« C’est une si belle histoire humaine qui s’est terminée en désastre. »Sandra Sarrouy, ancienne vendeuse chez Camaïeu dans le magasin de Millau (Aveyron) et déléguée CFDT, ne cache pas son émotion. Deux ans que l’enseigne de prêt-à-porter féminin Camaïeu a été placée en redressement judiciaire. Mais la plaie reste ouverte : « Ce n’est pas seulement un licenciement. Votre entreprise n’existe tout simplement plus. C’est tout un pan de votre vie professionnelle qui s’effondre. » Après trente années passées dans la boutique Camaïeu, Sandra a dû rebondir professionnellement. Comme beaucoup des 2 600 salariés licenciés, dont beaucoup avaient plusieurs dizaines d’années d’ancienneté.
« C’est compliqué de rebondir à 53 ans »
« Bien sûr, on peut trouver du travail. Mais ce ne sont pas forcément des emplois adaptés aux personnes de mon âge », regrette Sandra. Missions temporaires de manutention, cueillette de fleurs dans les monastères… Après Camaïeu, l’ancienne vendeuse enchaîne les petits boulots, parfois difficiles, dans des secteurs bien différents du prêt-à-porter : « C’est compliqué de rebondir à 53 ans, surtout quand on aime son métier. Un employeur m’a dit un jour qu’il ne voulait pas de gens de mon âge parce qu’on n’apprend pas assez vite. » Suivre une formation dans le cadre du plan de protection de l’emploi ? « À mon âge, cela n’aurait rien changé » souffle-t-elle. En septembre, heureusement, ce sera le retour aux ventes pour Sandra : de Camaïeu, la quinquagénaire s’installera chez Kiabi, dans un nouveau magasin que l’enseigne ouvre à Millau. « Un poids en moins sur vos épaules. »
« Au cours des neuf premiers mois qui ont suivi la liquidation en septembre 2022, 473 salariés sur les 1 987 en CDI licenciés ont retrouvé un emploi », « Nous avons besoin d’un plan de restructuration pour accélérer la restructuration de l’entreprise », rapporte Michaël Aras, le mandataire judiciaire en charge de la liquidation de l’enseigne. Selon lui, plus de 400 salariés ont également suivi une formation en vue d’une reconversion dans des secteurs aussi divers que le management, les ressources humaines ou les soins de beauté. Mais au 12 juillet, près de la moitié des ex-salariés de Camaïeu étaient au chômage.
« Moralement, ils ne nous respectent pas »
Parmi elles, Bénédicte Vallérian, ancienne vendeuse du magasin de Dunkerque. Elue au comité social d’entreprise (CSE), elle est arrivée au terme de son contrat de sécurité professionnelle en mai 2024. Avec vingt ans d’ancienneté dans le magasin, la quinquagénaire s’est retrouvée, comme toutes les autres, « sur le sol à quelques trimestres de la retraite. » Et sans aucune perspective de reconversion : « J’avais mis toute mon énergie à essayer de sauver l’entreprise, donc ma priorité n’était pas de trouver un emploi. » Bénédicte s’est réinscrite à France Travail, et si elle évoque des projets pour la rentrée, « Rien n’est encore certain. »
Dans ce contexte, difficile de se réjouir du « retour » de Camaïeu. Du moins du relancement de la marque par la chaîne Celio, qui prévoit de faire évoluer ses magasins pour une nouvelle ligne « be Camaïeu », sans ouvrir de nouveaux magasins, sauf en marge. « Peut-on parler de retour alors que 2 600 personnes ne retrouveront pas leur emploi ? C’est une gifle pour chaque salarié licencié », a-t-il ajouté. dit Bénédicte. « Moralement, ils ne nous respectent pas », ajoute Sandra. Pour l’ancienne vendeuse, l’annonce n’est pas loin d’être faite « couché » : « Ce n’est pas la renaissance de Camaïeu, c’est une société complètement nouvelle. Ils ont seulement acheté le nom. Camaïeu, c’est fini. »