Pour le chercheur Ludovic Slimak, « sa disparition s'apparente à une forme de suicide »
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Pour le chercheur Ludovic Slimak, « sa disparition s’apparente à une forme de suicide »

Pour le chercheur Ludovic Slimak, « sa disparition s’apparente à une forme de suicide »

Qui était-ce alors ? NéandertalNéandertalce lointain cousin humain dont nous portons quelque chose en nous GênesGênes ? Comment et surtout pourquoi s’est-il éteint après plusieurs centaines de milliers d’années d’occupation du territoire eurasien ? Autant de questions qui planent encore aujourd’hui sur les ossements épars de cette espècesespèces L’homme a disparu il y a 40 000 ans.

Bien qu’il existe de nombreux indices montrant que les Néandertaliens avaient une capacité de réflexion complexe et avancée, ainsi qu’une architecture sociale et culturelle bien développée, nous sommes encore loin de comprendre qui ils étaient réellement. Un problème qu’une nouvelle étude, publiée dans la revue Génomique cellulaire, via la découverte de vestiges archéologiques.

Découverte d’une lignée néandertalienne génétiquement isolée depuis 50 000 ans !

Tout a commencé en 2015 lorsqu’une équipe de chercheurs dirigée par Ludovic SlimakLudovic Slimakde l’Université Paul Sabatier, ont découvert plusieurs dents à l’entrée de la grotte du Mandrin dans la vallée du Rhône. Des fouilles extrêmement minutieuses ont révélé 31 dents, dont une mandibulemandibulefragments de crânecrânede la phalangesphalanges ainsi que de nombreux petits ossements. L’analyse de ces restes humains est alors concluante : il s’agit d’un individu néandertalien, daté d’il y a 42 000 à 45 000 ans. La découverte est déjà significative, puisqu’il s’agit du premier individu de cette espèce retrouvé en France depuis 1979. De plus, il daterait de la toute fin de l’ère néandertalienne.

L’individu est ainsi surnommé Thorin. Les fans de Tolkien verront là une référence à l’un des derniers rois nains sous la montagne qui est aussi… le dernier de sa lignée. Un clin d’œil àœilœil de circonstance.

Car les chercheurs ne sont pas au bout de leurs surprises. Les analyses ADNADN révèlent en effet que Thorin appartient à une lignée inconnue en Europe ! Jusqu’à présent, tous les individus retrouvés, et dont génomegénome avait pu être analysé, présentait une étonnante homogénéité génétiquegénétique. Thorin agit comme une sorte d’extraterrestre, et révèle l’existence d’au moins une autre lignée néandertalienne qui aurait évolué en parallèle et de manière isolée pendant… 50 000 ans ! Car leancêtre communancêtre commun La différence entre la lignée de Thorin et celle des Néandertaliens classiques remonterait en fait à 105 000 ans.

Un isolement génétique, mais pas géographique, révélateur d’une conception du monde très différente de la nôtre

Donc, oui, il y a 45 000 ans, l’Europe était beaucoup moins peuplée qu’elle ne l’est aujourd’hui. « Il est difficile d’estimer la densité de la population humaine à cette époque, mais ce qui est sûr, c’est que le groupe vivant dans la grotte de Mandrin n’était pas isolé géographiquement, explique Ludovic Slimak. Aujourd’hui, la vallée du Rhône est un lieu de passage très fréquenté, et c’était déjà le cas à l’époque préhistorique. Pour les Néandertaliens comme pour les Sapiens, cette vallée était un axe migratoire majeur.

Le fait que la lignée de Thorin soit restée « génétiquement isolée » pendant 50 000 ans n’est donc pas lié à un problème géographique ou démographique. Il s’agit d’autre chose. Et c’est là que réside le « mystère néandertalien ».

Si les différents groupes néandertaliens étaient donc bien conscients de la présence d’autres Néandertaliens, certainement situés à quelques jours de marche de distance, les analyses ADN révèlent que très peu de brassages génétiques ont eu lieu lors de leur présence sur le territoire européen. Une caractéristique néandertalienne qui est renforcée par l’observation d’un isolement culturel : il semble en effet y avoir eu très peu d’interactions et d’échanges entre les groupes en ce qui concerne les outils et objets divers en pierre taillée.

« C’est un comportement qui est en totale opposition avec Sapiens, qui est le champion de réseau socialréseau social, précise le chercheur. Au-delà du trait culturel, cet isolement génétique est pour moi révélateur d’une structure mentale, d’une vision du monde différente de la nôtre. Ce qui explique pourquoi nous avons tant de mal à comprendre les Néandertaliens..

Des clés pour comprendre l’extinction des Néandertaliens et la nôtre

Et si nous devions voir cette caractéristique intrinsèque des Néandertaliens comme l’une des clés pour comprendre leur extinction ?

« Nous avons tendance à expliquer la disparition des Néandertaliens par des scénarios catastrophes : maladies, changement climatiquechangement climatique… Mais je pense qu’il ne faut pas penser comme ça. Cette disparition n’est pas liée à une « événement »mais avec un processus qui implique une manière diamétralement opposée de voir le monde des Néandertaliens et des Sapiens. Les Néandertaliens se portaient très bien jusqu’à l’arrivée de Sapiens, précise Ludovic Slimak. Il est là depuis très longtemps, il est adapté à ce milieu qu’il connaît par cœur et duquel il parvient à tirer toutes les ressources nécessaires. Pourtant, il s’éteint petit à petit à partir du moment où Sapiens arrive sur ses terres ».

Faut-il alors y voir la faute de Sapiens ? Selon le chercheur, non, pas directement. « Sapiens n’est pas venu en envahisseur, mais il a apporté avec lui quelque chose que Néandertal ne connaissait pas : la puissance du lien social et son efficacité. D’une certaine manière, ce sont deux mondes, deux concepts fondamentaux qui se sont rencontrés. La capacité de Sapiens à créer des réseaux très étendus, à se mélanger, à coopérer, lui a donné un avantage certain sur Néandertal, retranché dans de petites communautés indépendantes les unes des autres.

«Notre tendance à vouloir impérativement créer des liens sociaux nous pousse à écraser tout ce qui est différent.« 

Mais au-delà de cela, c’est peut-être le choc de voir sa vision du monde s’effondrer qui a profondément perturbé Néandertal. Sa disparition me semble être une forme de suicide. Face à une nouvelle réalité qui remettait en cause leur façon de voir le monde, ils se seraient laissés aller à « mourir » lentement. Jusqu’à ce qu’il disparaisse. Mais, comme le souligne le chercheur, « Nous sommes encore loin de comprendre exactement ce qui s’est passé. Car pour y parvenir, il faut comprendre ce qu’est Sapiens, c’est-à-dire nous, et c’est difficile car nous n’avons pas la perspective nécessaire pour le faire. ».

Un lien avec la crise environnementale actuelle

Le chercheur conclut avec une perspective plutôt intéressante : « Comprendre la disparition de Néandertal face à Sapiens peut aussi nous aider à comprendre la crise environnementale que nous traversons actuellement. Car on constate finalement que la même chose se produit : notre tendance à vouloir impérativement faire des interconnexions sociales nous pousse à écraser tout ce qui est différent. Pas forcément dans un esprit malsain. C’est un peu l’envers de la médaille. Néandertal peut nous aider à en prendre conscience, et faire en sorte que cette histoire ne se reproduise plus. »

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