« Nous sommes parmi les fous »: en pleine implosion, les Républicains ont vécu une journée mercredi « surréaliste »en guerre ouverte contre leur président Eric Ciotti, isolé dans son choix de s’allier au Rassemblement national mais déterminé à rester au pouvoir malgré son exclusion.
Le psychodrame est digne des meilleurs épisodes de « Château de cartes » Ou « Baron Noir ». Un chef qui se barricade et refuse de quitter le navire, des candidats au bord de la dépression nerveuse et des cadres affligés par un spectacle » ridicule « …
En quelques heures, le parti gaulliste a exposé au grand jour ses divisions, jouant une partition au moins aussi insensée que la mémorable élection à la tête de l’UMP en 2012, lorsque Jean-François Copé et François Fillon se disputaient la présidence à couteaux tirés. .
Dès le petit matin, la crise était totale. Les exécutifs n’ont qu’un objectif : exclure Eric Ciotti, le patron détesté pour avoir décidé, seul, de faire alliance avec le RN lors des législatives anticipées.
Mais la partie n’est pas si simple. La réponse de l’impétueux Niçois ne tarde pas : dans un communiqué savamment signé « Les Républicains »il conteste la validité de cette réunion, organisée selon lui « en violation flagrante des statuts » du parti et qui n’a donc pas « aucune valeur juridique »selon lui…
Plus insensé encore, il ordonna la fermeture du siège républicain pour « garantir la sécurité du personnel ». A midi pile, les grandes portes bleues du 4, place du Palais Bourbon ferment. Le personnel est absent, la sécurité ne répond pas à l’interphone… La secrétaire générale Annie Genevard ne rouvrira le portail qu’après 17h00 avec un double de clé, dans une nouvelle scène étonnante.
» Un serrurier «
Mais où est passé Eric Ciotti ? « Il se cache dans la quête »son bureau de l’Assemblée, répond une source LR.
Autour de lui, une bonne partie de son équipe a laissé tomber : « Il n’a consulté personne. Il nous l’a caché même”dit un démissionnaire. « Il lui reste deux collaborateurs ».
« Nous sommes parmi les fous »tonne le député lotois Aurélien Pradié. « Nous appellerons Jordan Bardella pour le faire sortir de son bureau », ironise-t-il. A ses côtés, la vice-présidente Florence Portelli se demande si ce ne serait pas mieux à la place « appeler le Samu ».
Les autres forces politiques n’en manquent pas une miette. Le ministre du Logement Guillaume Kasbarian, qui a voté l’année dernière une loi anti-squatteurs critiquée, ironise : « Attention Eric Ciotti, depuis un an, la procédure en cas de squattage est accélérée. »
« Vous rendez-vous compte à quel point LR a l’air ridicule aujourd’hui ? Certains nous disent d’envoyer un serrurier”désespère Agnès Evren, sénatrice de Paris.
Il est presque 15 heures, la meute de journalistes a avancé de 500 mètres. Direction le musée social, un centre de documentation plus adapté pour accueillir toute l’élite de la droite républicaine pour une fonction politique cruciale.
Celui-ci arrive solidaire : Gérard Larcher, Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand, Bruno Retailleau, Valérie Pécresse… Et la colère est palpable : « Il n’y a pas de place pour les traîtres et les coups d’État à la manière du putsch »lance le candidat à la présidentielle 2022.
Les passants sont stupéfaits. « C’est un film ? »demande une dame.
Candidats « étourdi »
M. Ciotti n’est toujours pas là, mais deux huissiers ont été dépêchés par le patron pour surveiller la tenue de cette réunion.
La cohue est telle que la police tente de disperser la foule au moment précis où les dirigeants sortent pour annoncer l’exclusion du patron, décidée à l’unanimité.
Mais la réponse est immédiate : ce dernier juge cette décision « illégal »tout comme la commission d’investiture qui s’est tenue immédiatement, et insiste pour qu’elle » rester « président.
Personne ne se fait d’illusions : la bataille juridique sur l’interprétation des statuts et règlements de LR s’annonce rude.
« C’est totalement irresponsable et meurtrier d’ouvrir ce débat 18 jours avant une élection, alors que nous avons 60 titulaires qui jouent leurs cartes dans leur circonscription »» peste le sénateur LR Philippe Tabarot. « C’est surréaliste ».
Dans la crise actuelle, les futurs candidats de droite sont désemparés : seront-ils officiellement désignés ? Comment réagir aux démarches RN ?
« C’est le bordel, je ne sais pas où nous allons. Nous n’avons aucune information »confirme un collaborateur d’un député sortant.
« Nous sommes tous abasourdis », s’inquiète Marie-Christine Dalloz, qui repart au combat dans le Jura et envisage de le faire sans étiquette. Le député sortant ajoute, fataliste : « Je préfère perdre avec mes valeurs plutôt que de gagner en y renonçant. »