En tant que catholique, je me sens très en difficulté. Non pas que je n’ai pas de directives claires. Mais parce que mon Église traverse une crise morale extrêmement grave – abus sexuels et violences en son sein – remettant en question sa légitimité à s’exprimer. Mais je peux essayer de prendre la question autrement : en regardant en face cette réalité tragique et scandaleuse et en essayant modestement d’y remédier, qu’entendre face à des choix politiques cruciaux ?
Ce que nous avons appris de ces crimes, de ces drames, des traumatismes parfois interminables des victimes, c’est que les abus reposent souvent sur des tours de passe-passe. Il fait croire ce qui n’est pas, notamment que le mal est le bien. Il hypnotise sa victime comme une grenouille plongée dans une casserole d’eau froide sous laquelle on fait lentement monter la température. La maltraitance est basée sur des mensonges déguisés en vertu.
Il y a au cœur des programmes et des discours de l’extrême droite, notamment dans le « nouveau front populaire », cette même manipulation des consciences par l’abus de langage. Montez-vous les uns contre les autres, désignez un bouc émissaire. Profitant de la pauvreté bien réelle, du sentiment très charnel de dévalorisation et de mépris, de la peur bien fondée pour beaucoup de ne pas arriver à joindre les deux bouts, à subjuguer, à jouer aux prestidigitateurs alors qu’ils sont faiseurs de mirages, pire, de désastres. . En tant que chrétien, je ne me résoudrai pas à voter pour des candidats clairement xénophobes ou pour un parti affichant de l’antisémitisme.
Le mirage du raccourci
Nos communautés religieuses en France vivent quotidiennement une dimension internationale du nord au sud. Cela demande de l’apprivoisement, du respect, de la pudeur, de la pudeur, du désir d’altérité, du refus des barrières. Mais aussi la joie de se rencontrer, de découvrir que la vérité ne peut se chercher qu’ensemble, en honorant chacun. Rien ne va de soi. Mais faire de la place est une opportunité pour tout le monde. Pas l’endroit entier, mais juste un endroit réel. Ce qui n’enlève rien au mien. Ces toutes petites expériences de rien du tout nous apprennent malheureusement une chose : sans considération fondamentale, seules la violence et la méfiance auront leur place.
Un deuxième élément me frappe et m’étonne : le mirage du raccourci. Mécanisme diabolique s’il en est : « Il suffit de le faire ». Piège absolu pour l’intelligence et la décision. Discours coupable de la part de trop d’hommes politiques, aujourd’hui surtout de la part des partis extrémistes. Le raccourci est un piège pour la raison, la justesse, la recherche de la vérité et du meilleur. Un piège pour la réalité elle-même, une pensée incapable de considérer le contexte et sa complexité. L’intelligence doit découper, diviser et isoler, mais aussi connecter et recomposer. Pour que chacun et ensemble nous puissions décider, nous orienter.
Le malheur des autres
Alors en cette période difficile et décisive pour notre société, pour les plus modestes d’entre nous, les plus marginalisés, il reste une voie, je crois, celle proposée par le grand philosophe Souleymane Bachir Diagne. Il raconte que lors des funérailles de Nelson Mandela le 15 décembre 2013, le président Barack Obama avait déclaré que le plus beau cadeau qu’il avait laissé à l’humanité était « Ubuntu ».
Un mot bantou bien banal qui signifie que notre humanité se construit dans la relation, dans la réciprocité que nous construisons ensemble. Il a éloigné l’Afrique du Sud de la logique tribale et c’est de cela dont il s’agit. Aujourd’hui, dans notre vieux pays, sur ce vieux continent, c’est nous qui risquons de nous « tribaliser » dans cette montée des nationalismes et des appartenances identitaires fermées conduisant à la haine et au ressentiment. Personne ne fera son bonheur à partir du malheur des autres.
La logique de l’Évangile est celle de l’universalité : Jésus a aimé tout le monde, à commencer par les plus éloignés à leurs yeux et à ceux de la tradition. C’est à travers eux que l’Évangile s’est répandu.
« Chaque homme porte toute la forme de la condition humaine. » (Montaigne)