Paris 2024 : « Nous pouvons avoir des inquiétudes légitimes sur l’héritage des JO »
Objet de protestations croissantes, en raison de leur impact financier, social ou écologique, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 débutent dans moins de soixante jours. Le modèle même de l’événement semble-t-il compatible avec une vision progressiste et émancipatrice du sport ?
C’est une question légitime qui, je pense, met parfois à mal certaines valeurs et certaines actions du modèle et continuera à se poser à l’avenir, lorsque se tiendront de grands événements sportifs mondiaux. Pensons à l’échéance 2030 et à l’éventuelle organisation des Jeux Olympiques d’hiver dans les Alpes françaises. Les Jeux permettent de rendre plus visible et d’échanger un certain nombre de problématiques de société.
Le projet du comité d’organisation olympique entend ancrer l’héritage des Jeux sur le long terme. Pensez-vous que ce sera à la hauteur de vos ambitions ?
On peut avoir des inquiétudes légitimes sur l’après-JO, sur le patrimoine matériel comme symbolique, et sur la volonté même de rendre la culture physique et sportive accessible à tous. Pour quoi ? Car, sur le plan économique, des coupes budgétaires concernant les crédits alloués à la mission Sport ont déjà été annoncées (sur les 10 milliards d’euros du plan d’économie annoncé par le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, mi-février 50.5). millions d’euros concernent le ministère des Sports – NDLR).
Toutefois, ces crédits financent la construction et la rénovation d’équipements sportifs, le soutien au parasport, le dispositif Pass’Sport (allocation sportive de rentrée de 50 euros par enfant ou jeune adulte pour financer tout ou partie de son inscription dans une association, un club ou une salle de sport – NDLR). Un paradoxe parmi d’autres ?
On peut voir le verre à moitié plein et saluer l’avancée que représente la création du centre aquatique olympique de Saint-Denis, mais la réalité est que, dans le département de Seine-Saint-Denis, près de la moitié des installations sportives sont obsolètes et plus de quarante ans.
Qu’en est-il de la promotion de l’activité physique, déclarée grande cause nationale de l’année ?
L’idée selon laquelle l’organisation d’un grand événement sportif, comme les Jeux Olympiques, pourrait permettre à davantage de Français, hommes et femmes, de se mettre au sport, ou d’intégrer une activité physique et sportive dans leur vie quotidienne, est un pari qui ne tient pas compte des réalités sociales du moment (augmentation de la précarité, de l’inflation, augmentation des inégalités de toutes sortes, etc.)
Les discours sont très incantatoires et les injonctions se révèlent parfois culpabilisantes. Il ne suffit pas de faire du « nudge marketing », « bouger », « faire trente minutes de sport par jour », pour que tout le monde puisse le faire.
Alors quels seraient, aujourd’hui, les axes d’un sport de gauche ?
Dans la mesure où tout le monde s’accorde sur l’idée d’une démocratisation du sport, c’est la question du projet de société qu’il faut réfléchir, autour d’un sport qui ne possède intrinsèquement aucune vertu sociale ou éducative. et n’est vecteur d’aucune valeur autre que celles dictées par la société.
Malgré des évolutions positives, nous semblons aujourd’hui oublier que le sport n’a rien d’égalitaire et de démocratique. Les inégalités d’accès restent fortes quel que soit l’indicateur choisi (genre, territoire…). Et il y aurait par ailleurs un changement de paradigme à opérer, d’un sport de compétition vers un sport d’outils, pouvant participer à la performance sociale.
Un sport de gauche doit nécessairement s’inscrire dans les enjeux sociétaux, environnementaux et économiques de demain. C’est un lieu de rencontres intergénérationnelles, ouvert à tous, et il doit permettre, à travers ses éducateurs et bénévoles, d’apprendre à vivre ensemble.
Les jeunes et le sport. Penser la société de demain, de Guillaume Dietsch, éd. De Boeck Supérieur, 110 pages, 19,90 euros
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