Le 13 mai dernier, on apprenait que « Poésie ça de suite », le spectacle de Manou Farine, ne figurerait pas à la grille de rentrée de France Culture. Et aucune diffusion de remplacement n’était prévue. La nouvelle a d’abord suscité l’incrédulité : plus de poésie à France Culture ? C’était impensable, c’était impossible et pourtant c’est vrai. L’émission a été coupée en deux, déplacée d’une plage horaire à une autre, et finalement annulée.
C’est plus facile. Bien sûr, nous attendons des remarques apaisantes, comme « la poésie ne disparaît pas, elle est toujours présente, on en parlera dans les émissions d’actualité, etc. » Bref, la poésie est partout sauf à France-Culture. A savoir dans un espace dédié, où l’on parle d’elle, où ELLE parle. Sans subir les aléas de « l’actualité », des priorités, des exigences commerciales et des audiences. La tendance n’est pas nouvelle.
Il fut un temps, malheureusement lointain, où la poésie sur France Culture avait chaque semaine un poète invité qui, à raison de quatre segments de cinq minutes par jour, suivis d’un entretien d’une quarantaine, livrait ses textes et ses choix au public. micro d’un autre poète, Claude Royet-Journoud. Ensuite, c’était la réduction, cinq minutes par jour, une heure par semaine, une demi-heure, et à la fin du broyage, plus rien.
Une évolution stupéfiante si l’on considère que ce type de programmes était la raison d’être de France-Culture, la création d’un espace où, sans considération de part de marché, on pouvait prendre le risque de proposer aux auditeurs des œuvres dont l’accès était impossible ailleurs. . Nous appelions cela service public.
La poésie faisait partie de l’ADN de cette radio. Sans remonter aux temps héroïques où un poète, Jean Tardieu, contribua à fonder ce qui deviendra France-Culture, l’apport de poètes comme « Alain Veinstein, Claude Royet-Journoud, Jean Daive, Christian Rosset, Jean-Baptiste Para, André Velter et bien d’autres, ont su donner sa place à cette partie essentielle de la littérature. »
C’est ce qu’ont lancé les initiateurs d’une pétition dès l’annonce de la nouvelle, et qui rappelle que « Les lecteurs perdent l’occasion de découvrir des œuvres moins visibles ailleurs dans les médias. La suppression d’un programme entièrement dédié à la poésie fragilise cet écosystème courageux qui survit dans un marché qui ne fait que mettre en avant la perpétuelle nouveauté de la prose commerciale. »
La direction de France Culture se tire-t-elle une balle dans le pied ? La pertinence de cette décision est en fait d’autant moins évidente qu’on voit croître l’intérêt du public pour la poésie, quels que soient ses formes, ses choix esthétiques, ses moyens, ses livres, ses lectures, ses performances. C’est entre autres ce qui a rendu l’émission de Manou Farine intéressante.
Une curiosité sans cesse éveillée, une ouverture sur la diversité des approches, des langages, des époques ont fait de cet espace (trop petit) un lieu de découverte irremplaçable. Nous ne pouvons accepter que les auditeurs soient privés de tout accès à cette dimension essentielle de la culture et de la liberté.
Cette décision consternante illustre bien, il est utile de le souligner, les intentions du pouvoir en place dans l’audiovisuel public. La pétition qui circule sur la toile a atteint 30 000 signataires en trois semaines. Un total remarquable qui n’attend plus que vous pour stopper ce mauvais coup.
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