La vague tahitienne, l’une des plus dangereuses au monde, a été un temps interdite aux femmes mais la récente manifestation de la Française, deux mois avant son retour aux Jeux, démontre qu’elles y ont leur place.
La semaine dernière, la houle était au rendez-vous lorsque les organisateurs de la World Surf League (WSL) ont lancé les meilleurs du monde dans des rouleaux de plus de trois mètres s’écrasant sur des coraux élancés.
De série en série, la locale de l’étape Vahine Fierro, 24 ans, a enchaîné les tubes avec courage, malgré une planche cassée en demi-finale et de nombreuses chutes dans le lagon, jusqu’à la première victoire historique d’un Tahitien sur l’avenir. Place olympique. « Un rêve d’enfant » pour celui qui représentera la France aux Jeux Olympiques, mais surtout l’aboutissement d’un processus « très positif pour le surf féminin. Nous voulions tous surfer aujourd’hui et la WSL nous a écouté, j’en suis très content. C’est dans ces conditions qu’on va se pousser, qu’on va tomber, réessayer et montrer qu’on est capable de surfer sur Teahupo’o.s’est réjoui le champion.
Un changement des mentalités
Entre 2006 et 2021, seuls les hommes pouvaient se démarquer sur la vague, les organisateurs invoquant sa dangerosité. Le lobbying de stars comme Carissa Moore et Tatiana Weston-Webb permet depuis trois ans le retour des femmes. Les journées les moins mouvementées sont encore souvent utilisées pour les séries féminines. Ce n’était pas le cas la semaine dernière : lorsque la Brésilienne Weston-Webb a signé la première vague notée 10 de l’histoire pour une femme à Tahiti, elle sortait d’un « bombe » environ trois mètres. « On voit bien que les femmes ont beaucoup progressé ces dernières années, quand on leur a donné de la visibilité »» estime la quintuple championne du monde hawaïenne et championne olympique en titre Carissa Moore. « Aux Jeux Olympiques, ce sera la même chose, ce sera une excellente façon de montrer notre surf et ce dont nous sommes capables. »
Beaucoup de choses ont évolué depuis les années 2000 pour permettre aux femmes « Mâchoire Hava’e ». En 2018, le WSL a instauré l’égalité pour les « prix en argent » distribué. Les planches, l’accompagnement et la préparation des surfeurs se sont améliorés. « On constate une progression encore plus rapide chez les jeunes »constate la Française Johanne Defay, 30 ans et actuelle numéro 4 mondiale. Et la mentalité a changé. « Je me suis construit en me disant : si je veux être champion du monde, je dois aller surfer à Huntington Beach (Californie), dans des vagues un peu plus petites, un peu plus douces, moins dangereuses »Defay se souvient.
Les gars étaient sympas, c’étaient mes amis, mais un peu machistes, alors quand je réussissais quelque chose, je n’hésitais pas à le signaler
Annick Paofaï
Bien avant la création de la tournée professionnelle, Annick Paofai fait partie de celles qui ont ouvert la voie aux jeunes Tahitiennes en apprivoisant les tubes autour de l’île au milieu des années 1960. « Sur l’eau, c’était drôle parce que j’étais vraiment la seule fille avec plein de mecs », raconte l’ancien surfeur de 72 ans, gérant d’une pension à quelques kilomètres de Teahupo’o. Sur un tableau « la taille d’un paquebot »elle a notamment apprivoisé la place Papara dans un univers très masculin, avant d’être rejointe par d’autres pionnières.
« Les gars étaient sympas, c’étaient mes amis, mais un peu machistes, donc quand je réussissais quelque chose, je n’hésitais pas à les interpeller »rigole Paofai, choisie pour porter la flamme à Teahupo’o, où elle a surfé pour la dernière fois en 2002. Entre Paofai et Fierro, de nombreux champions se sont affrontés « le mur des crânes »nom littéral de Teahupo’o, qui exige le meilleur de chacun. « Cette vague est difficile à surfer pour n’importe qui, homme ou femme »résume Keala Kennelly, Hawaïenne qui a remporté plusieurs fois la compétition féminine début 2000 : « Elle ne se soucie pas de votre sexe et vous détruira si elle le veut ».