Ce jeudi, ils seront devant leur télévision pour suivre les cérémonies commémoratives du 80e anniversaire du Débarquement. Car pour ces lecteurs, le 6 juin 1944 est une date à ne pas oublier. Ce jour-là, 156 000 soldats, en grande majorité américains, britanniques et canadiens, foulent le sol français. Parmi eux, 10 500 ont été tués, blessés ou portés disparus.
« Chaque année, je ressens une grande émotion à cette date. C’est l’histoire du monde qui a basculé le 6 juin 1944. Quand je pense à tous ces jeunes qui ont sacrifié leur vie pour notre liberté, j’ai la chair de poule», raconte Francis, un Alsacien de 64 ans. « Leur rendre hommage est une nécessité, ne jamais oublier est un devoir », affirme Sandra, Iséroise de 48 ans. «C’est un devoir de mémoire», insiste Victoria, 53 ans, qui vit à Besançon.
« Mes grands-pères ont été enrôlés de force dans l’armée allemande »
Il reste peu de survivants de cette période. Les vétérans ont 100 ans ou presque. Mais certaines familles sont encore marquées par le souvenir de la guerre. « Mes parents ont passé leur enfance sous l’occupation allemande avec l’obligation d’héberger les soldats. Ils avaient donc beaucoup d’espoir pour la libération future de leur commune lorsqu’ils ont appris le débarquement », raconte Jean-Louis, habitant du Doubs de 55 ans.
« Ma tante de 93 ans parle souvent de la guerre, de l’évacuation et de la Libération. Toute ma vie, je serai reconnaissante envers les hommes qui ont débarqué en Normandie en Provence pour libérer mon pays, au sacrifice de leur vie », témoigne Valérie, une Alsacienne de 52 ans, dont les deux grands-pères ont été « Malgré – Nous ». « Ils ont tous deux été incorporés de force dans l’armée allemande et l’un d’eux a disparu sur le front russe », poursuit-elle.
L’Alsace est aussi la région d’origine du commandant Philippe Kieffer, dont la famille avait fui l’annexion à l’Empire allemand en 1871. « Il faut souligner le rôle du commando Kieffer (NDLR : les 177 Français débarqués le 6 juin 1944) . En tant qu’Alsacien, je regrette qu’on insiste trop souvent sur le rôle des enrôlés de force dans le massacre d’Oradour-sur-Glane », déclare Ray, 56 ans. « Ces commémorations nous rappellent le combat pour la liberté contre le despotisme et que rien n’est jamais gagné », poursuit-il. « Comment ne pas faire un parallèle entre l’invasion de l’Ukraine par la Russie et l’annexion des Sudètes par le Troisième Reich parce qu’ils étaient « germanophones » ? »
Transmettre
C’est pour transmettre ce souvenir que Ray emmena un jour un de ses fils sur les plages du Débarquement. Tout comme Éric, un Mosellan de 56 ans. « Mes enfants n’ont que 8 et 10 ans et ils ont déjà visité la Normandie à trois reprises. Il ne reste qu’une poignée d’hommes qui ont combattu en 1944 et si nous ne ravivons pas la flamme, nos générations futures ne sauront rien de toute cette histoire, de l’horreur qu’il y a eu, des années d’oppression », dit-il.
« Il est très important de faire comprendre aux jeunes que la liberté et la paix ne sont pas des choses acquises, et que de nombreux jeunes soldats, le plus souvent étrangers, sont venus mourir sur le sol français, entre autres, pour que nous puissions vivre libres. Il ne faut pas oublier leur sacrifice», affirme Hubert, un Meurthe-et-Moselle de 69 ans. Pour cela, un habitant de 70 ans de la région Paca propose de faire du 6 juin un jour férié.