PJ Harvey, The Offspring, Pixies… Les moments forts (et les moments faibles) du millésime 2024
Un marathon de 92 concerts en cinq jours ! Le festival parisien s’est achevé ce dimanche 25 août, alternant prestations de très bonne facture et prestations parfois un peu poussives. Notre résumé des moments les plus marquants.
Publié le 26 août 2024 à 10h54
Mis à jour le 26 août 2024 à 17h34
Cinq jours. Jamais le traditionnel festival parisien n’avait duré aussi longtemps. Une édition, à l’affluence forcément record (182 000 spectateurs au total) qui s’est ouverte et clôturée avec deux reines, Lana Del Rey qui a triomphé en majesté, et PJ Harvey, s’imposant pour la troisième fois sur le site, impériale et intransigeante comme toujours. Pour le reste, les puristes auront trouvé leur bonheur (et même leur bonheur avec les Irlandaises déchaînées de The Scratch), malgré la présence de machines plus ou moins grosses servant essentiellement à faire vibrer un large public qui ne demande que ça : participer à une ferveur collective, semblable à celle des JO. Retour sur quelques moments choisis.
Le Dorothée Rock Club
Si le mercredi, avec Lana Del Rey, était le jour des jeunes filles en fleurs et en pleurs, le jeudi était celui des enfants. En avait-on déjà vu autant, avec une moyenne d’âge de 14 ans, souvent flanquées de leurs parents, affichant fièrement leur tee-shirt ? Peau de manequin Rose ? De quoi piquer encore plus la curiosité de voir le phénomène italien, qui s’est illustré en remportant l’Eurovision en 2021, devenir la sensation planétaire du hard rock mélodique qui ne se prive d’aucun cliché du genre, du look sexy et tatoué aux postures les plus éculées, en passant par le solo de basse ! Le groupe avait suscité une polémique sur une possible prise de coke en live à l’Eurovision, ce que le beau bad boy chanteur s’était empressé de démentir. Ainsi, à l’heure où le genre est jugé ringard et dépassé, le groupe de rock le plus populaire du moment en serait son ersatz ou sa – inoffensive – caricature absolue. Le symbole de ce qu’est devenu le festival lui-même, à travers son gigantisme ? – HC
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La bouffée d’air frais
Il a fallu un nez à la tête pour jeudi soir Le Scratch, champions d’un mélange improbable de hard rock et de musique traditionnelle irlandaise, aussi amusant qu’effrayant sur le papier. Au programme jeudi soir entre les prometteurs Californiens de Détruisez les garçons et le très grand battage médiatique français de Les moines psychotiquesils étaient loin d’être favoris. Et pourtant. Les premiers ont livré côté énergie communicative, moins dans l’écriture de chansons mémorables. Le chaos sonore des seconds a eu du mal à faire hocher la tête à un public pourtant déjà conquis. Restaient donc les quatre Dublinois, qui ont réussi en quelques secondes à enflammer la scène Firestone, la plus petite du festival. Et à apporter un peu de chaos à une grande fête parfois bien plus civilisée que le rock. Battant le rythme sur un mélange de planches et de grosses caisses, accompagné de guitares acoustiques mais saturées, le chanteur Daniel Lang a entraîné le public dans une ronde infernale et joyeuse. On n’en voudra même pas à celui qui nous a balancé un soda au visage dans un mouvement de joie. – TR
Le temps des créateurs d’ambiance
Qu’est-ce qui rend heureux un festivalier ? La qualité musicale d’un concert ? Pas sûr. Plutôt la présence sur scène d’un hôte de qualité. Car il semble que la majorité du public n’aime rien tant que se faire dire quoi faire, comme lors d’une séance d’aquagym lors d’un séjour à l’hôtel. tout compris. Le toujours hilarant Urticaireles survivants baggy Kasabien ou les vieux voyous néo-punk deProgéniture (contrairement à Tue Les artistes à bout de souffle l’ont bien compris. En bons amuseurs publics, ils bougent sans arrêt, haranguent la foule en permanence (les sempiternels « faites du bruit Rock en Seine », « levez les bras, frappez des mains », « chantez ouah ouah ! »), la flattent bassement (ces « vous êtes la plus belle, la meilleure, etc. » qu’ils servent soir après soir, où qu’ils se produisent), l’invitent à participer activement, jusqu’à parfois monter le spectacle à leur place. C’est ce qu’on appelle avoir de l’expérience, à défaut d’imagination et d’idées nouvelles – musicales ou autres – à proposer. Et ça marche à tous les coups. – HC
Le percussif
Que faut-il retenir de la soirée de vendredi ? D’abord, que la plupart des groupes électro ont invité un batteur. Mais chez les Anglais Jungle – dans un esprit disco-house, avec le « kick » de grosse caisse sur chaque temps – ou avec leur compatriote Encore Freddans une veine le plus souvent drum’n’bass, l’homme à la batterie n’apparaît que comme simple accompagnateur. Rien à voir avec les frères belges David et Stephen Dewaele, alias Cire d’âme, qui se présentent accompagnés de trois batteurs, dont Iggor Cavalera – ce dernier a cofondé le groupe brésilien de trash metal Sepultura. Chez Soulwax, également soutenus par la chanteuse Laima Leyton et le bassiste-chanteur Steffan Van Leuven, ils attirent toute l’attention. Krautrock, post-punk, synthpop, techno… une leçon de musique à couper le souffle ! – PE
Les Indestructibles
Tenant bon dans leurs bottes, fidèles à leur vision esthétique et artistique originelle, quelques rares groupes pérennes s’interdisent de tomber dans le racolage et la démagogie pour ne vivre que de l’art de flatter l’instinct premier des grandes foules festives. Sleater-Kinney Et Blonde rousse sont parmi eux, s’appuyant, comme l’icône PJ Harvey, uniquement sur leur musique, limitant les adresses au public au strict minimum (un simple « merci » leur suffit, à nous aussi). Quitte à être moins fédérateurs, ces deux dignes survivants du rock alternatif des années 90, toujours créatifs, ont livré des sets impeccables d’une rigueur et d’une intensité sobre. Presque une anomalie aujourd’hui. Qu’ils soient bénis. HC
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Les « reines de la danse »
L’un est breton, l’autre irlandais, et tous deux ont su transformer dimanche la scène Cascade en club grâce à leurs chansons qui puisent profondément dans la culture électro, dans des lieux différents, certes, mais avec le même plaisir fou de danser. Zaho de Sagazan privilégie la rigidité techno de Kraftwerk qui jouait, il y a exactement deux ans, au même endroit (elle garde un excellent souvenir de leur concert, confie-t-elle au public) quand Reine Murphy préfère les ondulations de la Northern Soul et de la house music qui alimentent sa pop aux influences funk. Yeux bleus perçants, cheveux blonds, sourires charmeurs, ces reines de la danse partageaient le même objectif, tenir la foule entre leurs mains au terme des quarante-cinq minutes imparties à un concert de festival. Un pari réussi, malgré une fatigue palpable chez Zaho de Sagazan que son jeune âge fait voler en quelques chansons. Arrivée silencieuse au piano, elle termine à genoux et un L’amour moderne pour faire chavirer le public, tout conquis par son charme. Plus transgressive, volontiers vénéneuse, la méthode Murphy était aussi imparable, nous emmenant de remix en extravagances vestimentaires amusantes, jusqu’à l’apothéose : sa bouche grande ouverte, sensuelle, sexuelle, hilarante (elle a failli sortir son fil dentaire), filmée en gros plan sur écran géant par une webcam qu’elle finit par avaler au rythme d’un classique de la house music, Baiser français, par Lil’Louis… Il fallait oser, Róisín l’a fait. – OdP
Ceux en acier inoxydable
On l’avait autant aimée en octobre 2023 à l’Olympia, qu’à l’excellent festival Primavera de Porto, en juin. Ample robe de prêtresse animiste, gestes théâtraux et habités : PJ Harvey nous aura encore une fois envoûté dimanche soir, en enchaînant les perles de son très bel album dernier, Je suis à l’intérieur de la vieille année en train de mourir, et des classiques comme Cette terre glorieuse Ou Au bord de l’eau. L’Anglaise, accompagnée entre autres du fidèle John Parish, fait décidément partie de ces artistes dont la grâce semble éternelle. On voudrait dire la même chose de la Les lutinsqui lui succéda. Malgré le plaisir intact d’entendre Voici ton homme Ou Le singe est allé au paradis, La voix de Frank Black était laborieuse, les autres musiciens effacés, le son alourdi par une grosse caisse baveuse. La banalité des morceaux plus récents n’aidait pas à faire bouger les choses. Ce qui a vite réglé le problème. Système audio LCDqui a clôturé cette dernière soirée. Le visage fermé, affecté par la mort d’un ami proche, le restaurateur Justin Chearno, qu’il évoque à plusieurs reprises, le chanteur, James Murphy, a pourtant dirigé ses sept musiciens avec passion. Explosif Danse toi-même Clean au mélancolique New York je t’aime mais…, Les Américains nous ont fait passer par toutes les émotions, sans jamais oublier de nous faire danser. Infaillibles, en toutes circonstances. – TR