« Paradis naturiste », au Mucem de Marseille, une exposition inédite retrace un siècle de naturisme
C’est dans l’ADN du Mucem d’organiser des expositions uniques. « Paradis naturistes » en fait partie. Elle retrace un siècle de naturisme et mêle toutes les interrogations : culturelles, scientifiques, philosophiques et politiques, sur notre rapport au corps. La France est d’ailleurs aujourd’hui la première destination des naturistes.
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Enlevez vos vêtements, vivez en symbiose avec la nature et libérez votre corps de toute forme de contrainte. Le naturisme, phénomène de société contemporain, connaît depuis quelques années un véritable renouveau, notamment en France, première destination touristique mondiale des naturistes. Et les bords de Méditerranée attirent particulièrement ces adeptes de la vie au plus simple des vêtements.
Pour le Mucem de Marseille, il semblait évident et nécessaire de s’intéresser à ce fait social et à son histoire. « Il n’y a jamais eu d’exposition en France dans les institutions publiques sur ces questions, explique Amélie Lavin, l’une des six commissaires de l’exposition. Tout le matériel que nous montrons, les objets, les œuvres d’art, les archives, les photographies ou les films, presque tout est du matériel nouveau. »
Fesses sculptées, corps exposés, corps filmés, corps assumés, il n’y a rien de sexuel dans cette exposition intitulée Paradis naturistes. Pas d’images pornographiques, non. Il s’agit avant tout de déconstruire les idées reçues et les stéréotypes sur le naturisme, qui est d’abord une philosophie de vie, une pratique familiale réunissant des personnes de tous âges et de tous horizons, qui cherchent à vivre simplement au contact de la nature. Juste une question : pourquoi et comment la France est-elle devenue aujourd’hui la première destination des naturistes ?
L’histoire du naturisme en France est singulière, elle s’est organisée autour de communautés qui se pensaient réellement comme des projets de réforme de la vie avec une dimension d’utopie sociale. Ce sont donc des petites cités utopiques qui sont nées entre les années 20, 30 et 50.
Amélie Lavinco-commissaire de l’exposition « Paradis naturistes »
L’exposition retrace l’histoire des différentes communautés nées au siècle dernier pour défendre et promouvoir la vie nue.Le Sparta Club en 1928 fut la première grande communauté à ouvrir en France, déclare Amélie Lavin. Elle s’ouvre dans un château. C’est sa particularité : il a été fondé par un aristocrate appelé Kienné de Mongeot. Il fut le premier partisan de la nudité intégrale. »
En 1950, le couple Christiane et Albert Lecoq ouvre le Centre Hélio Marin à Montalivet et fonde un an plus tard la Fédération Française de Naturisme. Leur souhait est de construire un véritable complexe héliomarin qui soit aussi thérapeutique, un lieu de vie beaucoup plus prisé. Le Centre Hélio Marin est aujourd’hui un immense camping de 200 hectares et 3000 emplacements en Gironde.
L’histoire du Cap d’Agde commence aussi dans les années 1950 avec une différence majeure par rapport aux autres communes qui se déployaient dans des paradis naturels. Agde est une ville dans la ville, c’est un paradis en béton qui s’invente.
Vingt ans plus tard, le nu est porteur d’un message. 1970, on se met à nu dans les congrès du PSU, c’est la libération des mœurs. Dans les années 2000, le nu s’assume au-delà des imperfections du corps, il devient même un outil politique à l’image des Femen qui manifestent seins nus, des slogans inscrits sur leurs seins.
Le titre de l’exposition « Paradis naturistes » interroge également nos origines. Il s’agit de revenir aux sources d’un phénomène social qui bouleverse les conventions et injonctions esthétiques et normatives.
« Dans tous les musées du monde, les représentations du paradis, d’Eve et d’Adam ne s’écartent jamais de cette image. Ils vivent nus, à l’état de nature, affirme dans un éditorial le président du Mucem, Pierre-Olivier Costa. Se couvrir a probablement profondément changé notre rapport à la nature, au sort que nous réservons à notre environnement. Se couvrir a probablement aussi changé le rapport que nous entretenons aux autres et, évidemment, à notre propre corps.
Et pour mieux questionner ce rapport que nous entretenons avec la nudité, l’exposition peut être visitée une fois par mois dévêtue, sur réservation.
Grb2