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Pour ou contre la réservation obligatoire des TER ? Les usagers sont divisés

Bientôt une réservation sera obligatoire dans tous TER de France ? C’est l’information qui fait le buzz dans la presse ces derniers jours. «  Ce débat, qui n’a pas été vérifié, est sans fondement et ne reflète en rien les travaux en cours sur le transport express régional. »a réagi le 21 août Régions de France, porte-parole des quinze régions organisatrices de la TERéliminant ainsi toute volonté de généraliser les réserves obligatoires.

«  Il s’agit d’une position qui va dans le sens d’un transfert modal. ! » s’est réjouie dans un tweet la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut). L’association en a profité pour demander aux deux régions qui ont déjà mis en place cette réservation obligatoire sur certaines lignes de revenir sur cette règle.

«  Le premier à réserver pourra voyager. »

Cette réservation – gratuite – est imposée depuis le 6 juillet par la Région Grand Est sur les lignes Paris-Strasbourg et Paris-Mulhouse. Elle y voit un moyen de garantir une place à chaque voyageur dans ces trains souvent bondés. «  Il convient de noter que les deux lignes en question sont d’anciennes lignes d’équilibre territorial qui ont été transférées de l’Etat à la Régionexplique la communauté interrogée par Reporterre. Ces lignes longue distance (513 km pour la ligne Paris-Strasbourg et 492 km pour la ligne Paris-Mulhouse) ont également la particularité d’accueillir, à certaines périodes de l’année, de nombreux usagers TGV complète à Strasbourg ou Mulhouse qui sont signalés sur le TER. »

Mais la nouvelle obligation est dénoncée par de nombreux utilisateurs. «  Le premier à réserver pourra voyager.déplore Anthony Petit, habitant d’Épernay et président de l’association des usagers de la TER Adulte Vallée de la Marne, qui a lancé une pétition contre cette mesure en avril 2024. Inévitablement, il y aura des gens qui se retrouveront sans emploi puisque la région (Grand Est) n’est pas en mesure de fournir une offre suffisante pour répondre à la demande. » Toutefois, la Région assure, avec ce système, «  pour pouvoir mieux anticiper les besoins en capacité et ajuster l’offre à la demande ».


En Normandie, où plusieurs lignes nécessitent une réservation depuis 2022, les associations d’usagers se disent satisfaites.
Momo Ratp / CC PARC’EST 4.0 / Wikimedia Commons

Adulte Vallée de la Marne a toutefois obtenu plusieurs assouplissements. Les voyageurs occasionnels peuvent modifier gratuitement leur billet jusqu’à l’heure de départ du train, contre un préavis de 24 heures dans le projet initial. Quant aux abonnés, ils ont le droit de prendre le train avant ou le train après celui qu’ils avaient réservé, sans nouvelle réservation. Ils peuvent alors s’asseoir dans la voiture dédiée aux places libres.

«  Les trains ont 12,5 % de places sans réservation obligatoiredit Anthony Petit. Pour les trains s’arrêtant en banlieue parisienne, 25 % des places sont des placements ouverts. » C’est l’un des hic de cette nouvelle règle : les abonnés franciliens qui embarquent à la gare de La Ferté-sous-Jouarre sont dispensés de réservation : «  Ils ont un abonnement Navigo que le SNCF ne parvient pas à se connecter au système de réservation TER »explique le président d’Adult. Des places en accès libre leur sont donc dédiées.

Une situation qui va forcément créer des conflits, juge Pierre Debano, membre d’Adult et ancien usager régulier de la ligne entre Paris et Épernay : «  Les trains sont bondés et comme les places réservées ne sont pas affichées, les gens s’assoient n’importe où. Ma femme a récemment dû demander à quelqu’un de lui donner la place qu’elle avait réservée. Heureusement, la personne s’est montrée conciliante. »

«  Plus personne ne voyage debout, contrairement à il y a quelques années où c’était horrible. »

La Normandie est également passée aux réservations obligatoires depuis juillet 2022 sur quatre lignes TER : Paris-Granville, Paris-Caen-Cherbourg, Paris-Deauville et Paris-Rouen-Le Havre. Qu’en pensent les utilisateurs de Normandie ? ? «  Pour une fois que quelque chose fonctionne bien, il faut le dire. ! » répond Karine Courteaud, «  navetteur » sur la ligne Paris-Rouen depuis 15 ans et président de l’Association de défense des usagers du rail de Normandie (Adurn), qui regroupe 350 adhérents et quelque 6 000 personnes via Facebook.

«  Honnêtement, je n’ai jamais entendu parler de gens mécontents ou de passagers qui n’arrivaient pas à monter à bord. Et maintenant, plus personne ne voyage debout, contrairement à il y a quelques années où c’était un cauchemar. »assure-t-elle. En même temps, la TER aurait continué à enregistrer une augmentation de sa fréquentation, selon les régions.

Pourtant, au début, les associations n’étaient pas enthousiastes, se souvient Karine Courteaud. «  Pour nous, il était hors de question d’ajouter des contraintes aux abonnés. Nous avons donc exigé d’une part d’attendre que tous les trains soient renouvelés afin de disposer d’un seul type de matériel moderne, équipé pour l’affichage des réservations ; d’autre part, d’avoir un outil fluide, rapide et flexible de réservation. » Une application, Ma place à bord, permet aux utilisateurs de réserver leur place en quelques clics, jusqu’à 45 jours à l’avance. «  Oui, cela demande un peu d’organisation, mais quand on se déplace tous les jours ou presque, c’est qu’on est organisé et un peu débrouillard. ! » dit la Rouennaise.

Elle se rend également compte que ce système lui permet de retrouver plus facilement ses amis dans le train. «  Nous réservons toujours la même place. Avant, c’était stressant, il fallait garder les places, et cela créait parfois des conflits avec d’autres voyageurs. » Et il est toujours possible de monter dans la voiture 5 où les places sont entièrement libres, sauf le week-end, période la plus chargée.


Pour les usagers du Grand Est, ce n’est pas parce que ça marche en Normandie que ça marchera dans leur pays, où les trains ont beaucoup moins de places.
Rob Dammers / CC PAR 2.0 / Flickr via Wikimedia Commons

Cette expérience réussie ne convainc toutefois pas Anthony Petit. La situation dans le Grand Est est loin d’être comparable à celle de la Normandie, juge-t-il. «  Les deux lignes Paris-Strasbourg et Paris-Mulhouse sont les pires du Grand Est : retards, trains supprimés ou sous-capacités… Les lignes normandes sont bien mieux desservies, avec des trains de 500 places, quand nous n’avons que des trains de 280 places. » Autre différence : la Normandie a renouvelé tout son matériel alors que le Grand Est fonctionne encore en partie avec des trains anciens non réservables.

«  Pourquoi voulez-vous imposer cette obligation de réservation ? ? Pourquoi ne pas avoir attendu, notamment, que les distributeurs soient remplacés ? ? » s’interroge le président d’Adult Vallée de la Marne. C’est un autre dommage collatéral pour les usagers : les distributeurs automatiques de billets actuels TER ne vous permet pas de réserver une place !

«  Les nouveaux équipements ne seront livrés qu’en 2025. En attendant, les billets des deux lignes concernées ne sont plus vendus sur les anciens automates. Il faudra utiliser les automates des Grandes lignes. » Cependant, tous ces services ne sont pas accessibles en dehors des gares. C’est le cas à Épernay : «  Ceux qui prennent le premier train du matin, alors que la gare est encore fermée, ne peuvent pas acheter sur place. Ils doivent anticiper ou acheter en ligne. Ces distributeurs ont même été supprimés des gares des petites villes, car ils ne sont pas assez rentables. »accuse le président des Adultes.

«  Avec la réservation obligatoire, on évite de mettre des trains supplémentaires »

L’association insiste : elle n’est pas contre les réservations, mais seulement contre leur caractère obligatoire. Pour elle, le problème de la forte fréquentation doit être résolu d’une autre manière : «  Nous réclamons une augmentation de la capacité des trains en doublant le nombre de trains, mais on nous répond qu’il n’y a pas assez de matériel et qu’il est trop cher d’acheter de nouveaux trains. »

Le réseau européen #enTrain, qui a lancé la pétition Non à l’aéroplanisation des TER ! le 22 juillet, en réaction à l’expérience du Grand Est, met en évidence un problème fondamental. «  Nous sommes dans une culture de trains rares avec une offre ferroviaire assez faible, alors que nous constatons une nette augmentation de la fréquentation ces dernières années. Avec les réservations obligatoires, on évite de mettre des trains supplémentaires et c’est la demande qui doit s’adapter à l’offre. »regrette son porte-parole, Vincent Doumeyrou.

Pour le collectif européen, le train régional doit conserver un de ses atouts traditionnels, à savoir la flexibilité d’accès, notamment face à son principal concurrent, l’automobile. «  Quand on a une voiture, on a une disponibilité permanente. Le train doit absolument être simple et facile d’accès »conclut M. Doumeyrou.

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Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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