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payer pour ne pas être mobilisé, l’idée qui agite le pays

payer pour ne pas être mobilisé, l’idée qui agite le pays

L’idée était évoquée depuis plusieurs mois, sans que personne n’ose la mettre directement sur la table. C’est désormais chose faite. Un groupe de députés du parti présidentiel « Serviteur du peuple » a présenté le 13 juin un projet de loi qui, s’il était adopté, permettrait aux entreprises ukrainiennes de payer une taxe mensuelle pour garantir qu’une partie de leurs salariés ne puisse pas être mobilisée au sein de l’armée.

Si un statut particulier d’« entreprise stratégique » permet déjà à certaines entreprises des secteurs du transport, de l’agriculture, de l’énergie et de la défense de protéger une partie de leurs salariés de la mobilisation, la nouvelle loi s’appliquerait à l’ensemble du secteur économique. « Nous ne pouvons pas gagner cette guerre sans une économie qui fonctionne »a justifié Dmytro Nataloukha, l’un des députés à l’initiative du texte.

« Si tu as de l’argent, tu n’as pas à te battre »

Mais son adoption est loin d’être garantie, tant le sujet de la mobilisation est sensible. Ce n’est qu’après de longs mois de débats tendus que le Parlement est parvenu à adopter en avril une loi permettant au ministère de la Défense d’intensifier le rythme de la mobilisation pour remédier au manque d’hommes sur la ligne de défense. front. En cause, la perception d’une mobilisation ciblant avant tout les populations les moins aisées. Un sentiment que cette nouvelle loi allait certainement exacerber, selon ses détracteurs.

« Le projet de loi d’exemption économique mine l’unité sociétale» juge le commentateur ukrainien Serhii Marchenko dans une chronique. Vous pouvez parler de l’avantage d’avoir un informaticien derrière son ordinateur qui gagne de l’argent et paie des impôts, mais en réalité la perception sera la suivante : si vous avez de l’argent, vous n’en avez pas. Vous n’avez pas à vous battre. Si vous n’en avez pas, vous serez mis dans un van (et mobilisé). »

Cette loi trouve son origine dans la contestation croissante des entreprises, qui voient depuis deux ans leur masse salariale rongée par l’effort de guerre. Plusieurs représentants du transport routier ont tiré la sonnette d’alarme en mai, évoquant un risque « effondrement » causée par le manque de main d’œuvre. Le ministre de la Transformation numérique Mykhaïlo Fedorov s’est même précipité au secours des entreprises de son secteur, assurant que « spécialistes des entreprises innovantes et technologiques (…) doivent être exemptés pour que ces entreprises puissent continuer à contribuer au budget de notre pays ».

Régulariser les transactions clandestines

Parce que l’État ukrainien a constamment besoin d’argent, l’aide occidentale ne pouvant pas servir à couvrir les dépenses militaires. Les partisans du projet voient donc dans cette taxe mensuelle de 22 000 hryvnias (environ 450 euros) par salarié exonéré un moyen de contenir quelque peu l’hémorragie budgétaire. Autre argument : puisque ceux qui résistent à la mobilisation n’hésitent pas à verser des pots-de-vin pour être déclarés inaptes, la clarté de la mesure permettrait de faire entrer dans l’économie légale ces transactions très clandestines.

« Si une personne comprend qu’elle peut payer certains impôts et qu’en échange elle pourra continuer à travailler, participer au développement économique de l’Etat et qu’elle ne sera pas mobilisée, cela peut être une solution », Fedir Venislavskyi, député et membre du comité de défense, a hésité au micro de la radio ukrainienne Radio NV. Tout en reconnaissant une conséquence au cœur du débat : « Bien sûr, en termes simples, nous traçons une ligne entre les travailleurs hautement qualifiés et bien payés, dont 99 % vivent dans les villes, et les travailleurs à faible revenu, dont la majorité vit dans les petites villes et villages. C’est une question d’équité. »

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