Alors que certains pensent que diffuser de fausses informations est inoffensif, le Royaume-Uni prouve que ce n’est pas le cas.
Depuis plusieurs jours, le pays est le théâtre d’émeutes violentes, perpétrées par des partisans de l’extrême droite. Ces derniers, jamais avares de saluts nazis pour effrayer la population, tentent de s’en prendre à des mosquées, des abris d’urgence et des centres d’accueil pour demandeurs d’asile. Une liste de 39 lieux d’aide aux migrants, considérés comme des cibles à détruire, circule également sur Telegram.
Tout a commencé par de fausses informations sur l’homme soupçonné d’avoir perpétré l’attaque au couteau à Southport, dans le nord-ouest de l’Angleterre, le 4 août, au cours de laquelle trois jeunes filles ont trouvé la mort. La seule information communiquée par la police britannique à son sujet était qu’il s’agissait d’un garçon de 17 ans originaire de Banks, dans le Lancashire. Aucun mobile n’a encore été trouvé et l’affaire n’est pas traitée comme une attaque terroriste.
Les fausses nouvelles et l’extrême droite
Pourtant, sur les sites d’extrême droite, certains ont suggéré que l’individu était un demandeur d’asile. L’une des personnalités ayant relayé cette fausse information est Stephen Yaxley-Lennon, plus connu sous le pseudonyme de Tommy Robinson, à l’image du tristement célèbre hooligan britannique. Avec ses plus de 923 000 followers sur X, celui qui est aussi masculiniste à ses heures perdues, condamné à de multiples reprises pour violences, fraudes ou encore trouble à l’ordre public, et fondateur du groupe identitaire English Defence League, était sûr de diffuser ce qu’il voulait au plus grand nombre. Bref, comme il le déclarait dans plusieurs vidéos, les personnes de confession musulmane « accueillies dans nos villes et nos villages (…) violent nos femmes tous les jours » et « assassinent nos enfants ».
Cette prédominance de la désinformation, pour le groupe Massive Attack, qui a relayé sur X la communiqué du Runnymede Trust, un groupe de réflexion sur l’égalité, est « le résultat direct d’années de normalisation du racisme et de l’islamophobie, permises par les politiciens et les médias britanniques ».
Les conservateurs, au pouvoir depuis 12 ans et qui ont fait campagne pour le Brexit en soulignant l’immigration comme le plus gros problème du pays, ne sont pas les seuls à être pointés du doigt par les artistes. Le nouveau Premier ministre Keir Starmer, chef du parti travailliste, et son gouvernement « n’ont pas non plus dénoncé le racisme ». Ces émeutes d’extrême droite sont « le résultat inévitable d’années de racisme et d’islamophobie parrainés par l’État, où les musulmans, les personnes de couleur et les migrants sont utilisés comme boucs émissaires pour masquer des décennies d’erreurs politiques et d’austérité économique ».
Politique et médias
Le groupe de rock Nova Twins, composé de la chanteuse Amy Love et de la bassiste Georgia South, a exprimé son « dégoût face à la montée de la violence d’extrême droite au Royaume-Uni ». Selon eux, les attaques au couteau « sur des jeunes filles devraient inspirer compassion et solidarité » avec les familles endeuillées. « Au lieu de cela, nous assistons à une brutalité qui alimente la souffrance et la haine, avec des musulmans innocents et des personnes de couleur attaqués et battus, et des gens qui ont peur de quitter leur domicile. C’est du racisme pur, une maladie dont notre pays semble incapable de se débarrasser. Des voyous anti-immigration crient des insultes islamophobes et mettent le feu à des voitures et à des bâtiments – comment pouvez-vous être fier d’un pays comme celui-là ? », ont ajouté les deux hommes dans leur communiqué. communiquéIl a également appelé à « mettre fin à ce cycle de violence et de haine ».
Le chanteur Sam Duckworth, dont le nom de scène est Get Cape. Wear Cape. Fly, a déclaré que si les émeutiers avaient été « d’une autre couleur, ces émeutes auraient été qualifiées d’extrémisme national ». Il a également appelé le nouveau gouvernement de centre-gauche à « reconnaître que les racines de tout cela se trouvent fermement dans le racisme ».
Déjà en 2019, Neil Basu, l’un des spécialistes de la lutte contre le terrorisme au sein de la police métropolitaine, avait mis en garde contre le terrorisme d’extrême droite. « Le problème est petit, mais c’est celui qui connaît la croissance la plus rapide », avait-il déclaré à l’époque dans le Gardien.
Le miroir français
Un miroir qui se reflète en France. En 2023, le patron de la DGSI Nicolas Lerner déclarait à la Monde Selon lui, « le risque terroriste » généré par l’extrême droite « s’accroît depuis quelques années au sein des démocraties occidentales, notamment en France ». En cause : « la conviction » d’un « grand remplacement » et la nécessité de « remplacer l’État » et de « précipiter la confrontation, pour avoir une chance de gagner ».
« Le confinement algorithmique généré par les réseaux sociaux, l’influence des idéologies radicales venues d’outre-Atlantique ont contribué à structurer durablement cette croyance », a-t-il ajouté.
Pour Massive Attack, « il ne s’agit pas simplement de freiner la désinformation en ligne ou d’accroître la surveillance policière. Il est urgent que nos dirigeants remettent en question les conditions qui encouragent l’extrême droite. Ce genre de scène devrait être impensable en 2024. »