Paris, Rome, Berlin et Varsovie envisagent une capacité commune de frappe à longue portée
Le 11 juillet, comme l’a annoncé le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, lors d’une récente conférence de presse donnée aux côtés de Boris Pistorius et de Wladyslaw Kosiniak-Kamysz, ses homologues allemand et polonais, la France, l’Allemagne et la Pologne ont signé une lettre d’intention pour lancer une coopération sur les feux de (très) longue portée, en marge du sommet de l’Otan à Washington. Ces trois pays ont été rejoints par l’Italie.
Baptisée ELSA (European Long-range Strike Approach), cette initiative est ouverte à d’autres pays européens, le Royaume-Uni étant pressenti pour y adhérer, ainsi que la Suède. « L’idée est que l’approche soit la plus inclusive possible et qu’elle corresponde aux besoins opérationnels », a commenté M. Lecornu devant la presse. « Cela a de la valeur, y compris en termes budgétaires, car cela permet évidemment aussi d’absorber les différents coûts », a-t-il ajouté.
En outre, un tel programme pourrait être éligible au fonds européen EDIRPA, qui vise à renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne (BITD-E) par le biais d’acquisitions conjointes.
Cette « déclaration d’intention commune illustre une volonté européenne de partager équitablement la charge et souligne le renforcement de l’industrie européenne de défense », a commenté M. Pistorius. « L’initiative pose les bases d’une coopération intégrée et à long terme entre nos nations pour renforcer les capacités européennes de défense et de dissuasion, en développant la base industrielle du secteur », a estimé Guido Crosetto, le ministre italien de la Défense.
De son côté, M. Lecornu a justifié le projet ELSA en soulignant que la « guerre en Ukraine montre que les frappes à longue portée sont un enjeu clé pour la défense de l’Europe ». Cela étant dit, déjà dotée de l’arme nucléaire, la France a-t-elle besoin de se doter d’une telle capacité ? Le ministre l’avait expliqué en juin dernier.
« La question des frappes à longue ou très longue portée, pour les Français, c’est toujours quelque chose qui est un peu tabou parce qu’en fait, on n’a pas le droit de parler de dissuasion conventionnelle quand on est une puissance nucléaire. Mais finalement, j’ai brisé ce tabou il y a plusieurs mois en disant : ‘même une puissance nucléaire doit appuyer sa dissuasion nucléaire sur un système de dissuasion conventionnelle, en tout cas, des forces conventionnelles importantes' », avait en effet avancé M. Lecornu.
La guerre en Ukraine montre que les frappes à longue portée sont un enjeu clé pour la défense de l’Europe.
Au sommet de l’OTAN à Washington, signature d’une lettre d’intention 🇫🇷🇩🇪🇮🇹🇵🇱 pour initier une coopération dans ce domaine en mobilisant notre industrie de défense européenne. pic.twitter.com/NfZMM1QSIP
— Sébastien Lecornu (@SebLecornu) 11 juillet 2024
A priori, il s’agit de ne pas perdre de temps. « Nous verrons les effets dans les 12 prochains mois. Il y a de la bonne volonté : nous avons réussi à créer un groupe qui est prêt pour cela. Ce sont les pays les plus importants et les plus grands de l’Union européenne et de l’OTAN en Europe qui ont conclu une telle alliance stratégique », a déclaré M. Kosiniak-Kamysz.
Pour l’instant, la portée du missile sur lequel sera basé le système ELSA n’a pas été précisée. Selon M. Lecornu, elle devrait l’être après un « premier rendu opérationnel », soit d’ici la fin de cette année. Le ministère allemand de la Défense a toutefois évoqué une portée supérieure à 500 km, ce qui coïncide avec la capacité souhaitée par le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT).
En tout état de cause, une solution a déjà été esquissée par M. Lecornu. La France « dispose déjà de capacités et de briques technologiques », avec « notamment le MdCN » (missile de croisière naval), avait-il en effet rappelé en juin dernier.
Pour rappel, lors d’EuroSatory 2024, MBDA a dévoilé le LCM (Land Cruise Missile), soit une version terrestre du MdCN, d’une portée d’environ 1000 km.