Paris : le plus vieil établissement gastronomique français au bord de la faillite
Par
Julie Bossart
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Après Fauchon, un autre institution vacille. Le 1er août 2024, le tribunal de commerce Paris a confirmé la mise en redressement judiciaire de Dalloyaurévélé L’informéUne petite bombe qui n’a pas explosé aux yeux du plus grand nombre, les yeux tournés vers les Jeux olympiques de 2024. Le monde de la gastronomie française a pourtant frémi. Dalloyau est une maison plus que vénérable. Songez-y : ses origines remontent au XVIIe siècle, à la cour du château de Versailles (Yvelines).
Du commis au génie
En 1682, Charles Dalloyau entre au service de Louis XIV comme simple commis de bouche après avoir titillé ses papilles avec ses petits pains. Talentueux et passionnés, ses descendants furent aussi : quatre générations se succéderont au service des rois de France, retrace aujourd’hui l’entreprise sur son site internet.
En 1802, inspiré par les modes de vie qui émergent au lendemain de la Révolution française, Jean-Baptiste Dalloyau fonde la « première maison de gastronomie ». Son génie, comme le souligne l’écrivain et critique Christian Millau dans son Dictionnaire des amateurs de gastronomie (2008, Plon) : réunir tous les métiers liés à l’art de bien manger, et proposer à la bourgeoisie émergente des plats cuisinés pour recevoir à la maison, comme le faisaient autrefois les aristocrates.
L’éclat de l’opéra
À 101, rue du Faubourg-Saint-HonoréDans le 8e arrondissement, qui demeure aujourd’hui le siège de la maison, Jean-Baptiste Dalloyau invente le « prêt à emporter », qui ravit immédiatement les fins gourmets. Les années passent, le savoir-faire demeure. Dans les années 1950, on lui doit l’invention du gâteau Week-end, première pâtisserie pouvant être facilement emballée et transportée. En 1955, l’un de ses pâtissiers, Cyriaque Gavillon, aurait signé l’opéra (sa paternité est contestée, car elle a été revendiquée par Gaston Lenôtre dans les années 1960).
Le nom de cette pâtisserie folle et irrésistible, composée d’une succession de biscuit Joconde, de ganache au chocolat et de crème au beurre au café, lui aurait été suggéré par son épouse, en hommage aux petits rats de l’Opéra Garnier, qui faisaient des entrechats dans la boutique.
Au siège de la maison, pas d’entrechat ni de chat d’ailleurs, en ce vendredi soir 9 août. Deux clients s’échappent du 101, rue du Faubourg-Saint-Honoré, tournant le dos à un trio attablé en terrasse. Dalloyau luit d’un bleu-blanc-rouge affiché ici sur l’auvent, là sur une magnifique et généreuse religieuse, dite songe.
Les visages grimacent à l’évocation du redressement judiciaire de l’entreprise. Puis, les professionnels se ressaisissent. Après tout, ce n’est pas la première fois que Dalloyau rencontre des difficultés. En 2018, l’entreprise avait dû fermer deux de ses magasins, à Bastille (11e) et Convention (15e), et changer de stratégie. Sans faire saliver suffisamment les clients ?
« Il n’y a aucune raison de ne pas avoir confiance »
Dalloyau et ses 5 magasins propres – mais aussi 2 magasins franchisés et un total d’une trentaine de points de vente implantés en France, au Qatar, à Hong Kong et au Japon – sont en difficulté. L’entreprise est à vendre, les acheteurs ont jusqu’au 12 septembre pour se manifester, nous confirme le syndic.
Dans le 8e arrondissement, « dans les étages », on assure avoir confiance : « A cette heure, beaucoup plus de demandes que prévu ont été déposées. » Même constat derrière le comptoir : « On garde espoir, on n’a aucune raison de ne pas avoir confiance. » Les religieuses de rêve, mais aussi les macarons et les éclairs au café pris sous d’autres palais ne diront pas le contraire.
En 2001, le plus ancien traiteur français encore en activité adhère au Comité Colbert, association et lobby des maisons de luxe et des institutions culturelles françaises. Six ans plus tard, Dalloyau obtient le label Entreprise du patrimoine vivant, une distinction attribuée aux entreprises au savoir-faire rare, réputé ou ancestral. Difficile d’imaginer l’entreprise glisser vers la carte de la liquidation.
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