Divertissement

« Plus qu’hier, moins que demain », trop ou trop peu d’amour

Françoise (Laetitia Legrix), Karim (Zakariya Gouram) et Julien (Martin Mihelich) dans « Plus qu'hier, moins que demain » (1998), de Laurent Achard.

Un regard caméra de l’adolescente boudeuse, tenue par son copain par l’épaule, et on comprend que la jeune fille n’est pas contente. Derrière eux, un mur de pierre gris-vert, comme un écran à tout ce qui se passe dans leur dos, à tout ce qui leur échappe de la vie d’adulte, dans ce petit village où ils ont grandi. Françoise (Laetitia Legrix) joue au couple, pose sa tête contre Bertrand (Pascal Cervo), mais elle est ailleurs. « Oui, je suis avec toi, où veux-tu que je sois ? »elle lui dit d’un ton légèrement affecté, pensant le rassurer.

Cela semble étrange, sa phrase nous transperce et d’un seul coup, Plus qu’hier, moins que demain (1998), premier long métrage du regretté Laurent Achard, décédé le 25 mars à l’âge de 59 ans, pose une douloureuse énigme. Scène après scène, dans une économie de mots, le cinéaste s’emploie à attiser les braises après la décomposition des tensions et des haines latentes. Qui ne tarderont pas à s’embraser.

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Le feu couve, et c’est le petit frère de Françoise, Julien (Martin Mihelich), qui le scrute avec les yeux d’un enfant qui a grandi le ventre serré, à force d’entendre et de ressentir tant de disputes et de malheurs. Sa façon d’assimiler tout cela nous impressionne, et ses quelques éclats de rire avec sa sœur, qui se prend pour Vanessa Paradis et chante à tue-tête, semblent être les seules bouffées d’air ou rations d’insouciance qui lui sont accordées.

Enfant écorché vif

Ce personnage d’enfant brut traverse l’œuvre de Laurent Achard – citons Peur, petit chasseur (2004), un fabuleux court métrage en un seul plan séquence, ou encore Le dernier des fous (2006) : dans la veine de Renoir, Eustache, Pialat, le cinéaste ultra-sensible met en scène les ravages de ses personnages à partir d’un presque rien savamment travaillé (cadres splendides, économie de mots), comme le regard contrit du père alcoolique (Daniel Isoppo) qui se sent pathétique, ou sa drôle de façon de passer une cigarette en douce à son fils. Le film retient les larmes dans les filets de son montage serré, se concentrant sur les pulsions, les bagarres, puis laissant les personnages gérer leurs émotions hors champ.

Dans Plus qu’hier et moins que demainc’est dimanche et c’est la fête : ce pourrait être une parenthèse enchantée, comme dans ces familles inquiètes où les enfants attendent les anniversaires et autres fêtes pour connaître un semblant de vie harmonieuse. Maurice, l’oncle de la famille, veuf et propriétaire d’une conserverie locale, inaugure ses nouveaux locaux – sa sœur n’est autre que la mère de Françoise et Julien. Il s’apprête aussi à annoncer son mariage à sa secrétaire. Une nouvelle que son fils, Bertrand (l’amant au premier plan), a du mal à avaler.

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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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