Paul Lederman, producteur et impresario de Claude François et Coluche, est décédé – Libération
Petit disquaire devenu découvreur de talents, Paul Lederman, décédé ce dimanche 21 juillet à 84 ans, fut l’imprésario de grandes stars, de Claude François à Coluche en passant par Les Inconnus, de grandes aventures qui se terminèrent parfois en justice. Avec son flair et un sens des affaires hors pair, il fut pendant des décennies un faiseur de rois incontournable. Ajoutant également à sa liste de conquêtes Hervé Vilard, Mike Brant, Michel Polnareff, Christophe, Michèle Torr, Thierry Le Luron ou encore Renaud.
« Mon talent, c’est de découvrir les talents avant les autres, c’est tout… Quand j’auditionne un artiste, j’essaie de regarder ce que l’œil ne voit pas. C’est mon côté psychologique. »il a déclaré à Paris Match en 1997.
« Plombier de luxe »
Producteur astucieux, il s’assure également des revenus substantiels en vendant des centaines de milliers de disques de compilation thématiques dans les années 80 (« Les meilleures chansons slow », « Les plus belles chansons d’amour », « Les plus grands succès classiques »…)
« Paul est un plombier de luxe, c’est un fabricant de tubes comme il n’en existe aucun autre.disait de lui Thierry Le Luron, imposé par Lederman alors que tout le monde du show-biz pensait qu’un imitateur ne pourrait jamais devenir une star.
Né en mai 1940 au Maroc, alors sous protectorat français, Paul Lederman est le fils de juifs polonais très modestes. « Nous manquions d’argent mais nous avions tout le reste »En 1945, la famille arrive à Marseille avant de s’installer à Paris. Il quitte l’école très tôt et trouve à 15 ans un emploi de vendeur de disques à Versailles puis aux Puces.
« Je pensais qu’il était fou »
« En vendant des disques, je suis devenu complètement fou et j’ai commencé à écouter des milliers de chansons. »Doté d’une mémoire auditive hors du commun, il lui suffit d’écouter une fois une chanson pour l’enregistrer. Un atout majeur pour celui qui passe ses soirées au Golf Drouot, devenu rapidement le « Temple du Rock » à Paris. C’est là qu’il rencontre Lucky Blondo, dont il fait son premier artiste avec la chanson « Jolie petite Sheila », classée numéro 1.
Il découvre alors Claude François, un batteur de 20 ans encore inconnu, et lui fait chanter « Belles, belles, belles » et « Si j’avais un marteau ». Avec son protégé, il invente une nouvelle façon de gérer la carrière d’un artiste, en s’en occupant de A à Z : psychologiquement, artistiquement, promotionnellement et financièrement. Très proche de « Cloclo », il prénomme ses deux premiers enfants… Alexandre et Alexandra (la troisième s’appelle Jessica).
Il n’a pas son pareil pour dénicher de nouvelles perles, à l’image de Coluche, qu’il rencontre en 1974 au Café de la Gare. L’humoriste aimait raconter l’histoire de leur première rencontre, décisive pour lui. « Il m’a dit ‘si tu m’écoutes bien, tu deviendras une star’. Je pensais qu’il était fou mais j’ai fait ce qu’il m’a dit et, quelques mois plus tard, j’étais devenu Coluche… »
Ange gardien ou requin ?
Avec cet humoriste, il est à l’origine de plusieurs coups de génie, comme la vraie-fausse candidature à l’élection présidentielle de 1981, qui lui a valu une immense couverture médiatique, et le célèbre « mariage » Le Luron-Coluche…
Un ange gardien que ses détracteurs dépeignent aussi sous les traits d’un requin aux dents longues. On lui reproche parfois d’exploiter les qualités de ses artistes dans tous les sens du terme. « Je gagne de l’argent, mais ce n’est pas le moteur de ma vie » a balayé la personne concernée. « Un exploiteur se contente d’exploiter. Je travaille dix-huit heures par jour et je suis donc l’exploité, mais je ne me plains pas, j’aime ça. »
Avec Les Inconnus, qu’il a lancé, la collaboration s’est achevée en justice. Lederman a accusé le trio d’avoir violé leurs obligations contractuelles mais a perdu son procès. Même son de cloche du côté des fils de Coluche, en conflit ouvert avec lui depuis la mort de leur père en 1986 au sujet des droits d’auteur sur une série de sketches. Au terme d’un marathon judiciaire, l’impresario a été condamné à leur verser plus d’un million d’euros en 2019.