Plus de 300 climatologues terrifiés par l’avenir de la planète
10 mai 2024 à 15h12
Mis à jour le 11 mai 2024 à 9h43
Temps de lecture : 4 minutes
« Désespéré et brisé », « Nous vivons à l’ère des imbéciles ! », « Je suis soulagé de ne pas avoir d’enfants, sachant ce que l’avenir me réserve »…La plupart des climatologues interrogés par Le gardien ont une vision très pessimiste de l’avenir. Dans cette enquête alarmante (en anglais) publiée le 8 mai, le journal britannique révèle comment ces grands experts mondiaux du climat, tous auteurs ou rédacteurs en chef des rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) depuis 2018 , sont « terrifié, mais déterminé à continuer à se battre ».
Sur 843 scientifiques interrogés, 380 ont répondu aux questions du Gardien. 77 % d’entre eux estiment que la planète se dirige vers une hausse des températures d’au moins 2,5°C (par rapport aux niveaux préindustriels), avec des conséquences désastreuses pour l’humanité. Près de la moitié, soit 42 % pensent même qu’elles vont dépasser les 3°C. Les plus jeunes et les femmes sont les plus pessimistes. Seulement 6 % restent optimistes, estimant que la limite de 1,5°C à ne pas dépasser (fixée lors de l’Accord de Paris) sera atteinte.
Dépression, envie d’abandonner…
Beaucoup de ces scientifiques envisagent « un futur « semi-dystopique »avec des famines, des conflits et des migrations massives, provoqués par des vagues de chaleur, des incendies de forêt, des inondations et des tempêtes d’une intensité et d’une fréquence bien supérieures à celles qui ont déjà frappé »détaille le journal.
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Interrogés sur leur ressenti face à ce constat très sombre, ils ont été nombreux à exprimer leur désespoir (en anglais). Certains avouent avoir souffert de dépression ou songer à abandonner leur travail. Ils expriment également leur exaspération et leur crainte face à l’incapacité des gouvernements à agir malgré les preuves scientifiques claires fournies.
Manque de volonté politique
« Je pense que nous nous dirigeons vers des bouleversements sociétaux majeurs dans les cinq prochaines annéesdéclaré à Gardien Gretta Pecl, de l’Université de Tasmanie. Les autorités seront submergées par un événement extrême après l’autre et la production alimentaire sera perturbée. Je ne pouvais pas ressentir un plus grand désespoir face à l’avenir. »
« Pas de bonne nouvelle »
Le manque de volonté politique et les intérêts des entreprises – comme ceux de l’industrie des combustibles fossiles – ont été cités parmi les principaux obstacles à l’action face à la crise climatique. La surconsommation est également pointée du doigt par les chercheurs. « Beaucoup ont également évoqué les inégalités et l’incapacité des pays riches à aider les pauvres, qui souffrent le plus des effets du climat. »écrit encore Le gardien.
Malgré ce sombre tableau, la plupart persévèrent dans leurs recherches et leur travail d’alerte, considérant que chaque fraction de degré en moins compte. Le combat des jeunes générations est aussi un facteur de remobilisation pour certains.
« C’est vraiment absurde de ne pas agir maintenant »
Contacté par ReporterrePhilippe Ciais, directeur de recherche au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE), se dit peu surpris par l’observation de Gardien. Pour lui aussi, rien ne pousse à l’optimisme. « Pas de bonne nouvelle en termes de recherche scientifique, ni en termes de politiques mises en œuvre. Et les émissions de CO2 ne diminue pas ! » Il rappelle que nous sommes déjà presque à +1,5°C. « Au rythme actuel de nos diffusions CO2dans trente ans, nous aurons atteint +2°C. »
Comme ses collègues, il trouve « assez désespéré » le manque d’action des politiques. « On pourrait encore financer une entrée dans la transition. Il faudrait 1 000 milliards de dollars par an. Cela représente l’épargne des 56 millions de millionnaires dans le monde. Soit la moitié des dépenses militaires. Ce n’est pas inaccessibleil juge. Mais cela le deviendra lorsque les catastrophes se succéderont. Les États n’auront plus de capitaux, il faudra faire face à toutes les crises. C’est vraiment absurde de ne pas agir maintenant. Ou ne pas l’avoir fait au début des années 2000 alors que cela aurait été bien plus simple. »