Paris 2024 : « Les Jeux Paralympiques sont un vecteur d’inclusion et de diversité »

Souvent méconnus, parfois oubliés, les Jeux Paralympiques sont le fruit d’une histoire longue et complexe mise en lumière dans une exposition au Panthéon (du 11 juin au 29 septembre 2024). Un peu plus de deux mois à partir du 17^e édition d’été organisée à Paris (28 août au 8 septembre), Anne Marcellini, professeure agrégée à la faculté des sciences sociales et politiques de l’Université de Lausanne en Suisse et commissaire de cette exposition, retrace pour nous la lente évolution du sport de rééducation post- la guerre au sport de compétition.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’histoire du paralympisme est assez ancienne…

Oui tout à fait. A partir de 1948, il y aura ce qu’on appelle « jeux d’hôpital » à l’intérieur de l’hôpital de Stoke Mandeville, Royaume-Uni. Le docteur Ludwig Guttmann, neurologue allemand, organisera des activités pour les patients. Il y a tout d’abord des inquiétudes médicales quant au déplacement des blessés médullaires (ndlr), notamment, ainsi que des jeunes blessés de guerre. Il ne faut pas oublier que la Seconde Guerre mondiale a laissé derrière elle, beaucoup de gens mutilés.

La différence avec la Première Guerre mondiale est qu’après 1945, nous avons pu maintenir en vie beaucoup plus de blessés grâce aux progrès de la médecine. On peut donc considérer ces premiers élans comme fondateurs, même si les premiers Jeux hors cadre médical ont eu lieu à Rome en 1960.

L’exposition est divisée en quatre axes, qui constituent les grandes périodes du mouvement paralympique. Expliquez-nous…

Il s’agit d’une exposition qui a été conçue dans l’idée de présenter la dynamique historique du mouvement paralympique. Nous mettons également « Histoires paralympiques » au pluriel, car c’est justement une histoire qui en combine plusieurs autres. La première partie, de 1948 à 1960, se concentre donc sur les Jeux dans les hôpitaux.

La deuxième séquence, que nous avons décrite comme « Jeux para-olympiques » s’étend de 1960, avec les premières compétitions hors des hôpitaux, jusqu’en 1989 et la création du Comité International Paralympique. C’est trente années de construction extrêmement riche pour le mouvement paralympique.

Une troisième période s’ouvre de 1989 à 2012, celle d’un nouveau paralympisme qui cherche à s’élargir et à rassembler toutes les fédérations sportives internationales représentant les athlètes présentant différents types de handicaps…

Et en 2012, est-ce enfin le point de bascule pour la compétition ?

En 2012, les Jeux de Londres marquent une rupture significative dans la médiatisation du handisport, dans un pays déjà engagé dans des politiques inclusives. Un effort considérable est fait pour améliorer la médiatisation de ces pratiques sportives, jusqu’à présent assez limitées.

Cette année-là, les productions vidéo et télévisuelles, notamment sur une chaîne dédiée, contribuent à changer les perceptions collectives. Les athlètes handicapés ont commencé à être considérés non seulement comme des personnes handicapées pratiquant un sport, mais aussi comme des athlètes à part entière. Cela a favorisé une nouvelle fierté du handicap, mettant en avant la singularité de leur pratique sportive.

Le CIO a-t-il cherché à s’approprier l’élan paralympique à ses débuts ?

C’est un sujet qui fait également partie de l’exposition. Au moment de la création du Comité international paralympique en 1989, le CIO et l’ensemble du monde sportif ne prenaient pas vraiment le mouvement paralympique au sérieux. Elle reste, à leurs yeux, une organisation minoritaire.

Si certains athlètes paralympiques avaient déjà réclamé la fusion des deux compétitions, ces demandes n’avaient pas vraiment de sens pour le CIO. En effet, le comité olympique veut incarner le plus haut niveau de performance internationale, et à cette époque, le mouvement paralympique ne faisait pas partie de ce paysage.

Comment définir le mouvement paralympique ?

C’est un mouvement qui a toujours fonctionné historiquement sur le volontariat sportif, sur le militantisme, sur l’engagement de chacun. Au début par exemple, les équipements de rééducation étaient « trafiqués » de manière très artisanale pour devenir des équipements sportifs. Peu à peu, les industriels ont été invités à obtenir un développement plus large d’un point de vue quantitatif. Cette reconnaissance a permis la professionnalisation et la professionnalisation a permis, en même temps, la reconnaissance et donc l’amélioration des performances.

Le mouvement paralympique s’inscrit également dans une logique d’inclusion…

Effectivement. Le mouvement est également fier de sa diversité et de son inclusion. Dès ses débuts, le comité paralympique introduira de nouvelles catégories de handicaps pour représenter le plus grand nombre. Nous reconnaissons la différence et nous réfléchissons enfin à la manière dont nous pouvons faire pour que tout le monde puisse participer.

Quand on dit parasport aujourd’hui, ne parle-t-on presque plus de handicap ?

Aux Jeux Paralympiques, les athlètes sont dans un classement qui correspond à leur situation en termes de capacités physiques et sportives. Les concurrents auxquels ils font face opèrent dans la même classe d’équivalence fonctionnelle. Ce qui veut dire qu’ils ne sont pas en situation de handicap dans ce cas, si l’on considère qu’une situation de handicap signifie être désavantagé par rapport aux autres.

Vous serez donc en concurrence avec des personnes qui n’ont pas forcément le même déficit que vous, mais qui ont les mêmes volumes de capacités et d’incapacités que vous. Cette notion d’équité est essentielle dans le paralympisme. C’est la reconnaissance de la diversité des capacités et la mise en place d’un système de compétition équitable.