La question de la « vie ou de la mort » n’est pas qu’une façon de parler. Pour de nombreux Français, les mesures prônées par l’extrême droite auraient un impact catastrophique.
Le Rassemblement national au pouvoir : est-ce vraiment « une question de vie ou de mort » pour les étrangers ayant des papiers, des doubles nationalités, des apparences, des noms ou prénoms ? Postés sur une place du Val-de-Marne, deux trentenaires (double nationalités) cherchent la réponse. Le plus grand des deux tente un chemin pour résoudre l’équation. Il se demande : « Je suis Français. Que peuvent-ils me faire une fois au pouvoir ? » Récapitulons juste un instant. « Ils », c’est le Rassemblement National. La France peut se réveiller lundi 8 juillet, dans moins de deux semaines, avec Jordan Bardella à Matignon. Le plus petit des deux en taille lui crie du tac au tac : « Vous pouvez même avoir deux passeports français, vous aurez toujours un visage et un nom arabes. » Un échange banal sur la période. Tout le monde planifie l’avenir. Une partie du pays envisage les élections législatives avec le sourire. Un autre (surtout les immigrés et leurs enfants) tremblant.
Ainsi, le Rassemblement National, « une question de vie ou de mort » ? Jetons un coup d’oeil au programme. Elle offre une large place à l’immigration (régulière ou non). Jordan Bardella promet la suppression de toutes les exemptions qui empêchent les expulsions d’étrangers, le retour du délit de séjour illégal, la fin du droit foncier, le remplacement de l’aide médicale d’État par une aide d’urgence vitale et la restriction du regroupement familial. Le Conseil constitutionnel pourrait rejeter de nombreuses mesures, notamment la suppression du droit foncier.
« Stratégique » et « sensible »
Le Rassemblement ne s’arrête pas là. Jordan Bardella rêve aussi de renforcer les sanctions contre les employeurs de travailleurs illégaux, de réserver les aides sociales aux Français et de conditionner l’accès aux prestations sociales non contributives comme le Revenu de solidarité active (RSA) à cinq années de travail en France. Comprenez : les familles étrangères pauvres seront encore plus pauvres. Préférence nationale, renommée « priorité nationale », ne fait pas partie des mesures d’urgence prévues par Jordan Bardella. Eh bien, pour l’instant. Pour quoi ? « Pour le mettre en place, nous aurons besoin de la Présidence de la République, car il va falloir engager une révision constitutionnelle. »
Le candidat de Matignon a également indiqué que son parti veillerait à ce que les personnes ayant la double nationalité ne puissent pas occuper de postes. « stratégique » dans « secteurs sensibles ». Les Français divisés en deux catégories. C’est quoi « stratégique » Et « secteurs sensibles » ? Marine Le Pen discute de ses positions en matière de défense, de nucléaire ou de renseignement. « Cette short list serait revue très régulièrement en fonction de l’actualité géopolitique et de ses conséquences pour notre pays », explique-t-elle sur les réseaux sociaux. Autre précision : cette mesure ne s’appliquerait qu’aux «certains doubles nationaux». Hé, lesquels ?
« La libération en mots »
Un avocat qui défend de nombreux clients en situation irrégulière mais aussi de jeunes victimes de violences policières met en avant une autre facette du problème. « question de vie ou de mort ». Les discours racistes envers les étrangers ont toujours existé mais ils ont augmenté en volume depuis que le Président de la République a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale. Les électeurs du Rassemblement national (enfin, une partie) triomphent sans se cacher. Les insultes et les menaces abondent contre tout ce qui ressemble, même de loin, à un étranger. « On sent une libération dans les mots, mais on n’est pas à l’abri du pire, explique l’avocat qui ne cache pas son inquiétude. Les militants frontistes et les petits nazillons se croiront peut-être autorisés à s’en prendre aux étrangers. Et il y a aussi la question des policiers qui votent majoritairement à l’extrême droite. Bardella leur a promis l’instauration d’une présomption de légitime défense. Il peut aussi y avoir une sorte d’impunité autorisée.
Retour dans le Val-de-Marne. Les deux gars postés sur la place font le point. « Une question de vie ou de mort ? Le plus grand des deux a mis son optimisme dans son cartable. Il ne se demande plus « Que peuvent-ils me faire une fois qu’ils seront au pouvoir ? L’inquiétude a pris le dessus. Il conclut ainsi : « Ce qui se passe en ce moment est très chaud. On est vraiment dans le viseur, ce n’est plus une blague.»