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«Pas de vagues», «La salle des profs»: quand le cinéma filme l’école en crise

«Pas de vagues», «La salle des profs»: quand le cinéma filme l’école en crise

Dans le film allemand La salle des professeurs, réalisé par İlker Çatak et en salles depuis le 6 mars, un professeur d’éducation physique soupçonne une employée (et mère d’un élève) d’être responsable de vols dans l’école. Lorsqu’elle l’accuse auprès du directeur, la situation dégénère et met en lumière les nombreux dysfonctionnements du système éducatif. Dans Pas de vagues de Teddy Lussi-Modeste, en salles depuis le 27 mars, François Civil incarne un professeur de lettres accusé de harcèlement par un de ses élèves. Menacé de mort par la famille de l’étudiant, de plus en plus isolé et abandonné par la direction, il se retrouve dans une situation sans issue.

Les deux films, sortis à quelques semaines d’intervalle sur les écrans français, partagent de nombreux points communs. Ils mettent en scène un enchaînement de mauvaises décisions, de bévues et de malentendus qui finissent par créer des situations dramatiques et dangereuses, tant pour les professeurs que pour les élèves de l’établissement.

A ces deux exemples, on pourrait ajouter Innocence de Hirokazu Kore-eda, sorti en décembre 2023, qui racontait également l’histoire d’un enseignant accusé de harcèlement, adoptant plusieurs points de vue. Teddy Lussi-Modeste, rencontré lors de la promotion de Pas de vaguesn’est pas surpris par la multiplication de ces histoires. « Si le cinéma envahit les écoles, je pense que c’est le symptôme d’un problème. »

Histoire personnelle

Le cinéaste, qui est également professeur, s’est inspiré d’une expérience personnelle. Avant sa sortie, le film a fait l’objet d’une polémique : dans la vraie vie, de fausses accusations, rares mais possibles, sont parfois utilisées pour remettre en cause la parole de vraies victimes. Mais ce n’est pas le cas Pas de vagues, qui refuse tout manichéisme, et s’efforce de montrer une grande diversité de points de vue. Avec un seul véritable coupable : le système qui finit par servir tout le monde. « C’est vraiment l’histoire d’une parole qui ne peut pas être dite, que ce soit du côté du professeur ou du côté de l’élève. »

Pour Teddy Lussi-Modeste, ainsi que pour la co-scénariste Audrey Diwan, il était crucial de ne pas diaboliser le personnage de Leslie : l’étudiante croit sincèrement avoir été harcelée, et a été véritablement mise mal à l’aise par ce comportement malgré l’absence de soutien. son professeur. Durant le tournage, le cinéaste a ressenti une véritable catharsis par rapport à son expérience personnelle. « Il y a eu des moments très émouvants, notamment dans la scène qu’on a tournée au CPE, où on a allumé la caméra pour filmer le gros plan de Leslie. J’ai été bouleversé par quelque chose de très très puissant, parce que j’ai compris que là, le film allait me donner son point de vue.

Une institution débordée

Fondamentalement, le sujet de Pas de vagues n’est pas celui du harcèlement, mais celui d’une institution en crise. Peut-être faut-il s’alarmer du fait que trois films récents, un français, un allemand et un japonais, semblent tirer le même constat : une absence de protocole solide pour protéger les élèves et les enseignants en cas d’incident. « Il faut inventer des protocoles plus efficaces pour soutenir et recueillir la voix des victimes, estime Teddy Lussi-Modeste. Deux protocoles même, qui manqueraient à l’école : un protocole pour recueillir la parole des victimes, et un protocole pour protéger un enseignant qui se retrouve menacé de mort, ce qui est une situation qui arrive très souvent.

Lorsque Julien est menacé de mort par le frère de son élève, aucune solution ne lui est proposée pour assurer sa protection, autre que quitter l’école par la porte du garage. Ses tentatives pour porter plainte au commissariat n’ont pas abouti. Quant au proviseur, il s’avère trop préoccupé par sa propre réputation, et craint d’être mal vu par le rectorat alors même qu’il souhaiterait changer d’établissement. « Tu ne penses qu’à tes petits points », dit Julien avec amertume. Les étudiants, eux aussi, se retrouvent prisonniers d’une situation qui dégénère et les empêche d’étudier sereinement.

Dans Pas de vagues un péché La salle des professeursles enseignants en question envisagent également d’arrêter ou de démissionner, mais ne le font pas, car leur absence ne serait pas remplacée et nuirait à l’éducation des élèves. « L’histoire du film est celle d’un professeur qui se retrouve abandonné par une institution débordée. Ce n’est pas malveillant en soi, l’institution, c’est juste qu’elle est défaillante et cela crée des maltraitances, tant sur les professeurs que sur les élèves.

Appeler à l’aide

Pour éviter que ce type de situation ne se produise, il n’y a pas de solution miracle selon Teddy Lussi-Modeste, mais du temps et des moyens. « Je suppose que nous ne devrions pas en informer le professeur tout de suite. Il faudrait recevoir l’étudiante, discuter avec elle, le CPE, il pourrait certainement y avoir aussi un psychologue. Cela signifierait qu’il y aurait également besoin d’un psychologue à temps plein dans l’école, peut-être aussi d’un représentant en matière de harcèlement. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est de prendre plus de temps pour tout analyser, tous les mots.

Le réalisateur espère que son film sera perçu comme un « appeler à l’aide ». « Ce qui nous lie tous, c’est l’école. Que nous soyons enseignants, étudiants, anciens élèves, parents d’élèves, nous sommes tous liés par l’école. C’est véritablement l’institution qui construit la société d’aujourd’hui et de demain, et il faut réussir à lui en redonner les moyens.»

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