pluie, pétanque et talons lumineux, comment j’ai assisté à mon premier défilé
Le défilé Chanel Croisière 2024-2025 s’est tenu jeudi 2 mai à Marseille, chez Le Corbusier. Un événement inédit pour la ville, mais aussi pour notre journaliste.
Il y a quelques jours, j’ai appris que j’allais pouvoir assister à mon premier défilé de mode. Que je faisais partie des 300 invités triés sur le volet pour découvrir la nouvelle collection Chanel Croisière 2024-2025. Chanel. La prestigieuse Maison Coco Chanel. Ici, à Marseille, pour la première fois de son histoire. Le défilé s’est tenu ce jeudi 2 mai à la Cité Radieuse.
J’ai toujours aimé la mode car selon moi, une jolie tenue sur soi ou sur quelqu’un que l’on voit peut faire plaisir. En tout cas, ça me fait plaisir. Je lis tous les magazines de mode depuis des années, je suis tout un tas d’influenceurs et je passe beaucoup de temps sur Pinterest et Instagram. Mais je n’ai jamais eu l’occasion de combiner cette passion et mon travail. Jusqu’à aujourd’hui.
Avec France 3 Provence-Alpes, je vous emmène avec moi dans cette journée surréaliste.
Au début, j’ai eu du mal à m’en rendre compte. Mais les choses sont devenues plus concrètes lorsqu’un coursier m’a remis mon invitation. Un sac en carton noir assez grand, décoré d’une fleur de camélia en papier blanc. A l’intérieur : la fameuse invitation, mais aussi un joli clin d’oeil de la Maison de Mode marseillaise : des boules de pétanque noires, gravées du logo iconique CC. Un symbole, une reconnaissance pour la deuxième ville de France.
J’ai donc été invitée le 2 mai au défilé de mode à la Cité Radieuse, à 16 heures, pour le deuxième défilé. Compte tenu de la taille de la salle, Chanel a en réalité organisé deux défilés identiques à la même date. Et très vite, le jour J arrive. De nombreuses questions apparemment futiles me traversent l’esprit. Comment s’habiller pour un défilé Chanel ? Ou plutôt : comment s’habiller pour un défilé Chanel quand on n’a pas de Chanel dans sa garde-robe ? Que fait-on avant le défilé ? Est-ce que quelqu’un m’emmènera à ma place comme au théâtre ? Qui saluer ? Faut-il sourire ? Comment paraître à l’aise ? Ou plutôt : comment se fondre quand on ne connaît rien à cet environnement ?
Le matin du défilé, j’ai cherché l’inspiration auprès de la source : Gabrielle Chanel. Dans une interview donnée en 1959, Coco déclarait ceci : « Les femmes sont toujours trop habillées ». Je me suis donc concentré sur la simplicité. Mes ballerines préférées en daim noir, presque plates. Un short habillé et un haut noir transparent. Des collants, bien sûr. Car je n’ai pas encore abordé l’un des éléments essentiels de cette journée, l’élément qui donnera une saveur inattendue au défilé.
Onze degrés ressentis 8, pluie, vent. Un des pires jours de l’année, sans (un peu) exagérer. Du mauvais temps annoncé pour plusieurs jours bien sûr. Mais à Marseille, la météo n’est pas toujours très fiable, tout le monde le sait, Chanel sans doute aussi. Je me retrouve à mettre à jour l’application Météo-France toutes les heures. Un peu comme si c’était mon mariage qui était prévu. Mais je décide d’aller au défilé, pull en cachemire sur le petit haut transparent, et parapluie pour compléter la tenue.
La première exposition de la journée, à 11 heures, a eu lieu envers et contre tout sur le toit de Le Corbusier, au MAMO, le centre d’art de la Cité Radieuse. Les premières images ont fuité sur les réseaux, des vidéos partagées par des chanceux sur place. Pendant quelques secondes, je vois les cheveux ébouriffés des invités, les mannequins portant des robes légères sous la pluie. Lily-Rose Depp, SCH, Charlotte Casiraghi… Mais je ne veux pas en voir plus. Je ne veux pas gâcher ma première fois, ma surprise.
Quand j’arrive chez Le Corbusier, on dirait que je l’avais imaginé. De grosses voitures aux vitres teintées arrivent en file indienne devant l’immeuble, boulevard Michelet. Les invités sortent, et sont accueillis par des hommes très souriants qui les dirigent vers le bâtiment. Une trentaine de personnes ont bravé les éléments et attendu devant les barrières, dans l’espoir de croiser des étoiles.
Je montre mon invitation, donne mon nom. Par magie, l’homme en costume hoche la tête et me sourit, je fais bien partie des invités sur sa tablette. Ce n’est pas magique, j’ai reçu mon invitation dans le grand sac en carton. Je le sais, mais je reste généralement de l’autre côté des barrières. Et puis tout devient facile.
Les parapluies sont emportés par le vent, les brushings ont du mal à résister. Puis enfin, après un deuxième, puis un troisième contrôle d’identité, nous pénétrons dans la Maison du Fada, sous couvert. Un autre homme très souriant me montre ma place. « G4, 4ème étage ». Chanel a finalement renoncé à faire son deuxième défilé sur le toit, en plein air. Le défilé se déroule donc entre les 3ème et 4ème étages, dans les couloirs de la Cité Radieuse. Je ne suis pas déçue, car j’ai froid, et l’architecture moderne de Le Corbusier offre un écrin ravissant à Chanel.
Alors je me retrouve seul, un peu perdu, à chercher mon nom sur les bancs. Je pense à mon copain, qui, ce matin, a déclaré en réponse à ma peur de ne connaître personne : « Tant que vous n’agissez pas comme Peter Sellers dans La fêtetout va bien ». Voilà, je suis rassuré. J’ai enfin trouvé ma place et, par hasard, j’ai rencontré un collègue d’une chaîne de télévision nationale. Elle est placée juste à côté de moi. Un lien, un semblable dans ce flot de célébrités et de VIP aux tenues extravagantes et aux talons lumineux. Je suis sauvé.
Ensemble, nous repérons les célébrités et parvenons à retrouver les noms des visages « qui nous dit quelque chose ». Cela devient finalement un jeu. Mes années de montage Gala m’a apporté deux ou trois concepts. Marion Cotillard, Lina Khoudri, Akhenaton, Pablo Longoria, Caroline de Maigret, Sadie Sink, Anna Mouglalis, Kungs, Sébastien Tellier, Pedro Winter… On oublie qu’on n’emporte pas des milliers d’euros avec soi et on accepte volontiers la flûte détenue par un serveur très souriant. Je regarde partout, mon attention est maximale, j’essaye de capter l’essence de cet instant.
Après une heure à traquer les stars en toute discrétion ou presque, place au défilé. On finit par oublier que tout ce monde est réuni pour découvrir une collection de mode. Il y a tellement d’enthousiasme. D’échanges, de visages. Le spectacle est là aussi. Tous ces gens réunis, artistes, créateurs, influenceurs. Je suis avec eux, et pourtant je me sens spectateur. Comme au théâtre.
En quelques secondes, chacun est à sa place. Ces gens y sont habitués. La musique de Jean-Michel Jarre résonne chez Le Corbusier. Et je vois les premiers modèles se présenter. Ils sont grands, souvent très minces et très jeunes. Rien de nouveau sous le soleil. Mais quand ils passent devant moi, je suis impressionné. Par l’élégance, la délicatesse de la collection conçue par Virginie Viard. Mais aussi par ce que dégagent ces jeunes femmes. Une idée de grâce. Et je ne peux m’empêcher de chercher leur regard, bien que fixe, droit devant moi. Et chacun pointe son téléphone, pour capturer un morceau de cette grâce.
Cela passe en un clin d’œil. Quinze minutes. Un événement de 15 minutes réunit les personnalités les plus influentes du moment, sous la pluie, à Marseille. C’est à la fois risible et magnifique. Parce que c’est éphémère. Car en quelques minutes, les rangs se sont vidés, les conversations ont repris, les taxis se sont rassemblés, les parapluies redéployés. Et j’ai cette musique de Jean-Michel Jarre qui me reste, une silhouette en robe courte et chaussures plates qui passe devant moi dans un soupir.
Dehors, la pluie s’est un peu calmée. Je rentre chez moi à pied, seul. Des jeunes hommes très souriants filtrent la sortie. Il y a toujours du monde rassemblé devant les barrières. Ils espèrent. Très vite, la ville m’engloutit. Plus loin, un homme qui fait son jogging. Il est au téléphone et parle par haut-parleur : « Il y a le défilé de je ne sais qui ». Je souris. Plus loin encore, je m’enfonce dans la foule de supporters chauffés à blanc avant la demi-finale OM-Atalanta. Marseille je t’aime.