pour la science, les pilotes américains bravent le danger
Alors que l’ouragan Sally frappe la Floride en 2020, le pilote américain Dean Legidakes est à bord d’un avion scientifique dédié à l’observation de ces tempêtes, et il vole en plein milieu de celle-ci.
De retour sur terre, sa mère l’appelle : « notre maison a été détruite par la tempête »lui dit-elle.
Pour ça « Chasseur d’ouragan » employé par le gouvernement américain, contribuer à mieux prévoir la trajectoire de ces événements météorologiques parfois destructeurs est donc une cause très personnelle.
« Les satellites ne peuvent pas faire ce que nous faisons »aller « au coeur de la tempête »souligne ce père de trois jeunes enfants originaire de Pensacola, en Floride.
Chaque année, deux avions « P-3 » de l’Agence nationale américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) sillonnent l’Atlantique pour affiner les prédictions des météorologues en direct sur la trajectoire et l’intensité des ouragans menaçants.
Ces machines seront plus que jamais indispensables cette année, car la saison des ouragans – de début juin à fin novembre aux Etats-Unis – approche. » extraordinaire « prévues, avec jusqu’à sept ouragans de catégorie 3 ou plus dans l’Atlantique Nord.
Alors que la plupart des aviateurs évitent autant que possible les turbulences, les pilotes de la NOAA s’y dirigent directement.
Dean Legidakes, ancien de l’US Navy et désormais du côté administratif de la NOAA, confie qu’il a parfois été » nerveux « dans ce « environnement très dangereux ».
Son collègue Kevin Doremus dénombre environ 140 passages dans l’œil d’un ouragan en six ans.
« C’est comme des montagnes russes dans un lave-auto »il compare en référence aux averses. « Quand on arrive en haut, le ventre se soulève un peu, et en bas, on s’enfonce dans son siège. C’est beaucoup de ça, mais parfois pendant huit heures. ».
Les vents « ascendants et descendants » sont les plus difficiles à affronter, raconte-t-il à l’AFP devant le cockpit recouvert d’interrupteurs. « Très souvent, il faut se laisser emporter, ne pas lutter, sinon on risque d’abîmer l’avion. »
– Expérience « effrayant » –
Dans la cabine de style militaire, les sièges sont équipés de sacs à vomi et de multiples écrans faisant défiler les données collectées, notamment par les différents radars de l’avion.
Chaque mission dure entre huit et dix heures et implique une dizaine de personnes : pilotes, mécaniciens, directeur de vol, scientifiques, etc.
Il y a même des couchettes, même si « faire une sieste pendant un ouragan est difficile »reconnaît Kevin Doremus, 36 ans.
Parfois, dans l’oeil de l’ouragan où les vents sont calmes, « on tourne en rond et tout le monde pense qu’on fait des expériences scientifiques, mais on laisse juste tout le monde se lever pour aller aux toilettes »il rit.
Les deux avions, surnommés « Kermit » Et « Mademoiselle Piggy » nommés d’après des marionnettes célèbres, volent à une altitude d’environ 3 km. En service depuis les années 1970, aucun n’a subi d’accident grave.
Sur leurs côtés, des dizaines d’autocollants portent les noms des ouragans qu’ils ont traversés. Chaque pilote en garde un en mémoire qui l’a particulièrement marqué.
Pour Kevin Doremus, il s’agit de Dorian, qui a dévasté les Bahamas en 2019 en touchant terre en catégorie 5, la plus élevée.
« Vu les conditions dans lesquelles nous volions, je ne peux pas imaginer ce que cela a dû être au sol »il dit. « C’était une expérience assez effrayante de regarder en bas et de voir qu’il y avait des maisons. »
– « Tu dois être fou » –
Pour Michael Brennan, directeur du National Hurricane Center (NHC), « Il ne fait aucun doute que les données collectées par ces avions contribuent directement à sauver des vies et à réduire l’impact économique. »
« Ils améliorent les modèles de prévision de 10 à 20 % », explique-t-il à l’AFP. Cependant, la précision acquise est parfois ce qui décide ou non d’un ordre d’évacuation, permettant par exemple de « Gardez les ports ouverts ». Chaque tempête menaçante est généralement suivie sur plusieurs jours.
Mais « nous avons clairement constaté une augmentation du nombre de tempêtes qui s’intensifient rapidement », dit Kevin Doremus. Un effet lié au changement climatique, selon les scientifiques.
Pour décortiquer la tempête, plusieurs dizaines de catasondes – de gros cylindres équipés de parachutes – sont lancées en vol, via un tube situé dans le plancher de l’avion.
En tombant, ils collectent des données sur la pression, l’humidité, la température et les vents.
« Kermit » Et « Mademoiselle Piggy » prendra sa retraite en 2030, date à laquelle la NOAA espère avoir deux remplaçants opérationnels.
Leurs pilotes continueront de susciter deux réactions opposées lorsqu’ils parleront de leur métier, selon Dean Legidakes. Soit « +tu es bête pour faire ça, tu dois être fou !+ Ou : +c’est vraiment trop cool.+ »