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Paris 2024 : « La danse est la porosité entre sport et art », décrypte le chorégraphe Mehdi Kerkouche

Nous sommes un mardi après-midi, le Louvre est fermé au grand public. Mais dans l’aile Richelieu, quatre danseurs et athlètes s’échauffent pour une séance de sport au milieu de la cour de Khorsabad, vestige d’une ville construite au VIIIe siècle avant JC, près de Mossoul.

Les participants d’aujourd’hui bénéficient d’un programme particulier, ils sont tous membres du Groupe d’Entraide Mutuelle (GEM) La vie à Paris, une association favorisant l’insertion de personnes confrontées à des troubles psychologiques ou cognitifs. «  Avez-vous déjà fait du sport ? Danse ? », interroge Mehdi Kerkouche, créateur des visites « Courez au Louvre « , dès le début.

Une courte promenade et la musique résonne entre les reliefs assyriens. Les participants lèvent la tête : la verrière du Louvre est impressionnante. Après une introduction disco, puis dancehall, et un peu de cardio, la séance se termine par des étirements de yoga. «  Au début, on est un peu impressionné par l’immense espace du musée, mais la séance a changé notre vision. C’est un peu comme si le Louvre avait été dépoussiéré depuis qu’on y dansait », se réjouit Emmanuelle, une des participantes, membre du GEM.

Un an plus tôt, le chorégraphe contemporain et directeur du CCN Créteil, Mehdi Kerkouche, avait été contacté par le Louvre pour imaginer une déambulation sportive autour des œuvres les plus légendaires et historiques du musée.

«  On s’est dit qu’il fallait marquer l’occasion de l’exposition « Olympisme » : comment faire quelque chose qui simplifierait physiquement et artistiquement la visite des salles du Louvre ? Par une déambulation dansée ! », explique Arthur Binois, programmateur de ces séances de sport au Louvre.

«  Nous aurions pu le faire avec un athlète, mais nous voulions un regard artistique, un regard de chorégraphe sur les salles du Louvre. »ajoute-t-il, assurant qu’il espère pouvoir répéter ce type d’expérience à l’avenir.

La danse est reconnue comme sport depuis 1969 par la Fédération Française de Danse, comment la percevez-vous ? Comme un sport, un art, les deux ?

La danse est la porosité entre le sport et l’art. Ce qui est différent, c’est la physicalité nécessaire ou non pour danser, selon les types de danse.

Il existe effectivement des synergies communes dans la danse et le sport. Il y a aussi des valeurs communes : le travail, l’engagement envers le corps, la discipline, le dépassement de soi. Mais il y a aussi l’approche culturelle et artistique dans la danse, qu’on ne retrouve pas dans le sport, elle est pluridisciplinaire. Et c’est là que se situe la frontière. Il y a pour moi l’art sportif ou le sport artistique : c’est le cas de la danse.

Le breakdance fait son entrée aux JOP cet été. C’est la première fois qu’une discipline de danse sportive participe à une compétition olympique. Aimeriez-vous voir d’autres styles de danse inclus dans les JOP ?

Le breakdance est encore une discipline jeune, qui a 50 ans. C’est assez symbolique de la voir participer pour la première fois au concours des JOP. Je ne sais pas si d’autres formes de danse pourraient s’y intégrer mais c’est intéressant. Il y a bien le patinage artistique ou la gymnastique artistique, mais c’est très particulier, je ne sais pas si je le verrais d’un bon oeil.

Cela soulève des questions : comment évalue-t-on l’art ? Comment est constitué un jury ? Basons-nous l’évaluation sur la technique ? Dans ce cas, nous omettons sûrement tout le côté artistique. Même chose si c’était l’inverse.

Le breakdance est quelque chose d’extrêmement physique, c’est une évidence : la partie physique des figures au sol qui composent sa pâte n’est pas négligeable. En comparaison, l’aspect physique est beaucoup plus subtil, bien que présent, dans la danse contemporaine. Nous verrons comment cela sera mis en œuvre cette année aux Jeux Olympiques et Paralympiques !

Quel était l’intérêt, dans ces séances au Louvre, de lier contemplation artistique et effort physique ?

Ce qui me parle et me plaît, c’est de faire venir des publics qui n’ont pas forcément l’habitude de voir et de pratiquer l’art. J’essaie de maintenir une exigence artistique dans tous mes projets, mais en restant le plus généraliste possible pour permettre à tous les publics de se connecter à mes spectacles à un moment ou à un autre. Il était important pour moi lors de ces séances que le public vive autant une expérience du musée qu’une riche expérience corporelle.

Lorsque nous étions dans la cour de Marly, nous invoquions le soin de soi avec le yoga, comme Louis IV lorsqu’il se promenait dans ses jardins. Mais nous n’avons pas transformé le Louvre en un modèle basique. Nous avons rencontré les conservateurs du musée pour savoir comment adapter tous nos mouvements, mais aussi toute la musique, pour susciter de manière ludique le regard et l’intérêt du public.

Le but était d’orienter les corps vers les œuvres, de prendre le temps de les scruter, de les regarder. Lors des visites nous passions également beaucoup de temps à nous déplacer, pour ne pas rester ancrés sur nous-mêmes, mais au contraire ouvrir notre regard, notre corps, nos yeux.

Quand le corps est en mouvement, quand il danse, il y a une proximité qui s’opère. Les gens osent beaucoup plus nous parler pendant et après la danse. Le corps est porteur de nombreuses informations, et être actif lui permet de s’en échapper, de partager davantage ses interprétations et ses sensations sur ce qui nous entoure. Dans ces visites sportives, les œuvres du musée deviennent plus accessibles.

Avant de partir, une dernière chose…

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William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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