou de revenus supplémentaires dès l’année prochaine.

L’effort viendra de «  deux tiers » de la réduction des dépenses, soit 40 milliards d’euros, a déclaré le Premier ministre lors de son discours de politique générale aux députés, mardi 1euh octobre. Il n’a toutefois pas précisé quels secteurs seront ciblés. Pour faire des économies, et si le gouvernement s’attaquait enfin aux dépenses fiscales néfastes au climat et à la biodiversité ?

Il existe tout d’abord les niches fiscales brunes, c’est-à-dire des réductions d’impôts ou des exonérations de taxes sur les énergies fossiles. Cela concerne les entreprises du BTP qui ont droit à un taux réduit sur le gazole non routier utilisé pour les engins de chantier (1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires en moins en 2023). Même chose pour les agriculteurs qui font rouler leur tracteur (1,3 milliard). Les taxis et les véhicules routiers bénéficient également de tarifs réduits sur leur carburant (67 millions).

Certaines niches sont plus faciles à supprimer que d’autres

La suppression de ces niches fiscales brunes pourrait rapporter 7 milliards d’euros aux finances publiques selon le budget vert de l’Etat. Celui-ci recense les dépenses budgétaires et fiscales favorables et défavorables à l’environnement. En réalité, c’est bien plus : 19 milliards d’euros selon l’Institute of Economics for Climate (I4CL) et même 25 milliards selon le Réseau Action Climat (CAR).

Car tout dépend de ce que l’on considère comme une niche fiscale brune et du critère que l’on prend en compte. Par exemple, dans son calcul, l’État n’inclut pas la défiscalisation sur le kérosène (4,7 milliards d’euros), la T.V.A. à 10 heures % uniquement sur les billets d’avion, le tarif réduit sur le carburant du transport maritime, le différentiel de taxation entre essence et diesel ou encore les avantages fiscaux pour la construction de nouveaux logements qui contribuent à artificialiser les territoires.

Si supprimer ces niches fiscales est une nécessité dans la mesure où elles incitent à la pollution et sont incompatibles avec l’objectif de neutralité carbone en 2050, on ne peut pas le faire au gré de tous. Parmi les plus faciles à supprimer, «  augmenter le T.V.A. sur les billets d’avion de 10 % à 20 % permettrait d’économiser 1 milliard d’euros »indique Simon-Pierre Sengayrac, co-directeur de l’Observatoire économique à l’Institut Jean Jaurès.

C’est aussi ce que prévoit le gouvernement : si on ne connaît pas encore toutes les modalités, le ministère du Budget veut tripler le montant de la taxe de solidarité sur les billets d’avion pour récupérer «  un milliard d’euros de fiscalité supplémentaire ».

La suppression d’autres niches est plus difficile à mettre en œuvre, tant pour des raisons sociales que de compétitivité. Par exemple, «  si l’on supprime l’avantage fiscal accordé aux compagnies de fret maritime, les armateurs français perdront en compétitivité face à la concurrence chinoise »poursuit Simon-Pierre Sengayrac. Concernant la taxation du kérosène, «  il faudrait qu’il soit homogénéisé au niveau européen car sinon, les compagnies aériennes feront le plein chez nos voisins »ajoute-t-il.

«  Éliminer une niche fiscale de manière sèche comme cela a été tenté avant les Gilets jaunes (ici en 2019), c’est l’exemple à ne pas suivre », estime Émeline Notari, du Réseau Action Climat.
© Marie Astier / Reporterre

Concernant les allégements fiscaux accordés aux agriculteurs, aux chauffeurs routiers ou aux taxis, différents gouvernements ont tenté de les supprimer par le passé. A chaque fois, ils ont reculé face à la contestation sociale. Dernière illustration en février dernier : alors que la niche fiscale sur le diesel non routier était censée disparaître, face à la colère des agriculteurs, le gouvernement a fait machine arrière. Mais uniquement pour les opérateurs. Mécontent de ce traitement différencié, le secteur de la construction a obtenu que les entreprises de moins de quinze salariés puissent bénéficier d’un remboursement de la hausse d’impôt.

Exemple typique de contestations sociales liées à la fiscalité environnementale : les Gilets jaunes. Le mouvement est né de la hausse du prix des carburants (via une taxe carbone) ainsi que de la volonté du gouvernement d’aligner la fiscalité du diesel sur celle de l’essence. «  Supprimer une niche fiscale de manière sèche, comme cela a été tenté avant les Gilets jaunes, est l’exemple à ne pas suivre. »estime Émeline Notari, chargée du financement de la transition écologique chez CAR.

Transformer les niches fiscales brunes en aide à la transition

D’abord parce que cette suppression a été faite, selon elle, pour de mauvaises raisons : le gouvernement de l’époque voulait supprimer cet avantage fiscal car il lui fallait 3,5 milliards d’euros pour financer le crédit d’impôt recherche.

«  Il faut abandonner l’idée selon laquelle en éliminant les niches fiscales brunes, l’État augmentera ses recettes fiscales ou pourra financer telle ou telle politique publique.explique Simon-Pierre Sengayrac. Nous devons immédiatement redistribuer cet argent pour aider les personnes ciblées par la mesure à s’adapter à des alternatives plus écologiques. » Dans le cas des Gilets Jaunes, «  ceux qui vivent dans des zones reculées ne disposent ni de transports publics, ni de bornes électriques, ni de pistes cyclables. Cette mesure parisienne tend inutilement le débat entre écologistes des centres-villes et autres. »il juge.

La construction de nouveaux logements, néfaste pour l’environnement, bénéficie d’avantages fiscaux.
Jean Claude MELLIN / CC PARC’EST 4.0 / Wikimédia Commons

«  Les ménages les plus modestes qui n’avaient pas d’autre choix que la voiture thermique pour leurs déplacements quotidiens ne se sont vu proposer ni aide financière ni alternatives plus écologiques.dit Émeline Notari. On disait que les Gilets jaunes étaient anti-écologiques, ce n’est pas vrai, ils n’avaient tout simplement pas le choix. » C’est pourquoi, à l’époque, les associations environnementales n’avaient pas soutenu cette mesure.

Financer la transition énergétique

En redistribuant l’argent aux acteurs concernés, l’État ne récupère pas immédiatement les pièces dans ses caisses, certes, mais la somme servira à la transition écologique. Or, plus tôt nous agirons, moins nous paierons pour les dégâts liés au changement climatique.

Pour adapter notre fiscalité à la transition énergétique, les experts interrogés, l’Institut d’économie pour le climat et la Cour des comptes exigent d’abord plus de transparence de la part de l’État. «  L’Etat doit changer sa méthodologie dans son budget vert pour qu’il intègre tous les avantages fiscaux défavorables à l’environnement comme l’exonération du kérosène ou les avantages fiscaux pour la construction de nouveaux logements. »recommande Émeline Notari.

Tout le monde réclame aussi depuis longtemps la mise en place d’une stratégie pluriannuelle de financement de la transition énergétique. «  Changer la fiscalité prend du temps car il faut consulter les différentes parties prenantes et leur donner de la visibilité. »précise Émeline Notari. Alors que les associations atteignaient leur objectif – la stratégie devait être dévoilée fin septembre – «  nous n’avons aucune information, Michel Barnier n’en a rien dit dans son discours de politique générale « , elle regrette.

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