peine encourue, état des victimes… Cinq questions sur le procès de l’humoriste, jugé pour « blessures involontaires » après un grave accident de la route
Vingt et un mois après avoir percuté de plein fouet une voiture et sous l’emprise de stupéfiants, l’acteur et auteur a comparu mercredi devant le tribunal correctionnel de Melun (Seine-et-Marne).
Pierre Palmade une nouvelle fois sous les projecteurs, mais cette fois ceux de la justice. Plus d’un an et demi après le grave accident de la route qu’il a provoqué sous l’emprise de stupéfiants, l’acteur de 56 ans a rendez-vous au tribunal correctionnel de Melun (Seine-et-Marne) mercredi 20 novembre. Il apparaît pour « blessures involontaires » et encourt une peine pouvant aller jusqu’à 14 ans de prison et une amende de 200 000 euros. Franceinfo fait le point avant l’audience.
1 Quelles sont les circonstances de l’accident ?
Il était 18h45, vendredi 10 février 2023, lorsque les pompiers ont été appelés pour un accident de la circulation impliquant plusieurs véhicules sur une route départementale, près de Villiers-en-Bière (Seine-et-Marne). Au volant d’une Peugeot 3008, l’acteur Pierre Palmade vient d’entrer en collision avec une Renault Mégane arrivant en sens inverse, avec à son bord trois membres d’une même famille: le conducteur, âgé de 38 ans, son fils âgé de 6 ans et sa belle-sœur âgée de 27 ans, enceinte de six mois. Le choc est frontal, violent. Leur pronostic vital est dans un premier temps compromis.
Le lendemain, le parquet de Melun (Seine-et-Marne) ouvre une enquête pour « homicide et blessures involontaires ». La collision a provoqué la perte in utero du fœtus. Quant aux analyses sanguines réalisées sur Pierre Palmade, elles ont révélé qu’il était négatif à l’alcool mais positif à la cocaïne et aux drogues de substitution. L’expert précise qu’il s’agit de substances dérivées des cathinones, généralement utilisées pour leurs effets stimulants.
2 Pierre Palmade reconnaît-il les faits ?
Le 15 février 2023, au terme de son hospitalisation à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, Pierre Palmade est placé en garde à vue et mis en examen pour « homicide et blessures involontaires par conducteur ayant fait usage de stupéfiants en état de récidive légale » depuis qu’il avait déjà été condamné en 2019 pour acquisition de stupéfiants.
Lors de son premier interrogatoire, l’humoriste a affirmé ne pas se souvenir des faits mais a reconnu sa responsabilité. « Je suis complètement dévastée d’avoir mis la famille en dangerse lamente-t-il. Je suis obsédé par ça, par le bébé qui est mort. Je suis dangereux à cause de la drogue. Je suis un gars sympa, je suis une bonne personne », peut-on lire dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.
Malgré les réquisitions du parquet de Melun, Pierre Palmade évite la prison. Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Melun décide de le placer en résidence surveillée, sous bracelet électronique, dans le service d’addictologie de l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne). Il sera ensuite transféré au CHU de Bordeaux, dans un service de soins de suite et de réadaptation.
L’humoriste est désormais sous contrôle judiciaire, avec interdiction de contacter les victimes, interdiction de conduire et interdiction de quitter la région Nouvelle-Aquitaine. Il est suivi dans un hôpital de jour trois fois par semaine et assiste régulièrement aux réunions anonymes des stupéfiants. Il suit également une psychothérapie depuis septembre 2023, selon l’ordonnance de renvoi au tribunal correctionnel.
3 Pourquoi la justice n’a-t-elle pas retenu la qualification d’homicide involontaire ?
Fin mai, le juge d’instruction chargé de l’enquête a décidé de renvoyer l’artiste devant le tribunal correctionnel de Melun pour « blessures involontaires, aggravées par la prise de stupéfiants », sans toutefois retenir la qualification d’« homicide involontaire » requise par le parquet pour la perte du fœtus.
Un expert médical a conclu que le bébé porté par la passagère enceinte (qui a subi une césarienne suite à l’accident) était décédé avant la naissance et ne pouvait donc pas être légalement considéré comme une personne. « L’état clinique observé chez l’enfant immédiatement après son extraction du corps utérin maternel est clairement et incontestablement celui d’un état de mort constituée : aucune réactivité motrice, aucun mouvement réflexe respiratoire spontané », peut-on lire dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.
La question est au coeur d’un épineux débat juridique :ppourrait-on parler d’homicide dans cette affaire ? Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui date du début des années 2000, la réponse est non. toiUn enfant qui n’est pas né n’existe pas en tant que personne. Un fœtus n’a donc aucune existence légale et sa mort ne peut constituer un homicide involontaire pour l’automobiliste impliqué. « Si l’enfant naît vivant, la qualification d’homicide involontaire peut être maintenue. S’il est mort-né, la qualité de personne, donc la qualification d’homicide involontaire, ne sera pas possible. »confirme à franceinfo Rémy Josseaume, avocat en droit routier.
Quelques heures avant le procès, les victimes continuent de déplorer ce choix de licencier le comédien uniquement pour « blessures involontaires » et non pour « homicide involontaire ». « La mère n’accepte pas cette décision. Considérer que l’enfant à naître n’est juridiquement rien et qu’il n’a aucun droit est une aberration juridique », regrette auprès de franceinfo leur avocat, Mourad Battikh.
4 Que risque Pierre Palmade ?
En raison d’une condamnation en 2019 pour « usage de stupéfiants », Pierre Palmade se retrouve en situation de récidive. Il encourt donc « une peine de 14 ans d’emprisonnement et 200 000 euros d’amende »selon le procureur de Melun, Jean-Michel Bourlès. Si la qualification d’« homicide involontaire » avait été retenue, la peine encourue aurait été de 20 ans de prison.
Les deux passagers qui se trouvaient à bord de la voiture de Pierre Palmade n’ont finalement pas été poursuivis. Les deux hommes âgés de 33 et 34 ans, qui avaient initialement pris la fuite, ont été placés sous le statut de témoin assisté pour « non-assistance à personne en danger ». « A l’issue de l’information judiciaire, il n’existe pas de charges suffisantes retenues contre eux pour avoir commis les faits de non-assistance à personne en danger.peut-on lire dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel. Le premier était « trouvé dans un état de choc après l’accident, ce qui ne lui a pas permis de venir en aide aux personnes qui en avaient besoin. » Le second prétend avoir « s’est enquis du sort des blessés avant de constater qu’ils étaient pris en charge, élément non contredit par les investigations menées ».
5 Comment vont les victimes aujourd’hui ?
« La famille est extrêmement stressée par l’audience, confie Mourad Battikh. Ce sont des gens qui ne connaissent pas l’institution judiciaire. Ils redoutent ce moment et ce monde qu’ils ne connaissent pas. Une peine qui est juste à leurs yeux est une peine où elles seront écoutées, reconnues en leur qualité de victimes. »
Vingt et un mois après le drame, leur « état physique et psychologique » est toujours « assez dégradé ». « La reconstruction sera longue » poursuit l’avocat. « Je ne sais pas quel sera notre avenir pour mon fils et moi. Est-ce que je pourrai à nouveau travailler un jour, est-ce que je resterai dans cet état ? Je ne sais pas, » a expliqué Yuksel Yakut, le conducteur de la voiture percutée, dimanche 10 novembre, interrogé par TF1.
L’homme de 38 ans dit qu’il « j’ai été opéré du ventre, des épaules, des jambes, des pieds », je n’ai plus « sensations sur trois doigts ». « Les médecins m’ont dit que j’aurais des séquelles. (…) « J’ai une douleur si intense que je suis épuisé et j’ai l’impression que mon cerveau va exploser. » il raconte encore.
Quant à son fils de 6 ans, assis à l’arrière de la voiture au moment de la collision, il « ne va pas bien du tout ». En proie à « crises de panique »le petit garçon a a redoublé son CE1. « Il ne veut plus sortir à cause des cicatrices sur sa tête, il souffre constamment », explique son père.
Lui, comme les deux autres membres de la famille seront présents au tribunal mercredi. Quant à Céline Lasek, qui défend Pierre Palmade, n’a pas souhaité s’exprimer avant l’audience.