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Paris 2024 – Nouvelles des Jeux : Luz Long et Jesse Owens, l’amitié qui a fait enrager le régime nazi

A quelques mois du début des Jeux Olympiques, franceinfo : sport vous entraîne dans les petites histoires qui font la grande histoire des Jeux. Parmi celles-ci, la confrérie qui réunit, sous les yeux d’Adolf Hitler aux Jeux olympiques de Berlin en 1936, deux sauteurs en longueur : l’un était allemand et l’autre afro-américain.

France Télévisions – Éditorial Sport

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Luz Long et Jesse Owens en discussion lors de la compétition de saut en longueur aux Jeux Olympiques de 1936 à Berlin.  (DPA/DPA PICTURE-ALLIANCE VIA AFP)

Un homme blanc félicitant chaleureusement un homme noir après sa victoire. Tout ce qu’Adolf Hitler et les dignitaires du parti nazi ne voulaient pas voir. Luz Long et Jesse Owens ont matérialisé cette peur le 4 août 1936, aux Jeux Olympiques de Berlin. Celles-ci étaient censées prouver la supériorité de la race aryenne aux yeux du monde. Mais le talent de l’Américain et l’humanité de l’Allemand ont déjoué ces plans.

Un pied de nez à l’Histoire. Un bras d’honneur. Nous pouvons l’appeler comme nous voulons. Jesse Owens et Luz Long ont surtout fait un saut vers la postérité et ont rappelé, en pleine montée du nazisme en Europe à cette époque, que la haine des étrangers n’avait pas sa place dans un stade, et a fortiori dans le monde. . Malheureusement, les événements ultérieurs prouvèrent le contraire. Mais au moins cette haine n’aura pas envahi le sable d’un sautoir. Et c’est déjà une première victoire.

Ce jour-là, tout le stade n’avait d’yeux que pour Luz Long, favorite de la compétition et idole de la nation. Hitler lui-même, qui ne connaissait rien au sport mais suivait les recommandations de ses conseillers, déclarait que Long était son athlète préféré. Issu d’une famille bourgeoise, élevé dans un manoir en Saxe, l’athlète blond aux yeux bleus est rapidement élevé, par ses performances, au rang de modèle à suivre pour le peuple. Et ces Jeux Olympiques, véritable outil de propagande de l’idéologie nazie, sont là pour nous le rappeler.

Jesse Owens est le petit-fils d’esclaves, né de parents très pauvres, et confronté très jeune au racisme qui sévit encore aux Etats-Unis au début du XXe siècle. Son talent inné pour l’athlétisme lui permet d’échapper à sa condition et c’est en champion reconnu qu’il arrive à Berlin. La veille de ce fameux 4 août, il avait déjà remporté la finale du 100 m en 10 »03, soit un centième du record du monde qu’il avait lui-même établi quelques semaines plus tôt à Chicago. Première banderille à l’arrière du Troisième Reich.

La seconde sera plus profonde. Alors qu’Owens peine le lendemain à se qualifier pour la finale du saut en longueur, Luz Long s’approche de lui et lui conseille même de modifier son élan. Cet apport, aussi fair-play que technique, s’est révélé décisif : l’Américain, lors de sa dernière tentative, a réussi un saut qui l’a propulsé en finale. L’Histoire est en marche et les nazis ne parviendront pas à la faire dérailler. Owens, à égalité avec Long après trois sauts (7,87 m), a ensuite franchi 7,94 m puis 8,06 m lors de ses deux dernières tentatives. En lévitation, il remporte la deuxième de ses quatre médailles d’or à ces Jeux (il remporte également le 200 m et le relais 4×100 m).

L’Allemagne nazie n’avait pas prévu un tel triomphe. Elle n’avait certainement pas prévu ce qui se passerait après cette compétition de saut en longueur : Long, battu par un rival afro-américain, qui embrassera le vainqueur et fera même un tour de victoire avec lui ! Dans les tribunes du parti, les gens sont furieux de ce spectacle. Hitler refusa de serrer la main du champion noir et du fils de Long, dans la biographie qu’il consacra plus tard à son père (« Luz Long – une carrière sportive dans le Dritten Reich : Sein Leben dans Documents et Bildern » (« Luz Long – une carrière sportive sous le Troisième Reich »)) écrit même que Rudolf Hess a déclaré au sauteur allemand, quelques jours plus tard, « n’embrasse plus jamais un nègre. »

Quelles que soient ces injonctions, elles n’empêcheront pas Long et Owens d’entretenir une amitié profonde, sincère et durable. Cette dernière fut cependant brisée en 1943, en pleine Seconde Guerre mondiale, lorsque Luz Long fut tué au combat lors de l’invasion de la Sicile. Il avait 30 ans. L’Américain, qui rendit souvent visite au fils de Long à Berlin par la suite, n’a cessé d’évoquer la mémoire de son ami jusqu’à sa propre mort en 1980. Cette mémoire, celle du refus du racisme, est symbolisée par la seule photo qui a échappé à la censure de l’époque. et qui est devenu mondialement célèbre. Allongés sur le terrain de compétition, deux hommes sourient. Insensible à la pression des résultats comme à celle de la haine.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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