« Pour être de très bons amoureux, il faut avoir beaucoup de complicité »
ENTRETIEN – Camille Cottin, India Hair et Sara Forestier sont les « Trois amies » qui donnent son titre au nouveau film d’Emmanuel Mouret. Une histoire où circulent le désir, l’amour et l’amitié. Ce que le trio s’est également interrogé.
Au début du film, ils sont pleins de certitudes. Joan (India Hair) n’est plus amoureuse de Victor (Vincent Macaigne), le père de sa fille. Alice (Camille Cottin) n’est plus attachée à son compagnon Eric (Grégoire Ludig), mais chérit la stabilité de leur relation et leur complicité. Sans savoir que ces dernières entretiennent une liaison avec leur meilleure amie, Rebecca (Sara Forestier), qui n’envisage l’amour que dans une passion absolue. Au fur et à mesure que leurs histoires se font et se défont, tous les trois seront pris au jeu de l’amour, et à la surprise des sentiments plus qu’au hasard.
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Comme souvent avec Emmanuel Mouret, Trois amis (1) explore, sous couvert d’élégant marivaudage, ce qui nous interroge sur le long terme. L’amitié est-elle plus forte que l’amour ? Est-ce qu’avoir le béguin équivaut à tricher ? Le désir peut-il vraiment durer ? Des questions que se sont également posées les trois actrices.
Madame Figaro.- Ce qui vous a séduit dans quoi Trois amis parle d’amitié ?
Camille Cottin.- Je l’ai trouvé très moderne. On dit souvent du cinéma d’Emmanuel Mouret qu’il est un peu déconnecté de l’actualité, du contexte politique, historique et social. Mais j’ai trouvé que ce film était empreint d’une certaine modernité sur l’ambiguïté de ce que sont la vérité, le mensonge, la fidélité et la confiance. C’est un peu de tout cela qui se joue entre ces trois femmes, ainsi que des choses incongrues : comme mentir à son amie en ayant une liaison avec le compagnon de ce dernier, tout en sachant que comme elle n’est pas vraiment amoureuse de lui, c’est pas contre elle, ça n’a pas d’importance. On s’éloigne des codes moraux qui définissent le couple ou l’amitié. Je sais que le titre original du film était « Une femme honnête » : c’est ça qui questionne, ce que signifie être honnête dans une relation.
Cheveux indiens.- Ce qui m’a touché dans l’amitié de ces trois personnages, c’est leur entraide. Pour voir comment leurs conversations peuvent être une source d’aide inestimable, alors qu’ils traversent des moments vertigineux de leur vie. J’aime aussi beaucoup la délicatesse avec laquelle ils se comprennent. Ni l’un ni l’autre n’essaiera d’aller plus vite que la pensée de l’autre, de lui dire des choses qui ne peuvent être entendues. C’est une amitié où l’on se prend par la main, où l’on essaie d’emmener l’autre ailleurs, mais par la discussion. Ce n’est jamais violent.
Sara Forestier.- Je ne me sens pas à ma place car j’ai d’abord voulu faire ce film à cause des acteurs. J’étais très excité à l’idée de tourner avec Camille car je l’avais aimée dans 10 pour centet avec l’Inde parce que nous avions déjà travaillé ensemble. Mais aussi Vincent Macaigne, Damien Bonnard, Grégoire Ludig… Ce sont des acteurs et actrices qui sont dans une place du cinéma que j’aime, dans leur manière de chercher quelque chose sans se reposer sur leurs lauriers. C’est ce qui m’a donné envie de faire ce film, et il répond un peu à cette question sur l’amitié : parfois, on choisit les gens sans les connaître, parce qu’on apprécie quelque chose chez eux.
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L’amitié offre-t-elle plus de liberté que l’amour ? On a le sentiment que dans le film, le premier permet tout, tandis que le second est une question de retenue, de compromis…
IH.- Oui, car l’amour est utilisé depuis des siècles pour des enjeux politiques, financiers et sociétaux. Aujourd’hui, on essaie de changer les codes pour nos enfants, de sortir de certaines contraintes – ce qui se passe en ce moment avec le féminisme est merveilleux, cela offre des possibilités à tout le monde, en France du moins. L’amitié n’implique pas toutes ces questions. Donc pour moi, c’est un espace beaucoup plus libre.
SF.- Je vais devenir poète, mais pour moi, l’amitié est une oasis, quelque chose de l’ordre de « endroit sûr« . C’est peut-être parce que je suis sensible au jugement, à l’incompréhension, mais ce que je trouve très beau dans l’amitié, c’est le fait qu’on s’accepte vraiment tel qu’on est. C’est un regard qui accueille et c’est sublime. En amour , c’est différent : on donne et on reçoit alors qu’en amitié, j’ai l’impression qu’on donne d’abord, et qu’on reçoit ce que l’autre est sans rien attendre.
Camille, votre personnage, Alice, n’est plus amoureuse de son partenaire mais apprécie leur relation qui s’apparente presque à de l’amitié. Avoir votre partenaire comme meilleur ami permet-il toujours de créer une relation amoureuse ?
SF.- Le romantisme est un peu toxique, n’est-ce pas ?
IH.- Pour mon personnage, oui, c’est toxique. Joan est vraiment passionnée par l’idée de l’amour romantique, et c’est ce qui devient problématique dans sa vie. Mais personnellement, avoir son partenaire comme meilleur ami, je trouve cela plus moderne que romantique.
CC.- Je trouve ça très romantique car ce que j’entends par « meilleur ami », c’est l’ultra-complicité, l’amour du partage d’un moment qui nous rend tous les deux profondément heureux. Ce qui ne nous empêche pas d’avoir du désir : pour être de très bons amants, il faut avoir beaucoup de complicité. Cela prédispose également à de beaux moments.
SF.– Je me pose une question : si on détruit le romantisme, comme c’est le cas actuellement, c’est peut-être dans l’ordre des choses mais n’allons-nous pas y revenir après ? D’une certaine manière, il y a toujours une contradiction. Le personnage qu’interprète Alice se dit qu’elle ne veut pas vivre de passion et finit par vivre exactement le contraire. Il n’y a pas d’absolu, pas de chemin unique.
CC.- Le film est amusant dans la façon dont il joue avec le fait d’être l’objet de ce que l’on ressent et de la terreur que cela génère. Le personnage de Joan culpabilise de ne plus être amoureuse et c’est terrible, elle en souffre parce qu’elle le supporte. Mais elle se dit que si elle met fin à la situation, elle la fera souffrir à l’autre. Elle est dans une forme d’impasse. Quant à Alice, lorsqu’elle retombe soudainement amoureuse, elle a peur d’être abandonnée, elle a mal… Et c’est bien en même temps.
SF.- Dans le cinéma d’Emmanuel Mouret, on commence à croire en quelque chose et c’est le contraire qui se produit. Joan est la fille qui ne veut pas avoir de mec, mais c’est elle qui est le plus « malade » ! Alors que mon personnage veut tout et se fait baiser tout au long du film. Emmanuel Mouret a vraiment le sens de l’ironie.
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Combien de meilleurs amis avez-vous chacun ?
IH.- J’en ai 3… En fait, je pense que c’est mieux si je dis 4. Mais j’ai un haut.
SF.- C’est un peu difficile pour moi, je vais plutôt parler au passé puisque malheureusement, j’ai perdu des gens. Mais en gros, je dirais 3.
CC.- J’ai environ 5, 6 ans, mais je pourrais facilement le pousser jusqu’à 15 ans. En fait, j’aime les relations longues et fidèles. Au fil des années, il y a des amis qui seront très présents dans certaines situations, moins dans d’autres, et il y a des choses qu’on aime seulement partager avec certaines personnes.
SF.- Je dirais aussi que je suis mon propre meilleur ami. Mais cela a pris du temps.
IH.- Moi, donc pas…
CC.- Et moi non plus !
(1) Trois amisd’Emmanuel Mouret, en salles le 6 novembre.