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Budget, premier tour : pour Coquerel, « on assiste à une décomposition accélérée » du camp Barnier
POLITIQUE – « En fin de compte, le gouvernement ne peut pas gagner. » L’examen du budget est suspendu à l’Assemblée nationale, après six jours d’intenses discussions à la chambre et une série de revers cinglants pour l’exécutif. Les débats doivent reprendre le 5 novembre, toujours sur le premier volet, celui des recettes.
En attendant, quels enseignements tirer de ce premier tour au Palais Bourbon ? HuffPost a interrogé ce dimanche 27 octobre Éric Coquerel, le président (La France insoumise) de la commission des Finances, aux manettes durant cette semaine mouvementée. Il revient sur les victoires (pour l’instant symboliques) du Nouveau Front Populaire, le spectre tenace de l’article 49.3 et du « décomposition accélérée » du camp Barnier, auquel il promet de nouvelles déroutes.
HuffPost : L’examen du budget est suspendu à l’Assemblée jusqu’au 5 novembre. Vous vouliez faire de ce budget « compatible NFP », mission réussie ?
Éric Coquerel : Oui, le tableau de bord est suivi. Il nous reste encore de grosses mesures comme la « taxe Zucman » qui s’est arrêtée samedi soir juste avant minuit. Nous nous retrouverons avec 60 milliards de revenus récupérés uniquement auprès des très riches et des très grandes entreprises. De ce point de vue, c’est ce à quoi nous nous attendions, avec la transposition en séance de ce qui s’est passé en Commission des Finances. Sauf que l’on assiste à une décomposition encore plus accélérée du camp présidentiel. C’est le RN qui les a sauvés à plusieurs reprises, comme sur le rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF).
Justement, comment expliquez-vous l’absence de députés « tronc commun » tout au long de la semaine ? Le RN regrette une stratégie pourrie…
En réalité, il n’y a pas de « base ». Quand on a un maximum de 25 députés présents à tous les débats, c’est un peu le crépuscule. Et il n’y a pas non plus de « commun », il faut le souligner. Ce sont des groupes divisés entre eux.
Il n’y a pas de stratégie, ils tentent de survivre heure par heure comme ils peuvent, faisant parfois traîner les débats. Mais ce sont des mesures provisoires pour un camp en défaite, sans pilote dans l’avion et avec des passagers qui vont parfois d’un côté ou de l’autre de l’avion.
Laurent Saint-Martin annonce une reprise des débats pour le 5 novembre. Comment voyez-vous l’avenir ? L’article 49.3 est-il inévitable ?
Le gouvernement ne fera pas 49,3 pour l’instant, sinon il l’aurait déjà fait pour stopper les dégâts. Mais la motion de censure à laquelle ils seraient exposés leur fait très très peur. Ils ont choisi de l’éviter et préfèrent aller vers la défaite. La première partie du budget (sur les recettes) sera rejetée. C’est un aveu de faiblesse : ils admettent que leur meilleure solution est de battre leur budget pour quitter l’Assemblée sans trop de difficultés et espérer une meilleure issue au Sénat.
Conséquence de ce calendrier : la « deuxième partie », sur les dépenses, risque de ne pas être étudiée dans l’hémicycle, faute de temps. Est-ce une défaite pour vous ?
Cela sera discuté en commission des Finances, ce sera aussi un moment politique. La première lecture d’un texte est une ronde d’observation, le gouvernement et ses partisans l’ont largement perdu : ils étaient dans les cordes et ont tenté de ralentir les coups. Si nous avions discuté de la deuxième partie, nous l’aurions rejetée et le texte serait allé au Sénat. C’est sur le chemin du retour que cela va se jouer.
Le gouvernement reprendra justement la main sur son texte, quelles que soient les stratégies et les événements à venir (49.3, délais trop longs, ou texte rejeté à l’Assemblée). Vos victoires seront-elles seulement symboliques ?
Je ne le pense pas, car en fin de compte, il faudra qu’il y ait un vote à l’Assemblée nationale, quelle qu’en soit la nature : sur le budget, sur une motion de censure suite à un 49.3 ou une motion de censure sèche si ils essaient de passer avec des ordonnances. Et je pense qu’en fin de compte, ils ne pourront pas gagner.
C’est une armée minoritaire et en cas de défaite, on ne peut pas maintenir un gouvernement sur cette base. Deux choses m’ont frappé cette semaine : c’est le RN qui vient en aide aux plus riches, et qui tente de prendre le leadership à droite. Et les macronistes qui ont enregistré la défaite. Pour eux, la responsabilité revient à l’Élysée. En cas d’échec, c’est le président qui sera remis en cause.
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