L’Espagne va-t-elle perdre son Premier ministre ? Pedro Sánchez a annoncé ce mercredi 24 avril, dans une lettre publiée sur X (anciennement Twitter), « réfléchir à » à une éventuelle démission après l’annonce de l’ouverture d’une enquête contre son épouse, Begoña Gómez. « Je dois m’arrêter et réfléchir » afin de décider « si je dois continuer à être chef du gouvernement ou si je dois renoncer à cet honneur », a-t-il écrit, indiquant qu’il annoncerait sa décision à la presse lundi et suspendrait ses activités d’ici là.
Le socialiste est sous pression en Espagne après l’annonce ce mercredi de l’ouverture d’une enquête pour « corruption » et « trafic d’influence » contre son épouse, à la suite d’une plainte déposée par un collectif considéré comme proche de l’extrême droite. Cette enquête préliminaire « contre Begoña Gómez », relatif à « délits présumés de trafic d’influence et de corruption », a été ouverte le 16 avril après une plainte de l’association « Manos limpias » (Mains propres), a annoncé le Tribunal supérieur de justice de Madrid dans un bref communiqué. Il est placé sous le sceau de « secret d’instruction »a ajouté le tribunal.
Selon les médias en ligne Le confidentiel, qui a révélé l’information, cette enquête porte notamment sur les liens de Begoña Gómez avec le groupe touristique espagnol Globalia, propriétaire de la compagnie aérienne Air Europa, à une époque où ce dernier était en pourparlers avec le gouvernement pour obtenir une aide face à la forte baisse du trafic aérien provoquée par la pandémie de Covid. À l’époque, Begoña Gomez dirigeait IE Africa Center, une fondation liée à l’école de commerce de l’Université IE de Madrid, poste qu’elle a quitté en 2022.
« Tout finira par être connu »
Selon Le confidentielIE Africa Centre avait « a signé un accord de sponsoring avec Globalia en 2020 » et Begoña Gomez aurait participé à « une réunion privée avec son PDG Javier Hidalgo au moment où Globalia négociait son plan de sauvetage de plusieurs millions d’euros avec le gouvernement » par Pedro Sánchez. Ce plan a permis à Air Europa de percevoir 475 millions d’euros en novembre 2020, issus d’un fonds de 10 milliards destiné à soutenir les entreprises stratégiques en difficulté en raison de la crise sanitaire. L’entreprise espagnole a été la première entreprise à bénéficier de ce fonds. Des dizaines d’autres ont suivi, dont plusieurs de ses concurrents (Iberia, Vueling, Volotea…).
L’opposition de droite a appelé mercredi le Premier ministre à « donner des explications aux Espagnols »par la voix d’Ester Muñoz, membre de la direction du Parti populaire (PP). « Tout finira par être connu », a prévenu un porte-parole du parti, Borja Semper. Depuis les premières révélations de presse sur cette affaire il y a quelques semaines, le PP n’a cessé de s’en prendre au Premier ministre et à son épouse. « Pedro Sánchez veut paraître calme, mais il est très nerveux »a assuré le leader de cette formation, Alberto Núñez Feijóo, fin mars.
Des accusations juste pour « salir » ?
Interrogé ce mercredi au Parlement, Pedro Sánchez a assuré avoir confiance dans la Justice. « Un jour comme aujourd’hui, après les nouvelles que j’ai entendues, malgré tout, je crois toujours en la justice de mon pays », a-t-il assuré. Plusieurs de ses proches sont intervenus dans les couloirs du Parlement, accusant la droite de manipuler la justice à des fins politiques. Il y a « une stratégie qui consiste à lancer des accusations sans aucun fondement, sans aucune information véridique, sans aucune preuve, juste pour blesser, juste pour salir » Et « diffamer », a dénoncé le président du groupe socialiste à la Chambre des députés, Patxi Lopez. Le PP « utilise une fausse accusation d’une organisation d’extrême droite pour diffamer et lancer des calomnies » envers le Premier ministre, a insisté la numéro deux du gouvernement, Maria Jesus Montero. « Nous ne permettrons pas que ces pratiques trumpistes portent atteinte à la démocratie espagnole »elle a ajouté.
Manos limpias, collectif fondé en 1995, a été à l’origine de plusieurs procédures judiciaires ces dernières années et s’est constitué partie civile dans de nombreux procès pour des affaires de corruption. Il est considéré comme proche de l’extrême droite, notamment en raison de la personnalité de son fondateur Miguel Bernad, ancien leader du parti Frente Nacional, dissous en 1993. Accusé d’être impliqué dans un réseau d’extorsion, ce dernier a été condamné à quatre ans de prison. prison en juillet 2021, mais a finalement été libéré en appel le mois dernier, faute de preuves selon le tribunal.