Nouvelles locales

Pendant ce temps, aux Pays-Bas, « l’unité nationale » prend le dessus

Ce n’est pas seulement en France que les intellectuels, les artistes et les politiques de gauche crient au scandale face à l’horreur que représenterait un gouvernement « d’extrême droite ». Aux Pays-Bas aussi, ils sont dans le plus grand désarroi, car le peuple a ignoré ses consignes de vote « antifascistes » aux élections législatives de 2023.


Témoin de l’entrée en fonction, ce mardi 2 juillet, de la très droite coalition gouvernementale issue des urnes. Un gouvernement qui porte la griffe, mais pas le nom, de M. Geert Wilders. Le champion néerlandais de l’anti-immigration est considéré comme trop clivant pour être Premier ministre, poste auquel son succès électoral lui donne pourtant droit.« Voici le gouvernement de la honte nationale ! » a tonné l’autre jour un professeur de l’Université d’Amsterdam, Thomas von der Dunk. Et pour énumérer longuement, dans le journal CNRCles dangers qui, selon lui, pèsent désormais sur la démocratie néerlandaise. La liberté d’expression, de la presse, les libertés académiques et culturelles seraient gravement menacées. L’indépendance de la justice, l’Etat de droit et les « minorités ethniques » seraient également touchés, selon lui. Selon M. Von der Dunk, la théorie du « grand remplacement » guiderait les pas du gouvernement du nouveau Premier ministre Dick Schoof, ancien chef des services de renseignements. Un autre professeur, cette fois de l’université de Leyde, n’avait pas craint de faire un parallèle entre l’atmosphère politique aux Pays-Bas et celle régnant en Allemagne en 1933… Un de ses collègues prédit un régime autoritaire calqué sur le modèle hongrois, comme « preuve » de l’amitié entre M. Wilders, dont l’épouse est hongroise, et le Premier ministre hongrois Viktor Orbán… Un autre universitaire encore a noté « préférences raciales » sur les affiches électorales du Parti pour la Liberté (PVV) de M. Wilders, « ne montrant que des Hollandais hyper-blancs »Un reproche étrange qui accable pourtant M. Wilders, un homme de ce qu’on appelait autrefois « sang mêlé », indonésien et hollandais.

Le « vivre ensemble » sonnait

On a beau chercher, dans les projets de la coalition quadripartite (PVV-VVD-NSC-BBB), aucune atteinte aux libertés fondamentales n’apparaît. Même s’ils le voulaient, la Constitution empêcherait Wilders et compagnie de le faire. Le Conseil d’État néerlandais, équivalent du Conseil constitutionnel, y veillera aussi. Les surdiplômés en alerte antifasciste prennent donc le peuple pour des ignorants. Mépris de classe de ce que M. Wilders appelle la gauche aigrie ? Mais ne nous moquons pas (trop) d’eux et faisons preuve d’un minimum de compassion envers ceux dont les opinions lénifiantes sur l’immigration étaient partagées par une bonne partie des médias néerlandais. Et ce depuis plusieurs décennies, au point qu’imposer le multiculturalisme et le vivre-ensemble a pris des allures de doctrine d’État.

A lire aussi, Lucien Rabouille : Nicolas Conquer : le syndicat national « made in Normandie »

Avec le gouvernement Wilders-qui-ne-dit-pas-son-nom, il y a en effet un parfum de revanche dans l’air, marqué par la fin de l’hégémonie culturelle de la gauche communautariste et de ses alliés de la droite molle. Celle-ci est personnifiée par le Premier ministre démissionnaire M. Mark Rutte, qui a gouverné pendant près de 14 ans d’affilée avant d’être récemment nommé secrétaire général de l’OTAN. Son règne a vu les populations indigènes des grandes villes néerlandaises se rétrécir comme du cuir de galuchat au profit des immigrés non européens et de leurs descendants, désormais majoritaires. Ce qui avait conduit à plusieurs reprises les parlementaires du parti de M. Wilders à fustiger le « grand remplacement », bravant ainsi un tabou dans le petit monde politico-médiatique. Parmi ces politiciens détestés, on retrouve… la nouvelle ministre de la Migration et de l’Asile, Mme Marjolein Faber. Laquelle, dans un passé récent et en tant que députée du parti PVV, avait accusé M. Rutte de ne rien faire contre l’immigration nord-africaine et de dérouler ainsi une « agenda de l’antisémitisme, du terrorisme et du grand remplacement de la population néerlandaise ». En néerlandais, le mot omvolkingchanger les gens, résume en gros la définition de Renaud Camus. Mme Faber s’était également illustrée en menant une manifestation contre le maire de la ville d’Arnhem, M. Ahmed Marcouch, né au Maroc. Le nouveau ministre a déployé une banderole avec les mots « Pas d’Arnhemistan, nous perdons notre pays ! »

La gauche néerlandaise ne va visiblement pas cesser d’avaler des mensonges. Car la nouvelle ministre du Commerce extérieur et de l’Aide au développement, Mme Reinette Klever, défend elle aussi depuis longtemps cette théorie du grand remplacement. En tant que parlementaire du PVV, elle s’est également illustrée en dressant un hit-parade des étrangers qui, selon elle, commettaient des fraudes à l’assurance maladie. Les personnes originaires des Antilles néerlandaises seraient les champions incontestés en la matière, suivies des Marocains, des Turcs et des Surinamiens. Des étrangers qui, avec d’autres migrants et demandeurs d’asile, coupables en outre, selon la désormais ministre, « inonder le pays d’un tas de maladies exotiques ». Notons cependant l’esprit de compromis de la ministre de l’Aide au Développement ! Car cette fameuse Aide, il y a quelques années à peine, elle a voulu la supprimer en raison de son inutilité supposée et des possibilités de fraude ou de corruption dans les pays qui en sont les bénéficiaires…

La dernière provocation de M. Wilders

Peu avant leur installation, devant des parlementaires généralement hostiles, Mesdames Klever et Faber avaient pris leurs distances avec ce mot célèbre, omvolkingavec des connotations trop sulfureuses voire nazies, en le remplaçant par « Des évolutions démographiques inquiétantes »Un geste d’apaisement envers les parlementaires qui se sont récemment constitués en Inquisition linguistique en Hollande. Le nouveau vent réactionnaire qui souffle sur les Pays-Bas est aussi personnifié par le président de la Chambre basse du Parlement, M. Martin Bosma, l’intellectuel maison du PVV. Ce pourfendeur du « racisme anti-blanc », lorsqu’il était député, voit d’un mauvais œil les cérémonies annuelles autour de l’abolition de l’esclavage dans les anciennes colonies néerlandaises. Son parti exige aussi la révocation des excuses officielles pour l’esclavage, prononcées l’an dernier par le roi Willem-Alexander. Rien d’étonnant alors, que les immigrés des anciennes colonies aient exigé et obtenu que M. Bosma ne soit pas présent le 1er juillet lors de la commémoration de l’abolition, bien que son statut l’y oblige. Pour taquiner l’indignation perpétuelle du passé colonial néerlandais, M. Wilders a proposé sur X de remplacer M. Bosma, et de prendre la parole à la cérémonie d’Amsterdam… Ce qui aurait sûrement dégénéré en émeutes dans la capitale, qui compte un important quartier noir. M. Wilders devra s’abstenir de telles provocations à l’avenir s’il veut maintenir ensemble « sa » coalition, qui a promis de diriger « la politique d’asile et d’immigration la plus stricte jamais vue aux Pays-Bas »Ses partenaires au sein du parti sont les libéraux conservateurs du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD), les chrétiens-démocrates du Nouveau contrat social (NSC) et le Mouvement des citoyens-paysans (BBB). Une députée du VVD a déclaré quelques jours avant sa prestation de serment comme ministre qu’elle « ne tolérerait plus aucune allusion » au fameux grand remplacement. Elle menaçait ainsi implicitement W. Wilders d’une crise… de colère, de larmes ou de gouvernement. Ce n’était pas très clair.

Vous venez de lire un article en libre accès.

Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est le seul garant de son indépendance.

Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
Bouton retour en haut de la page