Plus de 120 morts, des milliers de manifestants, des fusillades policières, un pouvoir contesté… que se passe-t-il au Bangladesh ?
La police anti-émeute a tiré à balles réelles sur des manifestants au Bangladesh samedi, où l’armée patrouille intensivement dans les villes après une nouvelle journée d’affrontements meurtriers.
Le mouvement, parti de manifestations étudiantes et qui a fait au moins 133 morts cette semaine, selon un comptage de l’AFP à partir de données de sources policières et hospitalières, a poussé la Première ministre Sheikh Hasina, au pouvoir depuis 15 ans, à reporter ses voyages à l’étranger.
« Anarchie dans le pays »
« Elle a annulé ses visites en Espagne et au Brésil en raison de la situation actuelle »« Les manifestants dénoncent les quotas d’embauche dans la fonction publique qui, selon eux, avantagent le gouvernement en place et réclament désormais la démission de Sheikh Hasina », a déclaré samedi à l’AFP son porte-parole Nayeemul Islam Khan.
Sillonnées par des militaires circulant à pied ou en véhicules blindés, les artères de la capitale Dacca, mégalopole de 20 millions d’habitants, étaient désertes samedi matin. Mais des milliers de personnes sont ensuite descendues dans les rues du quartier de Rampura et la police a tiré sur elles, blessant au moins une personne, a constaté l’AFP.
La foule protestait contre un couvre-feu entré en vigueur à minuit et qui devrait durer au moins jusqu’à 10 heures (04 heures GMT) dimanche dans tout le Bangladesh. « C’est l’anarchie dans le pays. Les gens sont abattus comme des lapins. »L’un d’eux, Nazrul Islam, 52 ans, a déclaré à l’AFP.
Abattu
Les hôpitaux ont signalé à l’AFP un nombre croissant de personnes tuées par balles depuis jeudi, les tirs de la police étant à l’origine de plus de la moitié des décès enregistrés depuis le début de la semaine, selon les descriptions fournies par le personnel médical.
« L’armée a été déployée sur tout le territoire pour assurer le maintien de l’ordre public »« La police a de nouveau échoué à contrôler la situation », a déclaré à l’AFP le porte-parole des forces armées, Shahdat Hossain. Le bureau du Premier ministre avait pris cette décision la veille, la police ayant de nouveau échoué à contrôler la situation.
« Des centaines de milliers de personnes » Des affrontements ont eu lieu vendredi entre les forces de sécurité et les forces de sécurité à Dhaka, selon leur porte-parole, Faruk Hossain. « Au moins 150 policiers ont été hospitalisés. 150 autres ont reçu les premiers soins. »a-t-il déclaré à l’AFP, ajoutant que deux d’entre eux avaient été battus à mort. « Les manifestants ont incendié de nombreux postes de police » Et « De nombreux bureaux gouvernementaux ont été incendiés et vandalisés »M. Hossain a ajouté :
L’AFP a appris auprès de l’hôpital universitaire de Dacca que deux policiers étaient morts samedi, tandis que quatre autres admis en soins intensifs ont succombé à leurs blessures. Un représentant de Students Against Discrimination, principal groupe organisateur des manifestations, a indiqué à l’AFP que deux de ses dirigeants avaient été arrêtés depuis vendredi.
Les autorités ont également imposé jeudi une coupure d’Internet à l’échelle nationale, entravant gravement les communications. Les sites Internet du gouvernement restent inaccessibles et les principaux journaux, dont le Dhaka Tribune et le Daily Star, n’ont pas pu mettre à jour leurs comptes sur les réseaux sociaux.
La télévision d’État du Bangladesh n’est toujours pas en mesure de continuer à diffuser ses programmes après que son siège à Dhaka a été incendié par des manifestants ce jour-là.
Le pouvoir de Sheikh Hasina remis en cause
Les manifestations, qui ont lieu presque quotidiennement depuis début juillet, visent à exiger la fin des quotas d’embauche dans le secteur public qui réservent plus de la moitié des postes à des groupes spécifiques, notamment les fils et filles des vétérans de la guerre de libération du Bangladesh contre le Pakistan en 1971.
Selon de nombreux observateurs, le programme bénéficie aux enfants issus de milieux qui soutiennent Hasina, 76 ans, qui dirige le pays depuis 2009 et a remporté une victoire écrasante aux élections pour la quatrième fois consécutive en janvier. Son gouvernement est accusé par les militants des droits de l’homme d’abuser des institutions de l’État pour renforcer son emprise et écraser la dissidence, notamment en exécutant des opposants de manière extrajudiciaire.
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a condamné vendredi la répression, la qualifiant d’attaque. « particulièrement choquant et inacceptable ». « La frustration grandit au Bangladesh car le pays n’a pas connu d’élections nationales véritablement compétitives depuis plus de 15 ans »« Cela a été une grande surprise », a déclaré à l’AFP Pierre Prakash, de l’International Crisis Group.
« Sans véritable alternative électorale, les Bangladais mécontents n’ont guère d’autres choix que de manifester dans la rue pour faire entendre leur voix »il a jugé. « Le nombre croissant de morts est la preuve choquante de l’intolérance totale des autorités bangladaises à l’égard des manifestations et de la dissidence. »a commenté Babu Ram Pant d’Amnesty International.