Pour approvisionner son restaurant de Mandelieu en légumes locaux, il rachète une ferme dans l’arrière-pays
Ray Richard
Mandelieu-Courmes. Entre les deux communes : 38 kilomètres, 45 minutes et 500 mètres de dénivelé. Et un trait d’union. Il s’appelle Florian Bonnet. A 39 ans, ce Varois est aux commandes du restaurant Pépite depuis 2006, sur le port de La Napoule.
Après avoir restitué ses déchets alimentaires à la terre sous forme de compost, il a souhaité aller encore plus loin dans sa démarche écologique.
Il a acheté une ferme, surplombant les Gorges du Loup en 2022, pour approvisionner la cuisine de son établissement en produits cultivés sur place et de saison.
« Je le fais pour trouver du sens, car je suis sensible à l’écologieil élabore. Je ne fais pas ça pour économiser de l’argent. C’est le restaurant qui gère la ferme. ».
« Je ne connaissais rien à l’agriculture »
L’ambition de Florian Bonnet : « Créer un restaurant maraîcher, même si ce sera un restaurant paysan. Nous disposons d’un hectare. A terme, nous aimerions en avoir deux. »
Son petit coin de paradis certifié 100 % bio n’était plus exploité depuis une quinzaine d’années. Elle entame sa deuxième saison et s’appuie essentiellement sur le travail de Fabien Giraud, le maraîcher embauché en 2023.
« Je suis restaurateur, voire patron de café. Je ne connaissais rien à l’agriculture mais j’adore ça et j’apprends tous les jours de Fabien »confie le patron qui admire son employé.
« Il nous a apporté une légitimité dans la vallée. C’est un producteur populaire. Les gens se disaient : ‘ils ont vraiment décidé de faire ça sérieusement' »ajoute le presque quadragénaire.
De ses champs il tire « 20 % de ce que nous consommons au restaurant ». Le reste est obtenu auprès des producteurs des Adrets-de-l’Estérel (Var) et de Gréolières, mais aussi parfois auprès de circuits de distribution plus traditionnels pour les professionnels de la restauration.
« J’ai fait le choix de me diversifier. Je ne recherche pas l’autonomie. Il y a un écart dans la production de légumes entre nous et les Adrets et je l’apprécie”il livre.
Dans les sillons de la ferme de Courmes, Fabien cultive des salades, des pommes de terre, des oignons, des carottes, des herbes aromatiques, des concombres, des choux-fleurs… « Nos salades sont super belles, je suis super contente des carottes. Les légumes-racines fonctionnent bien ici »demande le fermier.
« Nous avons commencé avec une monoculture de pommes de terre parce que nous faisons beaucoup de frites maison. Mais c’était une erreur. Nous en avons tiré des leçons. L’année dernière, nous en avons fabriqué 14 tonnes.souligne Florian Bonnet. Nous voulons faire de l’agriculture biologique intensive, faire pousser des cultures sur nos planches. ».
L’impact sur la qualité proposée aux clients ? « L’hiver dernier, nous avons supprimé les tomates de nos burgers et les avons remplacées par du chou. Pareil dans la salade César aux betteraves. Cela donne des idées. Nous souhaitons simplifier et créer des menus de saison. »
« La qualité de vie dont je rêvais »
Sur ce plateau au sol argileux, près d’une source bouillonnante, où la civilisation semble si lointaine, le restaurateur y a élu domicile et a trouvé son bonheur.
« J’ai toujours vécu dans des environnements très reculéslivre celui-ci vient de Tanneron. J’aime la simplicité. Je veux vivre simplement. Je veux que ce soit cru, authentique et fait maison. Pour moi, c’est la qualité de vie dont je rêvais..
Comment a-t-il réussi à trouver les fonds pour cette aventure ? « J’ai réinvesti tous les bénéfices de l’entreprise dans de nouveaux projets. Un restaurant sur la Côte d’Azur, s’il est bien géré, on gagne de l’argent, on n’a rien à redire”.
La suite : se passer complètement d’énergie fossile à la ferme. « Nous fonctionnons déjà avec un tracteur électrique, nous visons désormais à utiliser l’énergie solaire et hydraulique pour nous passer de l’essence. »
Le gaspillage alimentaire pour nourrir la terre
« Depuis 2020 nous gérons tous nos déchets alimentaires depuis chez nous, grâce à un système de tri et cela est très utile au maraîcher. Nous avons expérimenté pendant trois mois et lancé« . Pépite produit, en moyenne, 40 kg de déchets par jour.
Une ressource que Florian Bonnet a souhaité valoriser : «Nous achetons des tonnes de terre pour nourrir les cultures alors que nous en jetons autant. Nous nous demandions ce que nous pourrions faire avec le nôtre« .
« L’objectif était de trouver des agriculteurs autour de nous pour leur donner notre compost« , explique le restaurateur. Il a trouvé ce partenaire dans le Var. C’est l’exploitation de Maxime Behar, chez qui Florian Bonnet achetait ses produits, qui recevait les biodéchets du restaurant.
« Les élagueurs et paysagistes locaux y apportent leurs déchets verts et la combinaison des deux crée un bon compost.« , précise le patron de Pépite. Légumes, viandes, poissons… Ses équipes ont « mettez tout dans notre compost« .
Un processus qui prend du temps. « Il faut six mois avant de pouvoir utiliser notre compost sur des cultures biologiques.« . Le restaurateur met en avant les « résultats positifs » et un « apport qualitatif » de cette expérimentation qui utilise ainsi aussi un système vertueux sur le mode de transport.
Problèmes
Si la démarche est de limiter au maximum l’impact de l’homme sur la nature, Pépite a rencontré des difficultés à faire fonctionner sa démarche.
« Ce qui était compliqué, c’était le tri en amont, notamment à cause de postes de travail qui n’étaient pas ergonomiquement adaptés.« .
Florian mentionne « nuisances olfactives au restaurant parfois » mais aussi le besoin d’espace de stockage. Enfin, le cœur des efforts : « Sensibilisation du personnel.«
Ce que Florian Bonnet et ses partenaires espèrent voir se réaliser : «Une infrastructure locale de référence qui concentre et administre l’écosystème, une standardisation des process et des partenariats incitatifs entre restaurateurs, écoles, entreprises, particuliers et agriculteurs.« .
Cité en exemple
Ce que fait Florian Bonnet est cité comme exemple de « projet agroécologique, tri et valorisation des biodéchets ». Jeudi 19 septembre, il a été invité à Cannes-La-Bocca par l’agglomération Cannes-Pays de Lérins.
Devant un parterre de cadres et chefs d’entreprises, le restaurateur a présenté l’aventure Pépite lors des 3èmes rencontres de la Force Locale Décarbonée.
Une initiative à laquelle il participe « avoir un impact et montrer que c’est possible mais aussi apporter des solutions économiquement viables ».
L’objectif de ces rencontres : « Partager nos découvertes, nos projets, créer une dynamique », affirme le président de la communauté, David Lisnard. « Nous sommes très innovants dans l’agglomération et dans nos communautés. Les idées locales sont nombreuses mais tout ce que nous faisons n’est pas connu de tout le monde.