Pornographie ados : pourquoi en consomment-ils toujours plus ?

En cinq ans, 600 000 mineurs de plus se rendent sur des sites pornographiques et y consomment en moyenne 49 minutes, comment expliquez-vous cette augmentation ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette augmentation. Tout d’abord, les passerelles vers le porno se sont multipliées et le cadre légal par la vérification de l’âge n’est pas convaincant. Les adolescents ont des smartphones de plus en plus jeunes et cela leur donne accès à internet et donc à ces contenus. Avant même d’arriver sur les sites en question, les réseaux sociaux proposent déjà des avant-premières avec la diffusion d’images assez explicites.
L’industrie du porno, comme toute industrie, doit faire du profit et cherche donc, avec l’aide précieuse des moteurs de recherche, à cibler ce jeune public. Souvent curieux, ils le croisent parfois par inadvertance car ces sites sont encore très bien référencés. On peut aussi remarquer que l’amélioration du débit internet rend encore plus facile la consommation de ces contenus audiovisuels. Enfin, tout s’inscrit dans une société qui banalise l’hypersexualisation des corps.
En quoi l’accès à la pornographie est-il dangereux pour les plus jeunes ?
Pour un public plus jeune, qui n’est pas encore entré dans la puberté, ce type de contenu prend la forme d’une rupture psychique. Encore en développement, les cerveaux les plus jeunes peuvent vivre ce moment comme un traumatisme. C’est aussi pourquoi les émissions violentes sont aussi interdites pour les plus jeunes car elles déclenchent les mêmes mécanismes de traumatisme. Pour les adolescents, la pratique est également dangereuse, car en pleine découverte de leurs corps en mutation, ils assistent à une représentation de la sexualité sans affect, avec des corps très différents du leur. Cette vision très limitative de la sexualité les conduit parfois à croire que ces scènes doivent être reproduites sans les comprendre pour avoir une vie sexuelle normale et les enferme dans une image erronée de la sexualité.
Quel est l’impact de la pornographie sur les comportements sexuels des adolescents ?
De manière très concrète, on observe pour les adolescents les plus accros aux contenus pornographiques, une perte d’excitation, des problèmes d’érection, une déconnexion de la réalité avec leur partenaire sexuel, le développement de complexes sur leur corps qui ne correspondent pas aux standards du porno et une décorrélation totale de l’affect à l’acte sexuel.
Existe-t-il une alternative au porno pour découvrir sa sexualité à l’adolescence ?
Il existe des moyens moins risqués de découvrir votre sexualité. L’éducation sexuelle est déjà une première façon d’aborder le sujet. Elle doit diaboliser le sujet. Malheureusement, ce qui est dispensé dans les écoles est encore trop éloigné de la réalité, du concret. Elle aborde le sexe avec un prisme très mécanique ou reproductif voire idéologique mais très peu sous le prisme de la découverte du sexe en tant que tel et avec tout ce que cela implique. On ne parle pas assez de l’instant, des corps, des sensations, des émotions. Certains livres et sites internet ont cette approche plus orientée vers une découverte saine et éclairée de l’acte. La planification familiale a également réussi à surmonter les tabous et à aborder la complexité des relations sexuelles. Les parents peuvent jouer un rôle dans la découverte de la sexualité. Ils peuvent discuter du sujet avec les adolescents et éviter au maximum de rendre l’acte tabou ou honteux.
Alors que l’industrie du porno donne souvent une image féminine dégradée, les jeunes femmes sont encore nombreuses à consommer ce contenu, comment ça se passe ?
Tous les films pornos ne donnent pas une image dégradée de la femme, mais il est vrai qu’ils sont souvent construits pour le regard des hommes et avec un rapport de domination. Même ainsi, le porno répond à certaines curiosités communes à tous les êtres humains. Les jeunes femmes (et les femmes plus âgées) ont aussi des excitations, ont aussi des fantasmes voyeuristes, se masturbent et ont donc aussi une attirance pour ces images, malgré leur caractère réducteur. De plus, il existe des films pornos dits « féminins » qui répondent un peu plus aux désirs et fantasmes féminins. On ne parle pas de porno lesbien mais de contenus qui laissent plus de place aux désirs féminins, qui stimulent par la voix, le texte ou des scénarios plus érotiques ou romantiques. Ces éléments qui sont laissés de côté dans le porno au profit d’images brutales sont ceux qui manquent à la vision de la sexualité des jeunes et des jeunes adultes qui ne voient pas cela dans le porno.
Grb2