Plongez au cœur d’un business illégal qui rapporte beaucoup d’argent aux fournisseurs pirates



Depuis la reprise du championnat de football, de plus en plus de fans de foot regardent les matchs de leurs équipes préférées sur des plateformes pirates plutôt que de souscrire à des offres légales souvent boycottées et jugées hors de prix. Un piratage massif qui oblige le tout nouveau diffuseur TV du championnat français, le britannique DAZN, à casser les prix de ses abonnements à partir de mardi 10 septembre… mais seulement pendant deux semaines.

Mais ces fournisseurs d’accès pirates profitent de la crise actuelle du marché. Ils sont joignables via Telegram, comme celui qui se fait appeler « Descartes ». Ce Français de 23 ans explique vivre dans un pays voisin de la France, mais envisage de quitter prochainement l’Europe.pour sa propre sécurité« . Il vend « services« sur Telegram depuis qu’il est mineur », dit-il.

Vidéos et captures d’écran à l’appui, Descartes prouve que, depuis cet été, il travaille principalement les soirs de match, avec une équipe de 20 revendeurs pour vendre des abonnements IPTV sur Telegram via des serveurs basés à l’étranger. L’Internet Protocol TV (IPTV) est une application et un code qui, le plus souvent sans l’aide d’un boîtier électronique, permettent pour moins de 90 euros par an, parfois beaucoup moins, d’accéder à des centaines de chaînes de tous les pays, dont tout le football français, européen et même international. Un commerce illégal qui rapporte beaucoup d’argent aux fournisseurs pirates, explique Descartes, qui profite pleinement de la crise actuelle.

« Les jours de match, je peux avoir environ 700, 800 euros de gains par jour dans ma poche. »

Descartes, un pirate qui vend des abonnements IPTV

à franceinfo

« En semaine, quand il n’y a pas trop de matchs, on peut toucher environ 400 à 500 euros, assure Descartes. Je dirais que 90% des clients sont des nouveaux. La majorité sont des fans de football. En ce moment, je dirais que dans deux semaines, j’ai peut-être 450 clients. C’est énorme le nombre de messages que l’on peut recevoir par jour. »

Face à la lutte anti-piraterie, Descartes se dit en sécurité : « Personnellement, les serveurs, je sais qu’ils sont en France, donc ils auront du mal à les arrêter. Quand les autorités arrêtent un serveur, un autre va démarrer. Les revendeurs comme nous, il y en a tellement, il y en a des milliers, sur Snapchat ou Telegram. Il faudrait faire un grand ménage pour les arrêter. Je ne pense pas que ça s’arrêtera un jour. »

L’essentiel de l’offre de piratage de la Ligue 1 et 2, en IPTV ou en streaming, se trouve sur le service de messagerie cryptée Telegram, mais pas seulement, Signal, Snap et, plus récemment, TikTok sont également concernés. Pour le premier match de la saison, Le Havre-PSG, on estime que plus de 200 000 personnes étaient connectées sur Telegram. Le troisième jour, la plupart des principaux Les matchs de championnat étaient toujours accessibles. Plus de 50 000 fans ont regardé Lille-PSG.

L’institut de sondage Odoxa s’est récemment penché sur le sujet en s’appuyant sur un échantillon de 1 000 Français, le sondeur estime qu’environ 2,5 millions de Français suivent le football de manière illégale. En cause : la qualité de l’offre et surtout les prix pratiqués jusqu’ici par DAZN, affirment 60 % des personnes interrogées, alors que seulement 37 % jugent la pratique répréhensible.

Depuis sa création, l’Arcom coordonne la lutte contre le piratage de contenus sportifs sur Internet. Elle met en œuvre des actions de prévention en diffusant des spots TV sur les principales chaînes françaises.Personne ne croit que l’offre légale est le pilier du sport aujourd’hui« , affirme ce spot, cherchant à responsabiliser le fan de football.

Mais le nœud de la guerre contre le piratage massif de sports sur internet reste la répression des réseaux illégaux et une politique de blocage ciblée des sites clandestins. Depuis 2022, l’ARCOM, la Ligue de football professionnel (LFP), l’Association pour la protection des programmes sportifs et la Fédération française des télécoms (qui regroupe les principaux fournisseurs d’accès à internet comme Orange, Bouygues ou SFR), tentent d’endiguer le piratage des retransmissions de matchs de football alors que 8,5 millions d’internautes (soit 16%) continuent de recourir au piratage en 2023.

Depuis la reprise du championnat cet été, et une décision du Tribunal Judiciaire de Paris le 2 août dernier en faveur de la LFP, L’ARCOM a coordonné plusieurs opérations contre ces plateformes pirates. Le gendarme de l’audiovisuel estime que 174 sites diffusant illégalement des matchs de Ligue 1, dont des sites miroirs, ont été bloqués depuis août dernier.

Des blocages « DNS », comme disent les techniciens, qui interviennent juste avant la diffusion des matchs. « Lorsque les matchs sont diffusés, les détenteurs de droits, par exemple la Ligue de football, les signaleront, explique Pauline Combredet-Blassel, directrice générale adjointe de l’ARCOM, où une demi-douzaine d’agents sont mobilisés. Une fois ces signalements reçus, nous traiterons l’ensemble de ces services et à chaque fois qu’il s’avérera qu’ils piratent effectivement la compétition sportive, nous demanderons qu’ils soient bloqués juste avant le prochain match, notamment pour éviter qu’ils ne se reproduisent à nouveau. »

Entre 2022 et 2023, l’ARCOM estime que près de 3 370 noms de domaine ont été bloqués, principalement des sites de streaming en direct et des services IPTV diffusant du football. Sur la même période, le piratage a diminué d’environ 30 % selon les estimations de l’ARCOM. Ces chiffres contrastent avec la tendance observée ces derniers mois sur les réseaux spécialisés.

Face au piratage, voire aux appels au boycott de certains supporters, la plateforme de streaming britannique DAZN vient de réagir. Après avoir déjà payé 400 millions d’euros pour la diffusion de huit matchs de L1 en direct, elle a décidé de brader ses différentes offres avec ou sans engagement à compter d’aujourd’hui et jusqu’au 22 septembre. Cet effort peut-il empêcher un accident industriel ? DAZN, via l’agence de communication Havas, n’a pas répondu aux différentes sollicitations de franceinfo. Du côté des ayants droit, la Ligue de football professionnel, un communiqué général transmis à franceinfo rappelle son combat inlassable contre le piratage des contenus sportifs.

Parmi les acteurs historiques de la diffusion de la Ligue 1 en France, un cadre dirigeant accepte néanmoins de nous parler, mais il souhaite rester anonyme. Sa lecture du marché est plutôt pessimiste.Ce piratage finira par tuer un écosystème entier », a-t-il déclaré. il explique.Les clubs sont trop dépendants des droits TV, en moyenne entre 60 et 70%, quand c’est beaucoup moins dans le rugby. Les présidents sont mécontents parce que la Ligue leur a promis beaucoup d’argent et ils ont le sentiment qu’on leur a vendu un écran de fumée, continue ce cadre. Quant au fan et consommateur de football, pour la quatrième fois en six ans, l’opérateur change malgré la promesse du contraire. Résultat : tous ceux qui veulent voir leur club à tout prix et ont besoin de ce feuilleton hebdomadaire auquel ils sont habitués depuis des décennies, continueront à se tourner vers des solutions de contournement, comme le piratage, à mon avis.

Toujours selon ce haut dirigeant, «« Même les gens moyennement agiles d’un point de vue numérique ont les clés pour pouvoir obtenir la diffusion des matchs sur des sites étrangers. Le supporter ne se soucie pas de la qualité du commentaire. Il est prêt à suivre le match sans le son. Mais surtout, ce qui risque de se produire, c’est une forme de désaffection générale pour la Ligue 1 et un intérêt croissant pour les matchs européens », tacle-t-il.

« La L1 n’est clairement pas dans le top 5 des championnats européens. Elle a peut-être vécu au-dessus de ses moyens. »

Un cadre dirigeant, acteur historique de la diffusion de la Ligue 1

à franceinfo

Et pour conclure : « C’est un peu comme la fable de La Fontaine ‘La Grenouille et le Bœuf’. Et aujourd’hui, la ligue est plus proche de la grenouille que du bœuf. »

Selon lui, l’objectif commercial communiqué par DAZN (1 à 1,5 million d’abonnés d’ici février) est inatteignable. Et pour cause, selon ses informations, le dernier diffuseur de la Ligue 1, Amazon Prime, n’a jamais dépassé le million d’abonnés, mais tournait plutôt autour des 600 000 abonnés avec engagement.

Dernier point important : bloquer l’accès aux sites de streaming qui diffusent du football coûte de l’argent. La Fédération française des télécoms ne souhaite pas préciser ce chiffre confidentiel. Mais cette facture, rappelle-t-elle, est en partie supportée par les ayants droit. C’est bien la Ligue de football professionnel, délégation de service public, qui paie la lourde facture de la lutte contre le piratage.Nous ne sommes pas des acteurs du marché des droits sportifs, explique Romain Bonenfant, directeur général de la Fédération française des télécommunications. Ce n’est pas à nous de juger, mais nous voyons bien que le développement d’une offre légale pertinente, au juste prix, qui réponde aux attentes des consommateurs, est évidemment un élément essentiel dans la lutte contre le piratage. La lutte contre le piratage nous coûte évidemment de l’argent en investissement. Il faut savoir qui paye pour cette lutte et chacun doit prendre ses responsabilités. »

francetvinfo

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.

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