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PJ Cops : Recherche désespérée de jeunes enquêteurs

PJ Cops : Recherche désespérée de jeunes enquêteurs

La question a été jetée comme une bouteille à la mer. « Y a-t-il parmi vous qui souhaitent mener une enquête ? » Depuis les bancs de l’amphithéâtre de l’académie de police de Rouen-Oissel (Seine-Maritime), seules quelques mains se sont levées, timidement.

« Ce n’est pas grand-chose, mais il y a de l’espoir… »lâche, fataliste, Commandant Myriam MP.

En se jetant ce jour-là, avec ses collègues du service interministériel de police judiciaire (SIPJ) de Rouen, devant plus de 200 étudiants casques bleus pour rédiger l’article du « Maison pyjama »le chef de la brigade financière se doutait qu’elle n’aurait pas la vie facile.

Car s’ils ont rarement été autant célébrés dans la littérature ou à l’écran, les flics qui traquent les tueurs en série, les trafiquants de cocaïne ou les escrocs en tout genre n’inspirent plus les rêves des jeunes générations de policiers.

« Ici, les jeunes veulent d’abord être sur le terrain, pas gratter du papier »résume sans détour un formateur de l’académie de police d’Oissel.

A Rouen comme ailleurs, les heures de clandestinité, le travail minutieux des écoutes téléphoniques et les contraintes d’une procédure toujours plus complexe font peur. Au point que recruter de jeunes enquêteurs s’avère de plus en plus difficile.

« Leur sentiment, c’est qu’en PJ, on n’a plus de vie »résume la commissaire Caroline Ravoux, jeune numéro 3 du SIPJ. « Il y a moins d’intérêt pour la justice, donc peu de candidats. Tous ceux qui viennent n’ont pas la même motivation. Et très vite, un certain nombre d’entre eux repartent. ».

Alors, régulièrement, les PJistes s’arrachent quelques heures à leurs dossiers pour faire quelques devoirs à l’école dans l’espoir de susciter quelques vocations. Chacun avec sa propre méthode.

« Putains de flics »

Plus de trente ans de PJ sous l’horloge, Myriam MP ouvre le bal en présentant sa boutique, la « financier ». Escroqueries, corruption, blanchiment d’argent, saisie d’avoirs criminels. « Ma division paie »dit-elle, « 5,67 millions d’euros en 2022 ! »

Son public semble s’assoupir, alors une nouvelle question pour chacun : « Est-ce que quelqu’un veut un jour faire de la finance ? » Un silence cuisant.

« Je fais de la finance depuis 1996 et c’est une passion »insiste le commandant, tentant de dissiper les idées reçues. « Ce n’est pas difficile, si vous comprenez ce qu’est le délit de fraude, vous êtes compétent ».

Le flambeau passe à la brigade criminelle. Son patron, Nicolas, met le public debout en évoquant quelques dossiers terroristes que son groupe a traités : attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray en 2016, assassinat de Samuel Paty en 2020.

PJ Cops : Recherche désespérée de jeunes enquêteurs

« Ceux qui viennent chez nous sont des policiers, point barre. Pas besoin d’avoir un parcours particulier, l’envie suffit”il rassure, « Vous pouvez faire une belle carrière, une belle carrière chez nous ».

Avec Elodie, changement de registre. Vingt-trois ans de maintien de l’ordre ont commencé au bas de l’échelle jusqu’à son Graal, le « crime », il y a six ans. Pleine d’énergie et d’insolence, elle prend le public à bras-le-corps.

« À la PJ, nous sommes des rabatteurs de papier, nous pouvons rédiger des centaines de rapports sur une même affaire mais nous sommes aussi des putains de flics ! »engage l’enquêteur.

Il n’est pas question de cacher les aspects les plus rébarbatifs de son  » emploi « . Bien au contraire.

Confrontation à une violence extrême ? « Sur les scènes de crime, il faut huit à douze heures de travail pour réaliser correctement toutes les constatations. Vous pataugez un peu dans le sang ? C’est une réalité. Mais je le fais parce que j’aime ça.provoque le brigadier.

« Travail bien fait »

Heures prolongées? « Oui, nous travaillons parfois de soixante à soixante-dix heures par semaine. Mais je n’ai pas choisi la police pour faire un travail comme les autres »plaide-t-elle. « C’est dur, mais c’est ce qui nous motive ».

Illustration par exemple, son patron détaille une affaire rapidement résolue par son équipe.

LE « Meurtre dans le jardin de l’hôtel de ville » de Rouen, en septembre 2019. Un homme de 47 ans battu à mort à coups de poing, de pied, de bouteille…

Nicolas ne néglige aucun effort. De la scène du crime « avec du sang partout » au travail patient effectué par ses enquêteurs en matière de téléphonie et de vidéosurveillance, qui a permis l’interpellation d’un suspect.

Ce jeune de 17 ans, qui risquait la perpétuité, a finalement été condamné en juin 2022 à seize ans de prison. Sous « l’excuse de la minorité »précise Nicolas.

« Aaaaahhh »la salle rugit.

« On ne mesure pas l’efficacité de notre travail à la sentence prononcée »corrige immédiatement le patron du « crime ». « Nous avons fait notre travail, l’auteur a été identifié, arrêté et jugé. Après, c’est l’affaire des juges.».

Pour aiguiser un peu plus les appétits, d’autres enquêteurs du SIPJ rivalisent alors d’anecdotes sur les dernières arnaques à la mode (phishing, ransomware, arnaque au président…) ou sur la sonorisation des voitures des trafiquants de drogue.

Fin de la présentation. Tenace, Myriam MP tente une dernière fois sa chance. « Alors, toujours pas de candidat pour le financier ? » Rien. « Or, la drogue est un business, et donc financier… »

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